Emmanuel Macron a décidé de vendre la Joconde pour financer la rénovation du Louvre ? C'est faux

Le Louvre, qui a accueilli 8,7 millions de visiteurs en 2024 dont 80% de touristes étrangers (13% d'Américains), souffre de gros problèmes de vétusté et les conditions de visite sont devenues difficiles, a récemment alerté sa présidente-directrice, Laurence des Cars. (Archive : ici)

Dans une note du 13 janvier adressée à la ministre de la Culture Rachida Dati, révélée par Le Parisien et que l'AFP a pu consulter, la dirigeante déplore entre autres "la multiplication d'avaries dans des espaces parfois très dégradés", "l'obsolescence (des) équipements techniques", ainsi que "d'inquiétantes variations de températures mettant en danger l'état de conservation des oeuvres".

Si la salle qui abrite La Joconde, admirée chaque jour par environ 20.000 visiteurs, n'est pas touchée par les avaries, ce n'est pas le cas d'autres parties du bâtiment dans l'aile Sully, a confirmé à l'AFP une source proche du dossier. Ce vaste espace, qui se déploie sur quatre niveaux, abrite notamment des chefs-d'oeuvre de Chardin et Watteau.

Le budget nécessaire pour remédier à ces problèmes s'élèverait à "plusieurs centaines de millions d'euros alors que l'équilibre budgétaire est plus que précaire et en attente d'engagements ministériels", a déclaré une source proche du dossier. (Archive : ici) 

Dans ce contexte, une rumeur s’est propagée sur les réseaux sociaux : pour financer les travaux de rénovation, Emmanuel Macron aurait décidé "de vendre la Joconde". 

"Vous êtes une HONTE, revendre le patrimoine français est INACCEPTABLE", s'indigne un internaute sur X. Son message a été partagé par 1.000 autres utilisateurs. 

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Captures d'écran réalisées sur X le 27/01/2025.

"Ça sera donc un musée rénové que personne ne viendra plus visiter, puisque partis voir la Joconde ailleurs", ironise un internaute en commentaire. 

Ces publications, massivement partagées, se sont rapidement propagées sur d’autres plateformes comme Facebook (1,2,3,4,5) et Tiktok (1,2).

Une source satirique à l'origine des rumeurs

Les rumeurs proviennent d’un compte X qui a écrit le 24 janvier : "ALERTE INFO - Emmanuel Macron annonce que le Louvre va revendre la Joconde pour financer les travaux de rénovation du musée". 

Le compte, "Pediavenir", revendique cependant un parti-pris "parodique".

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Capture d'écran réalisée sur X le 27/01/2025.

Sur son site internet , accessible via sa biographie, on peut lire: "Pediavenir est un média de désinformation parodique, dont le seul objectif est de divertir et de faire réfléchir à travers l’absurdité de nos articles. Nos contenus sont fictifs et ne doivent en aucun cas être pris au sérieux". 

Néanmoins, la coche bleue de certification trompe certains internautes, qui la perçoivent comme un gage de fiabilité.

Le compte X de la chaîne de télévision d'information internationale chinoise francophone (CGTN) a par ailleurs repris cette fausse information. 

Avant le rachat du réseau social par le patron de Tesla et SpaceX, la coche bleue était gratuite mais réservée aux comptes de personnalités politiques et médiatiques, d'institutions et de journalistes. 

Elon Musk, considérant ce système comme injuste pour les utilisateurs non célèbres, a rendu les coches bleues accessibles à tous, mais payantes (via des abonnements), privant ainsi des milliers de comptes de cet attribut.

La Commission européenne avait accusé en juillet 2024 le réseau social X de "tromper" les utilisateurs et de violer les règles de l'UE avec ses coches bleues censées certifier des sources d’information dignes de confiance. (Lien archivé : ici)

"X conçoit et exploite son interface pour les comptes vérifiés avec la coche bleue d’une manière qui trompe les utilisateurs", avait déclaré la Commission, relevant que "n’importe qui peut s’abonner pour obtenir ce statut", ce qui complique l’identification des sources fiables. 

"Nouvelle Renaissance du Louvre"

Emmanuel Macron a annoncé le 28 janvier un vaste plan pour adapter le Louvre, musée le plus visité au monde, à une fréquentation massive, en créant notamment une nouvelle entrée et en déplaçant La Joconde dans un espace dédié à l'horizon 2031.

Le chef de l'Etat s'est voulu ambitieux, avec un plan baptisé "Nouvelle Renaissance du Louvre". Le projet est "colossal", a-t-il reconnu. Selon son entourage, le coût est évalué à environ 700 à 800 millions d'euros sur une dizaine d'années, dont seule une "part très minoritaire" sera financée par l'État.

La nouvelle entrée et la création de nouveaux espaces sous la Cour carrée du Louvre, d'ici 2031, devraient coûter environ 400 millions euros.

Ils seront financés par l'argent apporté par le Louvre Abou Dhabi et des appels au mécénat, a dit l'entourage d'Emmanuel Macron. Par ailleurs, les travaux pour faire face à la vétusté de l'établissement et l'adapter à la fréquentation sont estimés à environ 300 à 400 millions supplémentaires, sur une dizaine d'années, financés en partie par le renchérissement du billet pour les visiteurs étrangers non membres de l'Union européenne.

La loi française interdit la vente d’œuvres publiques

Ce n’est pas la première fois que la question de la vente de La Joconde est évoquée. 

En 2014, un internaute écrivait sur X : "Donc la France veut vendre la joconde pour rembourser la dette du pays... Sa (sic) va loin".

Puis, en 2020 le PDG de la société Fabernovel avait proposé en 2020 de vendre les "bijoux de famille" de la France pour faire face au gouffre financier qu'allait constituer la pandémie du Covid-19.

Mais la loi française interdit de vendre les objets des musées publics.  L'article L. 451-5 du code du patrimoine prévoit que "les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables."

Le seul bien que l'on puisse vendre est celui que l'on déclasserait, précise la loi, après avis d'une commission scientifique. 

La Joconde se trouve en France depuis 1516, année où Léonard de Vinci, tombé en disgrâce auprès des Médicis, était venu se placer sous la protection de François 1er.

Dans ses bagages, il avait pris quelques-uns de ses tableaux dont le portrait de Mona Lisa (peint entre 1503 et 1506). Il avait offert ses oeuvres au souverain français qui en échange lui avait versé une coquette pension.

Entrée dans les collections royales en 1797, La Joconde n'a plus jamais quitté la France.