
Non, prêter sa voiture à un proche sans l'avoir déclaré n'entraîne pas une amende de 750 euros
- Publié le 08 août 2025 à 16:58
- Mis à jour le 08 août 2025 à 18:09
- Lecture : 7 min
- Par : Cintia NABI CABRAL, AFP France
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"C'est officiel : prêter ta voiture pourra te coûter 750 euros dès le 1er septembre 2025. Une nouvelle loi vient d'être votée et elle risque de surprendre beaucoup de conducteurs. À partir de cette date, si tu prêtes ton véhicule à un proche, sans déclaration préalable en ligne, tu t'exposes à une amende immédiate de 750 euros, selon le nouvel article 324.2 du code de la route", est-il affirmé dans une vidéo TikTok qui, depuis le 31 juillet, a été partagée par plus de 36.000 internautes et vue plus de 1.7 million de fois.
"Que tu passes tes clefs à ton frère, un ami, ou ton voisin, tu dois impérativement remplir une déclaration de mise à disposition temporaire sur le site de l'ANTS, Agence nationale des titres sécurisés. Cette info sera transmise au ministère de l'Intérieur et à la DGFiP [Direction générale des finances publiques, NDLR] pour vérifier l'identité et les antécédents du conducteur", ajoute la voix off de la vidéo virale, selon laquelle l'objectif serait de "lutter contre la fraude aux radars, les délits de fuite et les échanges de points de permis".
Des messages similaires, avec parfois d'autres images d'illustration à l'appui, circulent sur Facebook, Instagram, Threads, X et TikTok (1, 2, 3, 4).

Sous ces publications, de nombreux internautes s'insurgent : "donc une personne qui a trop bu, va laisser le volant à un tiers pour ne pas rouler sous l'emprise de l'alcool et il aura une amende?", s'interroge l'une. "Et oui tant que les français ne disent rien, la dictature impose des lois", ajoute un autre.
Mais l'affirmation selon laquelle prêter sa voiture à un proche pourrait faire l'objet d'une amende est infondée.
Dans un courrier électronique adressé à l'AFP le 7 août, le ministère de l'Intérieur a assuré que "cette information est fausse", précisant que l'article L324.2 du Code de la route concerne l'obligation d'assurance de tout véhicule terrestre à moteur, et non le prêt d'un véhicule non déclaré, comme le prétendent les publications virales.
"À notre connaissance, il n'existe pas de projet législatif ou réglementaire sur le prêt de véhicule", ajoute le ministère de l'Intérieur.
Interrogée par l'AFP à ce sujet le 7 août, Me Emilie Limoux, avocate en droit routier au Cabinet LMX-Avocat, a expliqué que la seule chose qui émane de l'article L324.2 du Code de la route, c'est que, dans certains cas, lorsqu'un propriétaire prête son véhicule, il peut être nécessaire que l'emprunteur, en fonction de la durée du prêt, souscrive une assurance en tant que conducteur occasionnel (lien archivé ici).
"À partir du moment où vous prêtez votre véhicule pendant plus d'un mois à quelqu'un, c'est du bon sens que cette personne puisse s'assurer de son côté. [...] Mais en aucun cas, il n'est prévu une amende pour le simple fait de prêter son véhicule", souligne l'avocate en droit routier.
"Lorsque vous souscrivez un contrat d'assurance, vous pouvez mentionner plusieurs conducteurs pour un même véhicule. Par exemple, si votre conjoint est amené à utiliser régulièrement le véhicule. Mais si vous prêtez votre véhicule pour quelques heures ou quelques jours à quelqu'un, vous n'avez aucune obligation de déclarer ce conducteur occasionnel, ni à travers une assurance souscrite par lui-même, ni par le biais du contrat du propriétaire du véhicule", explique Me Emilie Limoux.
"En cas d'accident, c'est l'assureur du propriétaire du véhicule qui sera en charge de la garantie des réparations ou des dommages causés si le conducteur occasionnel n'a pas souscrit d'assurance à son nom, ou s'il n'a pas été déclaré comme tel auprès de l'assureur du propriétaire du véhicule", conclut l'avocate en droit routier.
