Non, cette vidéo ne montre pas un crocodile dans la Seine

A l'approche des Jeux olympiques de Paris, dont certaines épreuves doivent se dérouler dans la Seine, des internautes partagent sur les réseaux sociaux une vidéo censée montrer un crocodile repêché dans le fleuve par des sapeurs-pompiers. Mais c'est faux : ces images ont été filmées en mai 2023 à Bergerac, en Dordogne, et montrent un crocodile en ferraille. 

"[Un] crocodile dans la Seine juste avant les JO" : sur Facebook (1, 2), Instagram, TikTok, X ou encore YouTube, en avril 2024, des internautes s'alarment, images à l'appui, de la prétendue présence du saurien dans le fleuve qui doit accueillir les épreuves olympiques de triathlon et de nage en eau libre cet été. 

Cette séquence d'environ une minute, rythmée par une musique angoissante, débute par une photo de trois sapeurs-pompiers en train de manipuler ce qui ressemble à un crocodile à bord de leur bateau pneumatique, sur un cours d'eau.

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Captures d'écran réalisées sur TikTok (à gauche) et X (à droite), le 22 avril 2024.

La suite des images, filmée depuis un emplacement situé au-dessus de la scène, montre ce même trio attraper l'animal dans l'eau pour le hisser sur son bateau tandis qu'une voix off interroge : "Sincèrement, est-ce que vous nageriez là-dedans?"

Le reste de la vidéo permet d'apercevoir brièvement certains éléments du décor environnant, tels un pont emprunté par des voitures et, plus loin, des immeubles. 

Mais ces images sont anciennes et ne montrent pas la Seine : elles ont été filmées en mai 2023 à Bergerac, en Dordogne, où une alerte municipale sur la présence d'un crocodile avait semé l'agitation, avant que les pompiers ne réalisent, au cours de leur intervention, qu'il s'agissait en réalité d'un faux animal, comme l'avait notamment relaté l'AFP dans une dépêche (lien archivé). 

Cet événement avait suscité une grande couverture médiatique régionale comme nationale, ainsi qu'en témoignent les nombreux articles publiés à ce propos, notamment de 20 Minutes Suisse (lien archivé), dont l'AFP a pu retrouver la trace grâce à une recherche inversée d'images.  

Une (fausse) alerte au crocodile qui date de mai 2023 à Bergerac

Ainsi qu'on peut le vérifier sur Google Street View (lien archivé), la séquence n'a pas été filmée à Paris mais depuis le quai Garrigat, à Bergerac, dont on reconnaît le pont.

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Capture d'écran de TikTok faite le 22 avril 2024
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De fait, le 22 mai 2023, peu avant 17h30, la ville de Bergerac avait publié un avertissement sur sa page Facebook (lien archivé) : "Le quai Garrigat est fermé à la circulation suite à la découverte d’un présumé 'crocodile' dans la Dordogne. Nous vous invitons à éviter le secteur et de ne pas approcher des lieux.

Un événement également rapporté (photo de "l'animal" sous l'eau à l'appui) et détaillé, quelques minutes plus tard, dans un article (lien archivé) de l'hebdomadaire local Le Démocrate indépendant : "Les sapeurs-pompiers recherchent actuellement un crocodile qui a été filmé dans la Dordogne, par un Bergeracois. L'animal est bien visible. A priori, le crocodile est mort et ferait environ deux mètres de long. Nous ignorons pour l'instant d'où provient le reptile.

A 18h41, la ville de Bergerac avait cependant indiqué, dans une nouvelle publication Facebook (lien archivé) - cette fois-ci illustrée cette fois de deux photos des plongeurs avec le faux crocodile, dont celui aujourd'hui repris sous un autre angle dans la vidéo décontextualisée - : "Fausse alerte, il s'agissait d'un faux crocodile. Tout va bien."

Dans une vidéo en direct diffusée environ 20 minutes avant (lien archivé), la ville de Bergerac montrait déjà la récupération du faux animal par les sapeurs-pompiers, en précisant en légende qu'il s'agissait d'un "animal en métal" et en remerciant le SDIS 24, les sapeurs-pompiers de la Dordogne, pour leur intervention.

Si l'AFP n'a pas été en mesure de retrouver la vidéo originelle, aujourd'hui détournée sur les réseaux sociaux, l'intervention des sapeurs-pompiers avait également été filmée et tweetée (lien archivé) par Thomas Jonckeau, journaliste au quotidien Sud-Ouest (lien archivé), avec la légende : "Le crocodile dans la Dordogne, qui a mobilisé les secours une bonne partie de l'après-midi, était un faux." 

