
Non, aucune loi n’autorise les squatteurs à rester dans un logement après 45 jours d’occupation
- Publié le 18 juillet 2025 à 16:42
- Lecture : 4 min
- Par : Dounia MAHIEDDINE, AFP France
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Alors que la question des occupations illégales revient régulièrement dans le débat public, une vidéo largement partagée sur TikTok affirme qu’un squatteur pourrait rester dans un logement si aucune plainte n’est déposée dans les 45 jours suivant son intrusion. Mais cette rumeur est infondée : aucun texte ne prévoit un tel mécanisme, et la législation en vigueur a récemment renforcé les sanctions à l’encontre des squatteurs, rappelle à l’AFP une responsable de la Fondation logement.
Sur TikTok, une vidéo attire l’attention de centaines de milliers d’internautes. Publiée par le compte @nessila.fr, elle affirme qu’un squatteur pourrait légalement rester dans un logement s’il y réside plus de 45 jours sans qu’aucune plainte officielle ne soit déposée.
La séquence, largement relayée, suggère qu’une nouvelle loi, supposément en vigueur dès janvier 2026, accorderait aux occupants illégaux une "présomption de résidence".
La voix off, dans un format inspiré des reportages télévisés, déclare que si un propriétaire n’agit pas dans les 45 jours suivant l’intrusion, cette présomption s’appliquerait à l’occupant, "empêchant toute expulsion immédiate".
La vidéo déclare trouver sa source après des "premières fuites relayées par plusieurs médias", tout laissant entendre qu’une proposition de loi serait en cours d’adoption. Son objectif affiché serait de protéger les occupants précaires, mais elle permettrait en réalité, selon les auteurs, des installations durables dans des logements privés.

Cette rumeur a suscité de l’inquiétude, en particulier chez les personnes qui s’absentent longtemps — que ce soit pour des vacances, des raisons professionnelles ou parce qu’elles possèdent une résidence secondaire. Leur crainte : ne pas détecter à temps l’occupation illégale de leur bien et dépasser ainsi le prétendu délai pour porter plainte.
"Voilà pourquoi il faut fuir ce pays", lance un internaute. Un autre s’indigne : "Si un squatteur se blesse chez vous, c’est vous qui allez en prison… 50 ans de socialisme, voilà le résultat."
Pourtant, aucun dispositif de ce type ne figure dans les textes législatifs déposés à ce jour. Bien au contraire, la législation encadrant les occupations illégales a récemment été renforcée, rappelle Marie Rothhahn, responsable de la lutte contre la privation des droits sociaux à la Fondation logement (archives : ici et ici).
Ce que dit la loi
Ce compte mêle, dans les "actualités" qu'il diffuse, des faits authentiques comme des fausses informations, une pratique visible sur un grand nombre d'autres comptes similaires, reconnaissables à leur mise en page alarmiste imitant parfois les codes visuels de médias existants, comme l'avait expliqué l'AFP dans cet article.
Les prétendues "fuites" évoquées dans ces vidéos n’ont, à ce jour, été relayées par aucune source d’information fiable. Aucun article de presse ni site d’actualité ne fait mention d’un tel projet de loi.
Lorsque l’on regarde l’agenda de l’Assemblée nationale aucun texte en lien avec les squatteurs n’est au planning. Il n’y a pas non plus de proposition déposée qui pourrait être examinée à la rentrée, comme le montrent les documents consultables sur les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat (archives : ici et ici).
"Je ne vois pas comment une telle loi pourrait passer dans l’Assemblée", estime Mme Rothhahn. Selon elle, cette rumeur n'a "aucun sens". Elle précise : "il n’y a aucun délai au-delà duquel un occupant pourrait rester légalement dans un logement sans qu’une plainte ait été déposée". Quant à la notion de "présomption de résidence", elle estime qu’elle n’a aucune valeur juridique : "Ce terme ne veut rien dire".
Côté législatif, la réalité est à l’opposé de ce qu’affirment les vidéos. Une loi votée en juillet 2023, souvent appelée loi anti-squat et portée par l’ex-ministre du Logement Guillaume Kasbarian, a renforcé les sanctions contre l’occupation illégale de logements. Le délit de violation de domicile est désormais passible de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende, contre un an et 15.000 euros auparavant.
Un nouveau délit d’occupation frauduleuse a également été introduit, visant aussi les locaux professionnels, agricoles ou commerciaux. Il est puni de deux ans de prison et 30.000 euros d’amende.
La loi de 2023 prévoit également une intervention accélérée du préfet, dans certains cas, pour ordonner l’expulsion sans décision judiciaire préalable. Contrairement à une idée reçue encore largement partagée, la trêve hivernale ne protège pas les squatteurs. Leur expulsion reste possible toute l’année, y compris durant l’hiver, comme le précise le site officiel du gouvernement.
Autre changement majeur : les délais d’expulsion ont été raccourcis. Désormais, un juge ne peut plus accorder de délai supplémentaire lorsque les occupants sont entrés dans les lieux par effraction, menace ou contrainte. Le but affiché est de faciliter les procédures en cas de flagrant délit d’occupation illégale.
En 2021, l’Observatoire des squats, mis en place sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, recensait seulement 170 cas sur l’ensemble du territoire. À titre de comparaison, 350 000 personnes étaient sans domicile en 2024 selon la Fondation pour le logement, tandis que l’Insee comptabilisait 3,1 millions de logements vacants l’année précédente.