Dans le cas d'un prêt de longue durée, le propriétaire peut donc informer son assureur qu'une tierce personne utilisera le véhicule, en précisant la durée pendant laquelle celle-ci sera considérée comme conducteur occasionnel. Et ce, non pas auprès de l'ANTS, comme l'affirment les publications virales.
L'amende forfaitaire de 750 euros pour défaut d'assurance
Circuler avec un véhicule non assuré est une infraction, et est considéré comme un délit.
Selon le ministère de l'Intérieur, il ne s'agit pas uniquement d'un "mauvais choix financier", mais bien d'une "transgression vis à vis de la règle, et donc de prise de risque pour autrui".
En effet, la part des non assurés dans les accidents mortels et corporels, notamment avec de l'alcool et des stupéfiants, est en augmentation : "En 2023, dans 7% des accidents mortels et corporels, un des véhicules n'était pas assuré. 216 personnes ont été tuées dans ces accidents dont 161 dans le véhicule non assuré", précise le ministère auprès de l'AFP.
En cas d'accident de la circulation provoqué par des personnes non assurées, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) indemnise les victimes d'accidents, puis se retourne contre le responsable de l'accident pour récupérer les sommes versées au bénéfice des victimes. Ces montants peuvent être particulièrement élevés, selon la gravité des dommages (lien archivé ici).
Le montant total de l'amende pour conduite sans assurance est de 750 euros : 500 euros d'amende forfaitaire, augmentée de 50% au profit du FGAO, comme le rappelle le site de l'administration française service public.fr. Peuvent s'y ajouter des peines complémentaires, comme la suspension ou l'annulation du permis avec interdiction de le repasser ou bien encore l'immobilisation immédiate du véhicule (liens archivés ici et ici).
En cas de récidive, le Code de la route prévoit jusqu'à 3.750 euros d'amende assortie de peines complémentaires, et "en cas de nouveau manquement à l'obligation d'assurance, la sanction pénale peut aller jusqu'à 7.500 euros d'amende assortie de peines complémentaires", rappelle le FGAO (lien archivé ici).
La séquence d'une adoption à l'Assemblée décontextualisée
En effectuant des recherches d'images inversées et par mots-clés, l'AFP a pu identifier l'origine réelle de la première séquence de la vidéo virale qui montre Claude Bartolone, ancien président de l'Assemblée nationale (2012-2017), déclarer "L'Assemblée nationale a adopté", sous les applaudissements nourris de l'hémicycle (lien archivé ici).
Les images ont en réalité été tournées par l'AFP le 12 février 2013 au Palais Bourbon, lors de l'adoption du projet de loi sur le mariage pour tous (lien archivé ici).
Capturées il y a plus de 12 ans, ces images ne font à aucun moment référence à une prétendue loi imposant une amende de 750 euros aux propriétaires de véhicules qui prêteraient leur voiture à un proche.
Par ailleurs, cette séquence est régulièrement manipulée par le compte TikTok "@strmfoott" (1, 2, 3), à l'instar de plusieurs autres vidéos diffusées par ce même compte. Le même procédé est également utilisé par des comptes comme "actu.france25", qui se présentent comme des médias d'actualité, mais relaient, en réalité, des contenus infondés, en y ajoutant une voix off et des bandeaux incrustés. C'est notamment le cas de cette vidéo, dont l'affirmation a déjà été vérifiée par l'AFP.
Ces vidéos commencent souvent par des images de personnalités politiques de premier plan, comme Emmanuel Macron, la présidente actuelle de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, ou encore des membres du gouvernement. Ce choix vise à renforcer la crédibilité apparente de l'information présentée (lien archivé ici).
De nombreuses fausses affirmations sensationnalistes sont postées sur ces comptes dans l'objectif de générer de l'audience, et donc des revenus. L'AFP s'est déjà penchée sur des comptes TikTok qui se présentent comme des médias d'actualité mais véhiculant de la désinformation.
Ajout d'une citation de Me Emilie Limoux, avocate en droit routier, sur la prise en charge du propriétaire du véhicule en cas d'accident par le conducteur non assuré8 août 2025 Ajout d'une citation de Me Emilie Limoux, avocate en droit routier, sur la prise en charge du propriétaire du véhicule en cas d'accident par le conducteur non assuré