
La France était-elle en excédent budgétaire quand Valérie Pécresse était ministre du Budget ?
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 21 septembre 2021 à 17:43
- Lecture : 4 min
- Par : Jérémy TORDJMAN, AFP France
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Emmanuel Macron serait "en train de cramer la caisse": la charge de Valérie Pécresse contre la volée de dépenses annoncées par l'exécutif (500 millions d'euros supplémentaires pour les forces de sécurité, chèque énergie de 600 millions...) lui a valu une riposte immédiate de députés LREM qui, en retour, ont mis en cause sa gestion passée des comptes publics quand elle en avait la charge (2011-2012), sous Nicolas Sarkozy.
Les proches de la candidate à l'investiture présidentielle de LR ont, à leur tour, répliqué en vantant le bilan de la ministre Valérie Pécresse, quitte à prendre quelques libertés avec les faits.
A en croire ainsi Pierre Liscia, porte-parole du mouvement Libres! fondé par Mme Pécresse, la France avait renoué avec un excédent budgétaire en 2011 précisément quand sa championne avait pris les rênes des comptes publics à la fin juin de cette année, succédant à Christine Lagarde, partie diriger le Fonds monétaire international.
En l'occurence, la dernière fois que la France a eu un budget à l'équilibre avec une baisse des dépenses de l'État c'était en 2011... précisément quand @vpecresse était ministre du budget.
— Pierre Liscia (@PierreLiscia) September 17, 2021
Et c'est le président de la Cour des comptes (PS) qui le dit ! pic.twitter.com/eZJKk1ogcahttps://t.co/L5sWjBNy4k
Un autre de ses proches, le député LR Robin Reda, a déroulé un argumentaire similaire en affirmant que c'était Valérie Pécresse qui était aux affaires "la dernière fois que les dépenses publiques ont vraiment baissé en valeur absolue".
La France en excédent budgétaire en 2011 ?
Cette affirmation est contredite par une réalité statistique intangible : les comptes publics de la France sont dans le rouge sans discontinuer depuis 1974. Concrètement, cela veut dire que les dépenses de l'Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale sont chroniquement supérieures aux recettes, générant un déficit qui s'exprime soit en milliards d'euros soit en pourcentage du produit intérieur brut (PIB).
L'année 2011 ne fait pas exception: selon l'Institut national de la statistique (Insee), le déficit public avait alors atteint 106,1 milliards d'euros, soit 5,2% du PIB, alors que l'économie se relevait lentement de la crise financière mondiale de 2008-2009.

Comme tous ses prédécesseurs, Mme Pécresse avait d'ailleurs dû présenter un budget pour 2012 en déséquilibre, avec un déficit alors prévu de 4,5% du PIB et qui atteindra finalement 5,0% selon l'Insee. En 2020, il a plongé au niveau record de 9,2% du PIB sous l'effet notamment de la crise sanitaire et des 240 milliards déboursés au nom du "quoi qu'il en coûte".
Dans le très court clip --non daté-- accompagnant le tweet de M. Liscia, le président de la Cour de comptes entre 2010 et 2020, le socialiste Didier Migaud, ne dit d'ailleurs rien sur un quelconque excédent budgétaire en 2011 même s'il reconnaît l'effort déployé sur les finances publiques cette année-là.
"Au niveau de la maîtrise de la dépense publique, pour le moment, le meilleur résultat, dans les dernières années, c'est 2011", dit-il. Après recherches, l'AFP a pu établir que ses propos ont été prononcés il y a plus de sept ans, en avril 2014, lors d'une audition devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
Une baisse des dépenses publiques en 2011?
Si l'on s'en tient aux dépenses de l'Etat stricto sensu, un repli a bien été observé en 2011 par rapport à 2010 (de 483,4 à 447,3 milliards d'euros) même s'il a été de courte durée puisqu'elles sont reparties à la hausse dès 2012, à 453,7 milliards d'euros, selon les données de l'Insee.

Les dépenses publiques dans leur ensemble (Etat, collectivités, Sécurité sociale) n'ont elles pas connu de repli pendant cette période et sont passées de 1.135,0 milliards d'euros en 2010 à 1.192,9 milliards en 2012, année de l'élection de François Hollande.

De manière générale, imputer une performance --ou une contre-performance-- budgétaire à un seul ministre n'a toutefois pas beaucoup de sens, explique à l'AFP François Ecalle, ancien rapporteur général à la Cour des comptes.
"Il faut relativiser, détaille cet ancien haut fonctionnaire qui tient aujourd'hui un site sur les finances publiques. Un ministre du Budget ne décide jamais seul dans un gouvernement et encore moins dans la Ve République où c'est parfois le président de la République qui décide lui-même".