
Le contrôle technique n'est "pas légalement obligatoire" ? C'est faux
- Publié le 16 octobre 2025 à 16:44
- Lecture : 6 min
- Par : Alexis ORSINI, AFP France
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Le contrôle technique des voitures en France doit avoir lieu dans les quatre ans après leur mise en circulation, puis tous les deux ans. Mi-octobre 2025, des internautes ont affirmé dans des publications virales qu'il ne serait en réalité pas "légalement obligatoire", en raison d'une absence de loi à ce sujet. Mais c'est faux : ce raisonnement repose sur une mauvaise interprétation de la hiérarchie des normes juridiques en vigueur en France. Le contrôle technique y est bien obligatoire, conformément à l'article R323-1 du Code de la route, comme l'a confirmé un avocat en droit routier à l'AFP.
"Le contrôle technique n'est pas légalement obligatoire", soutiennent des internautes sur X (1, 2, 3), en octobre 2025, reprenant ainsi une affirmation déjà relayée sur Facebook fin septembre (4, 5), à propos de cette inspection obligatoire en France pour les voitures dans les quatre ans après leur mise en circulation, puis tous les deux ans.
Les publications les plus récentes relayées sur X se basent sur une vidéo du compte YouTube "Chien surpris" mise en ligne le 9 octobre 2025.

Dans cette séquence, "ce citoyen sous pression fiscale" revendiquant une "analyse sans filtre des absurdités bureaucratiques, des dérives administratives et des mécanismes de spoliation fiscale" entend démontrer pourquoi le contrôle technique ne serait pas légalement obligatoire.
"Selon la loi et selon notre Constitution, nous ne sommes pas, nous les Français, obligés d'effectuer le contrôle technique. Et nous ne sommes donc certainement pas obligés d'avoir à subir une verbalisation si jamais il n'est pas effectué", y affirme-t-il en introduction.
Il développe ensuite : "En général, les gens vont aller chercher rapidement sur Internet sans creuser et tomber sur l'article R323-1 du Code de la route. Ils vont dire : 'mais regarde, c'est écrit noir sur blanc, le contrôle technique est obligatoire'. Sauf que non, cet article, c'est un décret. Ce n'est pas une loi. Un décret n'est pas voté par les représentants du peuple. C'est pris par le gouvernement, par les ministres. Autrement dit, ce n'est pas une norme législative, donc pas une obligation au sens constitutionnel".
"Ensuite, d'autres vont vous parler de l'article L323-1 du Code de la route. Cette fois ci, c'est bien une loi et l'article dit : 'lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui ci est effectué par les services de l'État ou par des contrôleurs agréés par l'État dans des installations agréées'", poursuit l'internaute.
"Mais cet article ne concerne pas les particuliers, les conducteurs ni les usagers. Il encadre uniquement les conditions dans lesquelles les contrôles sont effectués par les services de l'Etat ou par les contrôleurs agréés. [...] Autrement dit, il s'adresse à ceux qui font passer le contrôle, pas à ceux qui doivent le faire. Il ne crée donc aucune obligation légale pour le citoyen", développe-t-il.
"Tout repose sur un décret, c'est à dire un acte administratif du pouvoir exécutif. Mais un décret sans base législative claire ne peut pas imposer une contrainte aux citoyens, selon notre Constitution", conclut "Chien surpris".
Ce raisonnement juridique est fallacieux, comme l'a expliqué à l'AFP le 15 octobre 2025 Basile Tissot (lien archivé ici), avocat en droit routier au cabinet de Caumont : "C'est vrai qu'il n'y a pas de loi qui dit qu'on a l'obligation d'avoir le contrôle technique. Mais on n'a pas besoin d'une loi pour ça".
"Ce n'est pas parce qu'on a des lois qui ne prévoient pas quelque chose que le règlement ne peut pas le prévoir. [...] Si la loi dit : 'vous n'avez pas le droit de faire quelque chose' et que le règlement dit : 'vous avez le droit', le règlement ne s'applique pas. En revanche, si la loi ne dit rien et qu'un règlement dit 'vous n'avez pas le droit de', le règlement s'applique, il n'y a pas de problème", détaille-t-il.
