
Non, l’infusion de corossol, gingembre, aloe vera et ananas ne soigne pas le cancer
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 11 décembre 2020 à 11:50
- Mis à jour le 11 décembre 2020 à 12:03
- Lecture : 4 min
- Par : Monique NGO MAYAG
Copyright AFP 2017-2025. Toute réutilisation commerciale du contenu est sujet à un abonnement. Cliquez ici pour en savoir plus.
La posologie, saisie sur une feuille de format A4, se veut aussi simple qu’efficace : passer l’aloe vera, le gingembre et l’ananas dans un mixeur et boire le breuvage matin et soir, durant deux à trois semaines. "Partagez le message pour soigner les gens, ne soyez pas égoïstes, partagez", ordonne l’auteur de cette "recette miracle" partagée 81.000 fois depuis avril 2016.

Une maladie meurtrière
Ce message, associé à une présentation succincte du cancer, est repris dans des publications plus récentes et toutes aussi virales. Cette "recette" se retrouve notamment sur des sites consacrés à la santé (1,2,3) et des pages Facebook d’Afrique francophone (1,2,3,4,5), où le taux de mortalité dû au cancer est élevé.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le cancer a tué 9,6 millions de personnes en 2018 et constitue la deuxième cause de décès dans le monde. De plus, "environ 70% des décès par cancer surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire."
Cette maladie, dont l’une des caractéristiques est la prolifération rapide de cellules anormales pouvant essaimer dans d'autres organes, formant ce qu'on appelle des métastases, peut toucher n'importe quelle partie de l'organisme, rappelle l'OMS.
Il existe donc de nombreux cancers, dont les plus meurtriers sont le cancer du poumon, le cancer du foie, le cancer colorectal, celui de l’estomac et le cancer du sein.
"Il n’existe pas d’aliment miracle"
Un breuvage fait d’aloe vera, de gingembre, d'ananas et de corossol peut-il permettre de soigner cette maladie très meurtrière? Non, selon l’Institut national du cancer, qui dément l'existence "d’aliments miracles" pour lutter contre cette maladie.
"Cette information est mensongère et dangereuse pour les patients atteints de cancer, qui pourraient décider d’abandonner leurs traitements conventionnels en faveur d’une telle pratique", insiste auprès de l'AFP la porte-parole de cet institut basé près de Paris.
Ces "informations qui laissent à penser que le cancer peut être guéri avec des aliments (...) jouent sur le désarroi des patients face à la maladie", dénonce-t-elle.
Une mise en garde corroborée par le Dr Armand Thouassa, cancérologue à l’hôpital général Adolphe Sice de Pointe-Noire, au Congo, pour qui ces breuvages n’ont "aucune action contre la prolifération des cellules cancéreuses". Il s’agit d’une "supercherie commerciale", estime Dr. Thouassa.
Selon ce spécialiste, le corossol, l'aloé vera, l'ananas et le gingembre peuvent être des soutiens et des facilitateurs pour les patients subissant des chimiothérapies et radiothérapies. "On peut profiter de l'effet antiémétique (anti-vomissements, ndlr) du gingembre" et "l'aloe Vera peut être utilisé pour traiter les dégâts cutanés dus à la radiothérapie", détaille-t-il.
Mais "aucune étude scientifique ne corrobore l'efficacité thérapeutique" de ces trois ingrédients "sur le cancer" lui-même, insiste M. Thouassa, pour qui traiter le cancer par ces plantes relève de ce qu'on appelle dans le domaine scientifique un traitement "non conventionnel".
Des protocoles de traitement scientifiquement prouvés
Les experts contactés par l’AFP insistent de façon unanime sur la solidité des protocoles de traitements scientifiquement prouvés et éprouvés. Le Pr Pierre Bey, professeur émérite de cancérologie-radiothérapie à l’université de Lorraine, en France, souligne que les cancers sont des maladies constamment mortelles en l'absence de traitements efficaces appliqués par des médecins formés.
Il rappelle que le traitement contre le cancer mobilise un ensemble de spécialités médicales pointues : la chirurgie, la radiothérapie, les médicaments antimitotiques, des hormones et des produits immunologiques, plus ou moins associés selon le type de cancer et le stade d'évolution.
Le cancer du sein par exemple, le plus meurtrier chez les femmes, mobilise plusieurs spécialités pour un diagnostic de traitement au cas par cas, plus adapté au malade. Il requiert un cheminement pointilleux, comme l’explique le Dr Marian Gutowski, chirurgien à l’institut du cancer de Montpellier dans cette interview vidéo accordée au Figaro.
Cette interdisciplinarité, couplée aux traitements adaptés à chaque type de cancer, permet de guérir aujourd'hui "environ 55% des patients atteints", selon Pr Pierre Bey.
Des progrès qui n’empêchent pas les prétendus "remèdes miracles" de proliférer sur la toile, en cancérologie comme dans beaucoup d'autres pans de la médecine, "le plus souvent sans aucune évaluation scientifique en ce qui concerne l'efficacité et le risque d'effets secondaires toxiques", note le Pr Bey.
L’AFP s’est penchée sur nombre de ces compositions aux prétendues vertus curatives. Parmi elles: les feuilles d’aubergines sauvages sur le cancer du sein, ou l’eau chaude et du citron. Dans ces deux cas, comme dans celui du mélange aloe vera, ananas, gingembre et corossol, les spécialistes en appellent à la vigilance des malades.