
Non, Emmanuel Macron n'a pas demandé la démission du gouvernement togolais sur RFI
- Publié le 04 juillet 2025 à 12:51
- Mis à jour le 04 juillet 2025 à 12:56
- Lecture : 6 min
- Par : Emilie BERAUD, AFP Afrique
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Au cours du mois de juin 2025, plusieurs manifestations violemment réprimées par les forces de l'ordre ont secoué les rues de Lomé, la capitale togolaise.
Les citoyens de cet Etat d'Afrique de l'ouest ont protesté contre des arrestations de voix critiques, la hausse du prix de l'électricité et une réforme constitutionnelle qui permet au président Faure Gnassingbé, à la tête du pays depuis 2005, de consolider son pouvoir via le passage à un régime parlementaire dont il occupe la plus haute fonction (dépêche AFP archivée ici).
Au moins sept personnes ont été tuées et des "dizaines" d'autres blessées au cours de ces mobilisations, ont affirmé des organisations de la société civile, dénonçant des "exactions commises par des éléments des forces de l'ordre et des miliciens".
Dans la foulée, la France a appelé les autorités du Togo "à faire toute la lumière sur (les) accusations de torture", par le biais de son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (dépêche AFP archivée ici).

Quelques jours plus tôt, les médias français France 24 et Radio France internationale (RFI) avaient été interdits d'antenne pour trois mois au Togo, accusés d'avoir relayé des "propos inexacts et tendancieux" au sujet des manifestations citoyennes.
Dans ce contexte, une publication relayée plus de 12.000 fois sur TikTok depuis le 22 juin prétend dévoiler une déclaration du président français Emmanuel Macron, soi-disant diffusée sur les ondes de RFI (lien archivé ici).
"Tension entre Paris et Lomé, Macron hausse le ton", introduit une voix masculine à l'intonation journalistique. "Si d'ici le 26 juin, si les médias français ne sont pas rétablis au Togo, la France passera à l'action", entend-on ensuite: ces mots sont cette fois prononcés avec une voix semblant être celle du président français, demandant que le gouvernement togolais "quitte le pouvoir dans les plus brefs délais" et menaçant de fournir des armes aux citoyens togolais.
"On ne restera pas les bras croisés pendant que la population togolaise souffre depuis plus de vingt ans à cause d'une seule famille. La France rentrera en guerre", est-il ajouté.

"Le togo n'est pas la France. et que les médias français restent en France (sic)", réagit en commentaire de ce post un internaute, qui comme de nombreux autres, semble croire à l'authenticité de cet extrait sonore. D'autres appellent à la prudence, soupçonnant un possible recours à l'intelligence artificielle.

Egalement diffusé plusieurs centaines de fois sur Facebook et X (1,2...), l'audio de cette publication a en effet été créé de toutes pièces, vraisemblablement à l'aide d'un logiciel d'IA. Il ne correspond à aucune prise de parole d'Emmanuel Macron sur le Togo, comme l'a confirmé le service de presse de l'Elysée auprès de l'AFP. RFI, elle, nous a assuré ne pas être à l'origine de ce contenu.
L'identité de RFI usurpée
Sur la publication actuellement relayée sur les réseaux sociaux, un visuel reprenant le logo de RFI et la charte graphique de la radio montre une photo de Faure Gnassingbé, sur laquelle est apposée la description suivante : "Togo 'Le président doit démissionner', exigent opposition et société civile".
Ce contenu a bel et bien été produit et publié par le média sur sa page Facebook, le 13 juin dernier, explique la cellule vérification de la rédaction, Info Vérif, dans cet article.
Cependant, il a ensuite été détourné de son contexte d'origine. L'extrait audio du prétendu journal d'information de RFI, d'une durée de 36 secondes, a été ajouté au montage dans un second temps (lien archivé ici).

Contacté par l'AFP, le service de presse de la radio a assuré le 2 juillet : "Le sujet est un faux généré avec l’appui de l’intelligence artificielle".
Ce n'est pas la première fois que l'identité du média est usurpée. "Après des cas constatés en République démocratique du Congo et au Cameroun, l'identité de RFI est actuellement détournée au Togo", détaillent ainsi les équipes d'Info Vérif.
Pour aller plus loin, nous avons soumis l'extrait sonore à l'outil de détection de clonage vocal du logiciel InVid-WeVerify. S'il ne constitue pas une preuve en soi, le résultat vient plutôt confirmer la probabilité de fabrication de cet audio par l'IA.

Autre indice : à la fin de cet extrait, la prétendue voix journalistique parle de "revolte" ou lieu de "révolte" et certaines intonations ne semblent pas naturelles.
Pas de déclaration du président français
Dans ce prétendu sujet radio de RFI, il est fait mention d'un "communiqué exceptionnel" qui aurait été diffusé par l'Elysée. Mais aucun document qui rapporterait les propos évoqués n'a été retrouvé par l'AFP, ni sur le site de la présidence de la République française, ni sur ses canaux de communication officiels.
De plus, le service de presse de l'Elysée a assuré à notre rédaction que cette publication était "fausse".
Contrairement à ce qu'avance la rumeur diffusée en ligne, les autorités françaises n'ont pas appelé le régime togolais à quitter le pouvoir. En revanche, deux grands partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile ont demandé la "démission" de Faure Gnassingbé, appelant à un mouvement de "désobéissance", le 12 juin (lien archivé ici).
La plupart des comptes qui partagent cette fausse information affichent un soutien clair aux juntes à la tête des pays membres de l'Alliance des Etats du Sahel (AES), initiée par les autorités maliennes, burkinabè et nigériennes, anciennes colonies francophones qui se sont récemment éloignées de la France.
Ancien protectorat allemand puis colonie française jusqu'à son indépendance en 1960, le Togo a de son côté signé en 2009 un partenariat de défense avec la France, et demeure un de ses alliés dans la région.
A la tête du pays, Faure Gnassingbé est l'héritier d'une dynastie familiale au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle. Il a succédé à son père, Eyadéma Gnassingbé, qui a dirigé le Togo sans partage pendant près de 38 ans.