Non, une étude relayée par le Washington Post ne révèle pas l'inefficacité des vaccins contre le Covid-19
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 02 décembre 2022 à 16:52
- Mis à jour le 02 décembre 2022 à 17:08
- Lecture : 6 min
- Par : Nahiara S. ALONSO, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : Chloé RABS
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"Coup de tonnerre : Ce 23 novembre, le Washington Post a révélé que plus de gens vaccinés décédaient dorénavant de la covid-19 que de gens non vaccinés", affirment des internautes - dont Virginie Joron, députée européenne Rassemblement National - sur les réseaux sociaux (1, 2, 3).
L'information a également été reprise par le présentateur de Sud Radio André Bercoff, dans l'émission Morandini Live sur CNews le 25 novembre, dont l'extrait vidéo a été visionné plus de 84.000 fois sur Twitter. "Tout le monde aujourd'hui s'accorde sur ce consensus [sur le fait que le vaccin n'empêche ni la transmission, ni la contamination]. Le Washington Post, qui n'est pas une officine complotiste, a publié en une que chez les morts du Covid il y a plus de vaccinés que de non vaccinés."
"Une information qui ne plaira pas aux défenseurs invétérés du vaccin pour lutter contre la pandémie à Coronavirus? Et l'info ne vient pas d'un média complotiste, mais plutôt du Washington Post", écrit par exemple le site Le Courrier du soir.
"Même les médias aux ordres ne peuvent plus cacher cela", commente encore Silvano Trotta sur son canal Telegram, dans un message vu plus de 70.000 fois.
"C'est ce qui se passe lorsque vous vous précipitez sur des vaccins inefficaces et dangereux", appuie également le site Les Déqodeurs.
Ces publications s'appuient sur une analyse réalisée par Cynthia Fox, vice-présidente de la Kaiser Family Foundation (KFF), une organisation américaine à but non lucratif spécialisée des questions de santé nationale aux Etats-Unis, et relayée par le Washington Post.
"58% des décès dus au Covid-19 en août étaient des personnes vaccinées ou ayant reçu des doses de rappel", explique le Washington Post dans son article. "Ce n'est plus une épidémie de non vaccinés."
L'article, qui reprend l'analyse de Cynthia Fox et renvoie vers les données de l'Agence américaine de contrôle des maladies - composés de plusieurs centres (CDC) - détaille qu'à "mesure que les taux de vaccination augmentent et que de nouveaux variant apparaissent, la proportion de décès parmi les personnes vaccinées augmentent".
Toutefois, l'article souligne que ce phénomène s'explique parfaitement, notamment par la grande proportion d'Américains vaccinés, la diminution de l'efficacité des vaccins au fil du temps et met en évidence la nécessité des doses de rappel.
Par ailleurs, Cynthia Fox a partagé l'article sur son compte Twitter en l'accompagnant de différentes précautions telles que "les vaccins sont très efficaces mais la protection diminue", invitant tout le monde à recevoir des doses de rappel et à porter des masques.
NEW: Now, more than half of people dying of COVID were vaccinated
— Cynthia Cox (@cynthiaccox) November 23, 2022
COVID is on track to be the 3rd leading cause of death, again.
Vaccines are highly effective but protection wanes. This is not simply a pandemic of the unvaccinated#GetBoosted#WearAMaskhttps://t.co/RcfBOpnQ2C
Contactée par l'AFP, Cynthia Fox a notamment déclaré que ce serait "une déformation de l'analyse que de dire qu'il s'agit d'une preuve contre la vaccination". "Ce constat souligne en réalité l'importance d'être à jour sur les doses de rappel", a-t-elle ajouté.
"Le CDC et d'autres chercheurs ont démontré que la protection des vaccins peut diminuer avec le temps", poursuit Cynthia Fox, comme on peut le voir dans cette étude publiée le 16 novembre 2022 et qui recommande de suivre les doses de rappel, notamment pour la population à risque.
Pour comprendre la proportion majoritaire de vaccinés parmi les décès liés au Covid-19, Cynthia Cox ajoute qu'il y a "plusieurs facteurs en jeu", notamment une "augmentation de la proportion qui est vaccinée", ce qui crée un phénomène connu sous le nom de "sophisme d'oublie de la fréquence de base".
En effet, déduire de ces données que les personnes vaccinées meurent davantage du Covid-19 que les personnes non-vaccinées est inexact, car cela repose sur une comparaison entre des populations de taille différente, et qui ont des caractéristiques d'âge et d'état de santé différentes.
"Au commencement de la vaccination, les experts avaient prévenu qu'au bout d'un moment les personnes vaccinées représenteraient une proportion croissante des décès, simplement parce qu'une plus grande partie de la population serait vaccinée", détaille Cynthia Cox ajoutant que "si 100% de la population était vaccinée, alors 100% des décès seraient parmi les personnes vaccinées".
Elle explique également qu'à cela s'ajoute le fait que les personnes vaccinées et triplement vaccinées seraient en moyenne plus âgées et donc "sont plus susceptibles d'avoir des problèmes de santé sous-jacents qui les exposent à des conséquences graves du Covid-19".
"Lorsque les CDC procèdent à des ajustements en fonction de l'âge et de la taille de la population, nous constatons toujours que les personnes non vaccinées présentent un risque de décès ou de conséquences graves beaucoup plus élevé que les personnes vaccinées et avec dose de rappel", continue Cynthia Cox.
Selon les CDC, les personnes de 12 ans et plus qui ont reçu une injection de rappel ont un risque de décès 15 fois plus faible qu'une personne non vaccinée.
Depuis le début des campagnes de vaccination fin 2020, de nombreuses fausses allégations se sont basées sur le même schéma : en comparant les décès chez les vaccinés et les non-vaccinés sans tenir compte des différences entre ces groupes comme dans cet article ou celui-ci.
En France, la 2e dose de rappel (ou 4e dose) est possible dès trois mois après le 1er rappel (3e dose) pour les plus fragiles (plus de 60 ans, résidents en Ehpad, sévèrement immunodéprimés). Certaines personnes de moins de 60 ans sont aussi éligibles : les personnes âgées de 18 à 60 ans identifiés comme étant à risque de forme grave de Covid-19, les femmes enceintes, dès le 1er trimestre de grossesse, et les personnes vivant dans l’entourage ou au contact régulier de personnes vulnérables ou immunodéprimées.
La Haute Autorité de Santé a rappelé le 10 janvier 2022 que la vaccination était jugée efficace à plus de 90% pour réduire les formes graves de Covid-19, hospitalisation ou décès. Une efficacité qui s'érode toutefois avec le temps et face aux variants successifs, en particulier Omicron, d'où la nécessité des doses de rappel.
Selon la dernière étude menée par le groupement d'Intérêt Scientifique ANSM-Cnam, EPI-PHARE, et publiée le 7 juillet dernier, l'efficacité de la troisième dose pour réduire le risque d'hospitalisation due au Covid-19, dans une période prédominée par les deux variants Delta et Omicron, est estimée à 83%. Tout en restant élevée, la protection s'érode néanmoins après trois à quatre mois, pour atteindre 72%.
2 décembre 2022 Corrige coquille au 13e paragraphe