Non, les étudiants qui refuseraient de libérer leurs logements en résidence CROUS ne devront pas redoubler

A moins de cent jours du lancement des Jeux olympiques de Paris 2024, certaines résidences étudiantes Crous de la région parisienne doivent être réquisitionnées pour y loger des pompiers, soignants ou encore forces de l'ordre pendant les épreuves. Les premiers déménagements ont commencé. Mais sur les réseaux sociaux, des internautes relaient des messages prétendant que les étudiants qui refuseraient de quitter leur chambre Crous verraient leur "année d'étude invalidée" et devront "repasser les examens". Une allégation "mensongère", démentent le ministère de l'Enseignement supérieur et le Crous. Le message d'origine provient en réalité d'un compte X spécialisé dans la parodie de l'actualité.

"FLASH - Les étudiants parisiens qui ne quitteront pas leur logement Crous pour les JO de #Paris2024 auront leur année d’études invalidée et devront repasser les examens", peut-on lire sur ce message publié sur le réseau social Threads le 12 avril 2024. Une image d'une chambre de résidence étudiante avec le logo du Crous, organisme public qui apporte une aide financière, de logement ou encore de restauration aux étudiants inscrits dans un cursus supérieur, accompagne le message. 

Dans les commentaires, des internautes semblent s'inquiéter : "Mais dans quel monde on vit sérieux !!!", ou encore "RIP les étudiants", écrivent-ils. 

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Capture d'écran réalisée sur Threads le 23 avril 2024

Ce message s'est retrouvé publié à l'identique plusieurs fois sur Facebook comme ici ou , et aussi relayé sur ce réseau comme ici sous forme d'une capture d'écran diffusée sur TikTok, qui n'est désormais plus trouvable sur le réseau social. 

Pourtant, s'il est effectivement acté que 12 résidences Crous d'Île-de-France où vivent environ 3.000 étudiants à l'année vont être réquisitionnées pour loger des agents des Jeux olympiques (archive), la validation de leur année scolaire n'est pas conditionnée à ce départ, comme l'a réfuté le ministère de l'Enseignement supérieur auprès de l'AFP. De plus, cette allégation provient à l'origine d'un compte humoristique qui parodie l'actualité sur le réseau social X. 

Une infox reprise d'un compte parodique

Cette fausse allégation a été publiée pour la première fois sur un compte X aux plus de 59.300 abonnés nommé Pediavenir, qui parodie volontairement l'actualité, comme l'indiquent les mentions "la désinformation en temps réel" et "média parodique" dans sa biographie. 

Pour ce faire, @Pediavenir copie les codes et l'esthétique d'un autre compte X, @Mediavenir, qui totalise plus de 2,7 millions d'abonnés. Ce compte relaie quotidiennement notamment des informations issues d'articles de presse ou d'autres sources, selon des critères de sélection qui restent  flous. Un article de Libération (à lire ici et archivé ) expliquait en 2023 le fonctionnement de ce type de comptes très populaires sur X. 

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Capture d'écran prise le 23 avril 2024
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Capture d'écran prise le 23 avril 2024

La photo qui accompagne la publication au sujet du Crous correspond à un logement étudiant situé à Rennes, dont l'AFP a retrouvé l'annonce sur le site Lokaviz, piloté par le Crous et sur la page Facebook de la résidence étudiante, datée de 2014 (archive). 

Cette allégation de Pediavenir partagée une centaine de fois et aimée près de 3.000 fois selon laquelle les étudiants qui s'opposeraient à la réquisition de leur chambre pendant les JO verront leur année scolaire invalidée se veut donc à l'origine humoristique. Elle est pourtant reprise sur d'autres réseaux sociaux sans que ce caractère parodique ne soit spécifié, créant donc un doute et des inquiétudes chez certains internautes, qui la prennent au premier degré.

Contactés par l'AFP le 22 avril, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche dément ces "allégations [...] purement mensongères", et le Cnous (branche nationale des Crous régionaux) condamne lui aussi de "fausses allégations", invitant étudiants et internautes à retrouver les informations officielles sur son site internet (lien archivé). 

