Boîtes de champignons shiitake au marché de gros de fruits et légumes de Toyosu à Tokyo, le 5 janvier 2023. (AFP / RICHARD A. BROOKS)

Bienfaits des champignons médicinaux : quelques pistes mais peu de preuves scientifiques

Reishi, shiitaké, cordyceps ou maitaké : les champignons médicinaux sont présents dans de plus en plus de produits, allant des compléments alimentaires au café. Selon leurs promoteurs, ils auraient de nombreux bienfaits pour la santé et permettraient de booster le système immunitaire, de prévenir le stress ou encore de diminuer les troubles de la concentration. Toutefois, même si certaines études esquissent de possibles résultats positifs, celles-ci comportent de nombreuses limites méthodologiques et ne permettent pas de prouver ces supposés effets bénéfiques.

"Tu veux tester les champignons médicinaux, pour tes performances mentales, physiques, du stress, des troubles hormonaux, des problèmes de sommeil, je t’explique tout." Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes font la promotion des champignons médicinaux - dits également adaptogènes ou fonctionnels - comme le shiitaké, la crinière de lion ou le cordyceps.

Connus depuis des siècles dans la médecine traditionnelle asiatique pour leurs effets supposés positifs sur le stress, les troubles de la concentration voire sur le vieillissement, on les retrouve désormais dans des compléments alimentaires, dans le café, ou même frais, cuisinés comme des steaks végétariens.

"Immunité, stress, beauté, digestion, les cas d'usages sont infinis", promet par exemple le créateur d'une marque de compléments alimentaires à base de champignons.

Ici, une internaute explique que le cordyceps permet "l'oxygénation des cellules", que la crinière de lion permet la "régénération nerveuse" ou encore que le maitaké aide à réguler la glycémie.

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Capture d'écran d'une publication sur TikTok, réalisée le 03/070/2025. Croix orange ajoutée par l'AFP.

Toutefois, si certaines études ont montré des résultats encourageants, les bienfaits réels de ces champignons restent scientifiquement infondés.

Sur quoi reposent ces allégations ? 

Les champignons médicinaux plébiscités en Asie - principalement le reishi, le chaga, le cordyceps, l'hydne hérisson (ou crinière de lion) ou la queue de dinde - contiennent des substances particulières appelées mycopolysaccharides ou bêta-D-glucanes, qui expliqueraient leurs effets bénéfiques.

Toutefois, la plupart de ces substances ne sont pas absorbées par l'intestin. "Une fois ingérées, elles se retrouvent dans les selles, à l’exception d’une petite fraction qui semble être digérée par les bactéries de la flore intestinale", explique le Service Public d’Information en Santé (SPIS).

"Dans les médecines traditionnelles, chinoises ou autres, il y a des usages historiques qui sont rapportés. C'est vrai pour les champignons, c'est vrai pour les plantes. Après, ça peut être des effets qui sont très vagues, c'est-à-dire des effets bénéfiques sur la santé, sur la mémoire, sur la longévité. Il n'y a pas de fait scientifique, la plupart du temps, qui étaye ces allégations", affirme de son côté Florence Chapeland-Leclerc, enseignante-chercheuse en botanique et en mycologie à l’Université Paris Cité.

Plusieurs études se sont penchées sur ces bienfaits supposés et ont montré des résultats intéressants. Des recherches sur le reishi, par exemple, ont montré qu'il pouvait améliorer la réponse immunitaire et inhiber la croissance de tumeurs chez les souris. Toujours sur ce même rongeur, des tests ont montré que le shiitaké pouvait supprimer le diabète de type 1.

Au Japon, certains composés issus de champignons sont utilisés dans le traitement de certains cancers, pendant la chimiothérapie. "Ils sont administrés par voie intraveineuse (pour contourner les problèmes d’absorption intestinale)", détaille le SPIS. Mais ils n'ont jamais été autorisés en Europe.

Pour les experts, bien qu'encourageantes, ces études n'apportent pas de preuves suffisantes.

"Malheureusement, les études sur les effets de ces champignons et des bêta-D-glycanes sur la santé ont souvent été menées dans le tube à essai ou des modèles animaux, ce qui en limite fortement la transposition à la santé humaine", souligne le SPIS.

Quant aux essais menés chez des patients, ceux-ci sont de petites tailles et "d'assez mauvaise qualité" en termes de méthodologie. "Pour cette raison, l’efficacité de ces champignons sur l’immunité ou sur la santé psychique reste scientifiquement infondée", conclut-il.

Florence Chapeland-Leclerc parle, elle, d'études "très succinctes" et invite à rester "très prudent". "Il n'y a pas de preuves scientifiques puisque la plupart des études ne sont pas basées sur des essais cliniques. Ce sont des études qui sont faites sur cellules in vitro et donc ça ne présage en rien de l'effet sur l'organisme humain", pointe-t-elle.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a d'ailleurs refusé, au vu des données scientifiques, plusieurs allégations de santé sur ces champignons. Les produits contenant du shiitaké ne peuvent pas prétendre "contribuer aux défenses immunologiques naturelles". Ceux contenant du reishi ne peuvent pas prétendre "stimuler le corps en phase d'épuisement". Et les produits contenant du Cordyceps sinensis ne peuvent pas prétendre "revigorer l'organisme" ou "augmenter l'endurance".

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Des champignons shiitake sont photographiés dans le "Bunker Comestible" à Strasbourg, dans l'est de la France, le 21 février 2018. (AFP / FREDERICK FLORIN)

Des risques réels

Si les bénéfices sont incertains, les risques à consommer ces produits sont eux bien réels. 

"Le message qu'on doit faire passer, c'est pas d'auto-médication [...] parce qu'il peut y avoir des interactions négatives", insiste Florence Chapeland-Leclerc, "même si la plupart des compléments alimentaires sont considérés comme inoffensifs".

Le reishi et le chaga peuvent par exemple augmenter l'effet des anticoagulants et exposer aux risques d'hémorragie, tandis que le shiitaké et le maitaké peuvent provoquer des allergies ou des troubles digestifs, explique le site de référence sur les médicaments Vidal.

"Certaines personnes consommant ces champignons ont signalé des diarrhées, des saignements de nez ou des démangeaisons de type allergique, ainsi qu’une sécheresse de la bouche, de la gorge ou du nez, réversibles à l’arrêt de leur consommation", précise également le SPIS.

Autre élément important : les produits contenant ces champignons médicinaux sont très peu régulés. Pour profiter de ce "marché énorme", certains pourraient être tentés de tromper le consommateur sur la provenance, le mode de culture, ou le taux de champignons que les produits contiennent, alerte Florence Chapeland-Leclerc, appelant à "ne jamais se fournir sur internet".

Pour rappel, contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché. Aucune étude d'efficacité ou d'innocuité n'est requise avant leur commercialisation. 

Leur consommation peut présenter des risques nutritionnels, de mésusage ou d'interactions médicamenteuses, dont les consommateurs n'ont souvent pas conscience ; c'est pourquoi l'Anses recommande que toute prise de complément alimentaire soit préalablement discutée avec un professionnel de santé, comme expliqué dans cet article de l'AFP.

L'AFP Factuel avait déjà consacré un article de vérification au shiitaké, certains internautes et vendeurs de compléments alimentaires affirmant à tort que ce champignon pourrait aider à éliminer un papillomavirus.

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