Non, cette image ne montre pas les victimes d'un massacre au Cameroun

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 21 février 2020 à 19:40
  • Mis à jour le 26 novembre 2020 à 17:14
  • Lecture : 3 min
  • Par : Monique NGO MAYAG
Une image montrant des cadavres étalés au sol et recouverts de branchages, est utilisée ces derniers jours  dans certaines publications au Cameroun pour accuser l’armée d’exactions dans la région du Nord-Ouest. Cette photo montre en réalité les corps de personnes décédées à la suite de fortes pluies au Ghana en mars 2017.   
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Capture d'écran Facebook prise le 21/02/2020

Cette publication évoque le massacre le 14 février au Cameroun d'au moins 23 personnes, dont 15 enfants et deux femmes, selon l'ONU, à Ntumbo. 

Cette localité est située dans la région du Nord-Ouest, en proie depuis 2017 aux combats entre l'armée et des séparatistes anglophones, qui militent pour la création d'un Etat indépendant.

"Voici la preuve", écrit l’auteur de la publication, partagée plus de 300 fois sur Facebook et illustrée par une photo de personnes, debout, autour d’une vingtaine de corps inanimés, recouverts de branchages. 

L’ONU confirme que l’armée camerounaise a massacré et brûlé 23 enfants et femmes”, affirme-t-il.

L’ONU a en réalité demandé lundi une enquête "indépendante, impartiale et complète", car les versions autour de cette tuerie et les bilans divergent.

Une partie de l'opposition camerounaise, mais aussi de nombreux témoins interrogés par l’ONU et des ONG, accusent des militaires. Des témoins ont rapporté à l'ONU que "40 hommes armés, dont des membres des forces de défense et de sécurité" avaient attaqué le quartier de Ngarbuh, "tirant sur les habitants et brûlant des maisons".

Un scénario démenti le 17 février par l’armée camerounaise qui a évoqué "un malheureux accident" qui a fait "cinq victimes civiles". Elle affirme que six militaires en patrouille ont été la cible de tirs nourris de "terroristes" et que les combats ont entraîné l'explosion de réservoirs de carburant, provoquant un incendie qui a tué "une femme et quatre enfants".

La même photo est utilisée dans d’autres publications pour accuser l’armée de massacres dans les régions anglophones.

Un “classique” détourné sur tout le continent 

Cette image a été régulièrement utilisée ces dernières années à travers l’Afrique pour illustrer des événements dramatiques, comme l’avait démontré une vérification de l’AFP il y a un an.

Elle avait notamment été utilisée en 2019 par des internautes camerounais, déjà pour condamner des exactions ayant cours dans la région anglophone du Sud-Ouest, également théâtre de combats entre armée et séparatistes anglophones.

Avant de faire le tour des réseaux sociaux au Cameroun, ce cliché avait été relayé au Nigeria en mai 2017 pour alerter sur onze personnes décédées de suites d’un appel téléphonique "maléfique", ou pour accuser quelques mois plus tard le président nigérian Muhammadu Buhari de "tuer les habitants du Biafra", où s'affrontent des sécessionnistes et l'armée.

On l’avait également vu mai 2017 en Tanzanie pour illustrer un accident d’un bus scolaire.

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Capture d'écran prise sur le site 509zone.com le 21/02/2020

L’image avait même été utilisée pour la couverture d’un livre sur "le génocide des Laris" en République démocratique du Congo, publié en 2018. La couverture a depuis été changée. 

Pourtant, cette photographie n’a rien à voir avec aucun de ces pays. 

Comme l’expliquait l’AFP, cette photo a été prise à Kintampo, au Ghana. Elle montre les corps de 20 jeunes qui avaient péri ce jour-là, noyés ou écrasés, à la suite de fortes pluies. 

Depuis le massacre du 14 février au Cameroun, plusieurs images ont été détournées sur les réseaux sociaux, comme le montrent ces publications de AFP Factuel (12).

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