De plus, le Crous  n'est pas compétent sur la validation ou non de l'année scolaire d'un étudiant. Les règles d'évaluation des enseignements et les règles relatives aux examens sont adoptées par les établissements d'enseignement supérieur, comme indiqué dans le  Code de l'éducation (l'archive ici).

"Le gouvernement met tout en œuvre pour accompagner les étudiants dans leurs études et leur logement et rien de contraire à cet état d’esprit ne peut être imaginé", assure le ministère. 

Pompiers, soignants, forces de l'ordre ou encore sécurité civile seront ainsi regroupés "dans un nombre limité de résidences" pendant les JO, du 26 juillet au 11 août 2024, de façon à "limiter les désagréments éventuels pour les étudiants" et assurer leur "tranquillité", notamment en raison des "horaires très décalés" qu'auront ces agents, explique encore le ministère dans sa réponse à l'AFP. 

Des premiers déménagements déjà réalisés

Mi-avril, l'AFP a assisté au déplacement d'une première vague d'une centaine d'étudiants parisiens qui ont quitté leurs logements Crous réquisitionnés.

 "Tout s'est bien passé", assure le ministère de l'Enseignement supérieur.

 Depuis l'annonce des réquisitions, des syndicats étudiants s'opposent à cette mesure gouvernementale. Le collectif La Rescrous (lien archivé), créé début 2024, considère cette "réquisition" comme "injuste" et a notamment organisé une manifestation contre cette mesure en mars. En l'état actuel des choses, "il n'y a pas d'appel collectif pour rester dans les résidences au-delà de la durée prévue par le bail. Si cela arrive, c'est de l'initiative personnelle", a toutefois indiqué La Rescrous à l'AFP le 23 avril. Le collectif précise que dans les résidences concernées, les baux courent exceptionnellement jusque fin juin cette année, et non jusque fin août. 
Dans le message parodique relayé sur les réseaux sociaux, il est aussi allégué que l'Etat "envisage" de recourir à "l'aide de la police" pour "expulser" les réticents.

Une allégation sur laquelle ni le ministère de l'Enseignement supérieur, ni le Crous ne souhaitent communiquer, l'affirmation étant à l'origine parodique. La Préfecture de police de Paris, contactée par l'AFP le 22 avril, renvoie elle vers la Délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP, lien archivé ici), qui ne commente pas ce point, rappelant simplement que "la situation telle que décrite" par la publication de Pediavenir "n'est pas conforme à la situation actuelle", et insistant sur l'"accompagnement" des étudiants dans ces déménagements. 

Selon un "point d'étape" daté du 4 avril, le Crous dit avoir envoyé un questionnaire aux étudiants concernés et que sur plus de 2.300 répondants, 1.448 avaient pour le moment demandé un relogement dans une autre résidence étudiante à proximité. Les changements de résidence se feront "sans aucun surcoût" et les déménagements pris en charge par le Crous, mentionne celui-ci sur son site (archive).

En octobre dernier, la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait annoncé que les étudiants ainsi délogés se verraient également recevoir une indemnité de cent euros et deux places offertes pour assister aux épreuves olympiques. Les pouvoirs publics estiment que 30% des chambres restent vides chaque été.

Ces opérations n'ont lieu que pour les Jeux olympiques et pas pendant les Jeux paralympiques qui se tiendront, eux, du 28 août au 8 septembre, a précisé le cabinet de la ministre à l'AFP. Les étudiants pourront choisir de rester dans leur nouveau logement ou en réintégrer un autre après les Jeux olympiques.

Les JO font régulièrement l'objet de fausses rumeurs et infox, comme l'a récemment montré l'AFP dans cet article sur des fausses mesures concernant les accouchement ou celui-ci sur la présence supposée d'un crocodile dans la Seine

Dans moins de cent jours désormais, environ sept millions de voyageurs sont attendus en Ile-de-France pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

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