"Le domaine de la loi est fixé à l'article 34 de la Constitution. Tout ce qui n'entre pas dedans, le Premier ministre [ou le président de la République, NDLR] peut le régler directement par décret", a par ailleurs souligné à l'AFP, le 14 octobre 2025, l'avocat en droit public Louis le Foyer de Costil (lien archivé ici).
Interprétation juridique fallacieuse
Dans le cas précis du contrôle technique, son caractère obligatoire est ainsi posé clairement par l'article R323-1 du Code de la route (lien archivé ici) : "Tout propriétaire d'un véhicule mentionné au présent chapitre n'est autorisé à le mettre ou le maintenir en circulation qu'après un contrôle technique ayant vérifié qu'il est en bon état de marche et en état satisfaisant d'entretien".
"La valeur obligatoire du contrôle technique réside dans cette première phrase", souligne Basile Tissot, rappelant que "la partie réglementaire du Code de la route est justement faite pour fixer les obligations et les sanctions s'il n'y a pas une loi qui veut dire l'inverse, évidemment".
En outre, "la quasi-totalité du Code de la route" repose, pour les infractions minimes, sur des textes réglementaires, l'avocat citant en exemple les infractions liées au stationnement, qui ne "font pas l'objet de lois, mais uniquement de textes réglementaires".
Un automobiliste qui n'a pas réalisé le contrôle technique de son véhicule dans les délais impartis s'expose à une amende de 135 euros pouvant être portée à 750 euros et à l'immobilisation de son véhicule.
Comme le précise le site Vie publique (lien archivé ici), on distingue deux types de décret : les décrets d'application, "qui précisent les modalités d'application d'une loi", et les décrets autonomes, "qui traitent des sujets ne relevant pas du domaine de la loi".
L'article L323-1 du Code de la route (lien archivé ici), lui, applique une loi, et précise les modalités de réalisation du contrôle technique, qui doit donc être "effectué par les services de l'Etat ou par des contrôleurs agréés par l'Etat dans des installations agréées".
Contrairement à ce que prétend "Chien surpris", "aucune loi ne dit que 'le contrôle technique ne concerne pas les particuliers, les usagers, etc.' On a juste une loi qui fixe le cadre du contrôle technique, qui est confié aux services d'État, à des contrôleurs agréés par l'État", détaille Basile Tissot.
Le seul cas dans lequel le raisonnement avancé dans la vidéo aurait un fondement juridique résulterait d'une contradiction entre une loi et un règlement.
"Si une loi dit : 'En tant que particulier, vous n'avez pas à faire de contrôle technique et vous pouvez rouler sans contrôle technique', et que, derrière, il existe un article réglementaire qui dit : 'Le contrôle technique est obligatoire pour les particuliers', le raisonnement serait tout à fait logique. [...] La loi, qui est une plus forte valeur [dans la hiérarchie des normes, NDLR], viendrait ici en contradiction avec un article réglementaire qui dirait totalement le contraire. Dans ce cas-là, le règlement ne serait pas applicable en tant que tel", explique Basile Tissot.
Mais ce n'est pas le cas ici.

Le contrôle technique, objet régulier de fausses rumeurs
Cette affirmation erronée autour du contrôle technique avait déjà été relayée par le même YouTubeur en janvier 2025, et avait alors fait l'objet d'un article de vérification de nos confrères des Surligneurs (lien archivé ici).
Fin septembre 2025, des internautes avaient en outre relayé une fausse rumeur selon laquelle le contrôle technique serait durci à partir du 1er janvier 2026, comme nous l'expliquions dans un article de vérification.
Voitures des particuliers et utilitaires légers restent toujours soumis à un contrôle technique, dans des centres agréés, "au plus tard quatre ans après leur première immatriculation" puis "tous les deux ans", rappelle le site du ministère de la Transition écologique au 23 septembre 2025 (lien archivé ici).
Lors d'une visite, 132 points sont contrôlés, et "le nombre potentiel des défauts susceptibles d'être constatés, appelés 'défaillances', s'élève à 668 réparti en trois catégories : défaillances mineures (162), défaillances majeures (362) et défaillances critiques (144)", détaille le site de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Un contrôle technique coûte en moyenne 78,50 euros pour une visite initiale, et 15 à 30 euros pour une contre-visite, selon une estimation du site spécialisé La Centrale (lien archivé ici).