Non, l'aéroport rwandais de Kigali n'a pas fermé depuis l'assaut sur Goma

Le groupe armé M23, soutenu par des troupes rwandaises, a pris fin janvier le contrôle de la ville de Goma, située dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). L’évolution rapide de la situation a pris de court la communauté internationale et créé un terreau propice à la propagation de fausses informations. De nombreux internautes ont ainsi annoncé la fermeture de l’aéroport rwandais de Kigali, arguant que le Rwanda prenait "peur" face à une supposée contre-offensive congolaise. Mais c’est faux : l’aéroport n’a connu aucune fermeture depuis l’assaut sur Goma, ont assuré à l’AFP l'autorité aérienne rwandaise et la compagnie nationale RwandAir. De récentes visites diplomatiques sur le sol rwandais et des sites de suivi du trafic aérien attestent aussi du fait que les compagnies aériennes ont continué à desservir le Rwanda sans interruption.

L’aéroport de Kigali est fermé. Tous les vols à destination de Kigali sont annulés”, clame un internaute dans une publication Facebook datant du 28 janvier, date de la chute de la ville de Goma aux mains des rebelles du M23 et de l’armée rwandaise, après quelques jours d’une offensive éclair. 

Alors que la confusion règne encore dans la ville congolaise, ce message concernant la fermeture supposée de l’aéroport rwandais de Kigali, situé à près de 200km de Goma, est largement partagé sur TwitterInstagram, Facebook et ailleurs sur la toile (liens archivés iciici et ici).

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Capture d'écran d'une publication Facebook, prise le 4 février 2025

Ces publications, issues de comptes pour beaucoup basés en République démocratique du Congo, sous-entendent qu'une potentielle riposte des forces armées congolaises (FARDC) aurait contraint les autorités rwandaises à fermer cet aérodrome.

"Qui aurait cru que l'aéroport de Kigali pouvait un jour être fermé par leurs autorités dans la peur du feu allumé par les soldats congolais ?", indique ainsi un internaute sur Facebook. “La peur a changé de camp”, affirment la plupart des publications. 

"C’est la plus belle nouvelle que nous n’avons jamais reçue de l’est de notre pays depuis 30 ans" [sic], se réjouit un compte congolais sur Facebook, à l’annonce de cette supposée fermeture.

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Capture d'écran d'un commentaire sous un post Facebook, prise le 4 février 2025

La région stratégique de Goma, dans le Nord-Kivu, est en effet secouée depuis plus de 30 ans par les violences de multiples groupes armés, soutenus pour certains par le Rwanda. 

Le président congolais Félix Tshisekedi accuse le Rwanda de vouloir piller les ressources minières de cette partie du pays, tandis que Kigali se défend en affirmant vouloir lutter contre des groupes armés dirigés par d'ex-responsables du génocide des Tutsi, qui ont fui en RDC voisine et menaceraient la sécurité du Rwanda. 

Pour autant, l’affirmation selon laquelle l’aéroport de la capitale rwandaise serait fermé est fausse. 

Démentis officiels

Aucune source fiable n’a signalé de fermeture, même temporaire, de l’aéroport de Kigali. Ni l'aéroport en question, ni l’Autorité aérienne civile rwandaise (RCAA) n’ont communiqué en ce sens sur leurs réseaux sociaux ou sites internet. 

Contactée par l'AFP, l'autorité aérienne rwandaise a rejeté toute fermeture. "L'aéroport international de Kigali est resté pleinement opérationnel et n'a jamais été fermé", a affirmé le 7 février la RCAA à l'AFP.

De plus, la compagnie aérienne nationale RwandAir, qui est basée dans l’aéroport de Kigali, a aussi assuré à l’AFP que "l'aéroport n'a pas été fermé le 28 janvier". "Il n’a jamais été fermée", a précisé un second porte-parole de la compagnie, affirmant que les allégations sur les réseaux sociaux étaient “incorrectes”. 

Il existe par ailleurs plusieurs autres preuves que l’aéroport était opérationnel le 28 janvier 2025 et les jours suivants, contrairement à ce qui est affirmé sur les réseaux sociaux. 