"Les sapeurs pompiers sont intervenus suite à  un appel signalant un crocodile dans la rivière Dordogne à Bergerac. Il y avait bien un crocodile... mais factice ! Le sauvetage des animaux est l'une de nos missions et les sapeurs-pompiers sont toujours prêts à intervenir, ils ont de l'humour mais attention nos ressources sont précieuses et ne doivent pas être utilisées à tort...", concluait pour sa part le SDIS 24 en début de soirée dans une publication Facebook (lien archivé), illustrée d'une photo du fameux crocodile et de ses "sauveteurs". 

Un gros crocodile en ferraille

Comme l'avaient expliqué à l'époque les secours à l'AFP, un passant les avait appelés "car il avait vu quelque chose ressemblant à cet animal dans la rivière", ce qui avait entraîné l'intervention de pompiers, dont des plongeurs, sur place peu après 16h00, rejoints par la gendarmerie et l'Office français de la biodiversité.

L'équipe en avait ressorti deux heures plus tard "un crocodile en ferraille de plus de deux mètres", ainsi que l'a rapporté France Bleu (lien archivé) tout en partageant une photo en gros plan de cette reproduction. 

La propriétaire du faux crocodile "avait remarqué l'absence de la statue de son jardin en voyant les informations au sujet du repêchage",  comme le relate Le démocrate indépendant dans un article du 27 mai 2023 (lien archivé), même on ne sait toujours pas aujourd'hui comment il est retrouvé dans la Dordogne.

Devenu célèbre, le faux crocodile  devait ensuite faire l'objet d'une exposition temporaire à la mairie de Bergerac, selon la même source.

L'organisation d'épreuves olympiques dans la Seine - du pont Alexandre-III qui relie le Grand Palais aux Invalides - a récemment amené différentes personnalités politiques à promettre d'y plonger.

Fin février 2024 (lien archivé), Emmanuel Macron s'est ainsi engagé à se baigner dans la Seine, une possibilité qui sera offerte aux Franciliens à l'été 2025 et constituera "un héritage important" des Jeux olympiques. 

 

La maire de Paris Anne Hidalgo avait indiqué début janvier qu'elle se baignerait dans la Seine en juillet, juste avant les JO et un an avant l'ouverture de trois espaces de baignade dans le fleuve à Paris : Bercy, Grenelle et entre l'île Saint-Louis et le Marais.

Depuis 2016, l'État et les collectivités locales franciliennes ont investi environ 1,4 milliard d'euros pour rendre baignables la Seine et la Marne, son principal affluent.

Les Jeux olympiques, récemment ciblés par de fausses infos sur les réseaux sociaux

Ces derniers mois, plusieurs contenus ciblant les Jeux olympiques ont circulé sur les réseaux sociaux. 

En novembre 2023 (lien archivé), Paris avait accusé des acteurs liés à l’Azerbaïdjan d’avoir mené fin juillet une campagne de désinformation visant à porter atteinte à la réputation de la France dans sa capacité à accueillir les Jeux olympiques, qui doivent se tenir du 26 juillet au 11 août 2024.

Selon un rapport de Viginum, l’organisme de lutte contre les ingérences numériques étrangères, que l'AFP a pu consulter, les investigations ont démarré le 26 juillet lorsque "plusieurs visuels appelant à boycotter les JO", massivement partagés sur le réseau social X, ont été détectés.

L’investigation a été menée dans un contexte de tensions diplomatiques entre Paris et Bakou. La France s’est impliquée ces derniers mois dans la médiation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, deux ex-républiques soviétiques en conflit. La France a en outre affiché son soutien à l’Arménie, qui redoute une violation de son intégrité territoriale, une prise de position qui lui a valu des critiques acerbes du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev.

"Mettant en scène des images d’émeutes ou de la ville de Paris, ces publications faisaient également figurer sur chaque contenu le logo des JO, trois comptes X officiels des JOP-24 et deux hashtags #PARIS2024 et #BOYCOTTPARIS2024", détaille Viginum dans son rapport.

En avril 2024, l'AFP a consacré un article de vérification à une fausse vidéo usurpant l'identité de TF1, au sujet d'une fausse recommandation du ministère de la Santé, qui aurait incité les femmes enceintes à accoucher avant le début des Jeux olympiques, le 26 juillet.

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