Vols commerciaux et diplomatiques

En consultant le site de suivi aérien en direct "FlightAware", on constate que plusieurs vols commerciaux en provenance ou à destination de l’aéroport de Kigali ont bien été effectués le 28 janvier, ainsi que les jours suivants.

Pour cela, nous avons d’abord répertorié les compagnies desservant Kigali, comme Turkish Airlines ou Kenya Airlines. Une recherche Google avec des mots-clés comme "numéro de vol Turkish Airlines Kigali" permet ensuite d’identifier un numéro de ligne en direction de Kigali, tel que le TK612. 

En saisissant ce numéro dans le moteur de recherche de FlightAware, on accède à l’historique du vol depuis le 25 janvier. On constate ainsi que le TK612 de Turkish Airlines a bien décollé d’Istanbul le 28 janvier et a atterri à Kigali le lendemain (lien archivé ici).

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Capture d'écran du site FlightAware, prise le 4 février 2025

Le même exercice avec des vols de Kenya Airways montre que le vol KQ475 a décollé de Kigali le 28 janvier et s'est envolé vers Nairobi (lien archivé ici). 

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Capture d'écran du site FlightAware, prise le 4 février 2025

Par ailleurs, plusieurs vols diplomatiques ont également été effectués après le 28 janvier.

Le 29 janvier, la télévision nationale rwandaise a annoncé, images de l'aéroport international à l'appui, qu’un avion de l’ONU avait quitté Kigali pour Kinshasa, transportant du personnel congolais de la Monusco ayant fui les combats entre le M23 et les FARDC (lien archivé ici).

Le 30 janvier, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a atterri à Kigali après une première étape en République démocratique du Congo. Selon une dépêche de l’AFP, il s’est entretenu avec le président Paul Kagame au sujet de la crise dans l’est de la RDC.

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Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, accueilli à l'aéroport de Kigali le 30 janvier 2025,
après une visite en RDC pour évoquer la crise dans l’est du pays (AFP / CELIA LEBUR)

L’aéroport de Kigali était donc bien en état de marche et a fait décoller ou atterrir des avions le 28 janvier et les jours suivants.

Avancée du M23 en RDC

En revanche, celui de Goma, situé à une trentaine de minutes de vol, a été fermé le 28 janvier en raison de l’offensive du M23 appuyée par des troupes rwandaises (dépêche AFP archivé ici).

Le site a été le théâtre de violents affrontements entre ces forces et plusieurs centaines de militaires congolais (reportage AFP archivée ici). Le dernier bilan officiel de cette offensive, détaillé le 5 février dans un article en anglais de l'ONU, fait état d'au moins 2.900 morts. "Plus de 2.000 corps ont déjà été enterrés, tandis que 900 restent entreposés dans des morgues, alimentant les craintes d’une crise sanitaire", indique l'organisation internationale (lien archivé ici).

Mais le "pire" est encore à craindre pour les habitants de l'est de la République démocratique du Congo, a alerté vendredi l'ONU, qui lance une enquête internationale sur les exactions commises dans la région.

Car le M23 et les troupes rwandaises continuent à progresser dans l’Est et se sont emparés mercredi d'une cité minière dans la province du Sud-Kivu, reprenant leur progression vers la capitale provinciale Bukavu. 

Le M23 avait pourtant décrété unilatéralement un cessez-le-feu humanitaire après la prise de Goma, censé être en vigueur depuis mardi. Il avait ajouté n'avoir "aucune intention de prendre le contrôle de Bukavu ou d'autres localités" (dépêche AFP archivée ici). 

Une demi-douzaine de cessez-le-feu et trêves conclus entre les deux parties n'ont jamais été respectés dans ce conflit qui a repris en vigueur depuis plus de trois ans.

Les organisations régionales, des pays médiateurs comme l'Angola et le Kenya, ainsi que la communauté internationale tentent de trouver une issue diplomatique à cette crise, craignant un embrasement régional.

Le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame doivent participer samedi à un sommet extraordinaire conjoint de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est (EAC) et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), à Dar es Salaam (Tanzanie).

La situation en RDC évolue rapidement, créant un terreau fertile à la propagation de fausses informations. L’AFP en a vérifié plusieurs, comme ici en francais, ou encore ici et en anglais.  

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