Une lettre de la mairie de Perpignan refusant le retrait du porc à la cantine ? Ce courrier n'a jamais existé
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- Publié le 26 septembre 2022 à 12:02
- Lecture : 5 min
- Par : Nathan GALLO, AFP France
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"La municipalité de Perpignan a raison de refuser toute concession à l'islam et à la charia" : depuis juillet, de multiples déclarations très virales (ici ou ici)sur Facebook félicitent la mairie de cette ville du sud de la France pour avoir pris position contre de supposées revendications "d'abolition du porc de toutes les cantines dans les écoles" qui auraient été faites par des parents de confession musulmane.
Ces posts, dont un totalise près de 60.000 partages, reprennent en effet plusieurs passages d'une prétendue lettre de réponse de la mairie envoyée à "tous les parents" et demandant aux musulmans de "s'intégrer et apprendre à vivre en France".
"Les musulmans doivent comprendre qu'ils doivent s'adapter en FRANCE, à leurs coutumes, à leurs traditions, leur style de vie, parce que c'est là où ils ont choisi d'immigrer", peut-on lire dans cette prétendue missive, très virulente vis-à-vis de la communauté musulmane. "Ils doivent comprendre que c'est à eux de changer leur style de vie, pas aux Français qui les accueillent si généreusement", poursuit le texte.
Le prétendu texte envoyé par la mairie est suivi dans la publication de commentaires hostiles aux musulmans, leur suggérant d'aller vivre dans des "pays musulmans".
Une lettre "jamais" envoyée par la mairie de Perpignan
Mais la mairie de Perpignan n'a pas envoyé de courrier aux parents d'élèves à ce sujet. "Il n’y a bien entendu jamais eu de lettre de la part des services de la Ville envoyée à des parents d’élèves de confession musulmane", a déclaré la municipalité à l'AFP, le 22 septembre.
La mairie, occupée depuis 2020 par le maire du Rassemblement national Louis Aliot, a par ailleurs affirmé n'avoir reçu aucune demande d'abolition du porc dans les cantines de la part de parents d'élèves musulmans.
Des propos confirmés par l'antenne perpignanaise de la Fédération des Conseils de Parents d'Elèves (FCPE) à l'AFP, qui a indiqué qu'aucune lettre ni demande en ce sens de la part de parents n'avait été signalée ces derniers mois par les adhérents.
Une fausse lettre virale depuis près de 10 ans
Ce n'est pas la première fois que cette fausse lettre circule en France. Elle avait d'ailleurs aussi été attribuée ces dernières années à la mairie de Metz, comme l'avait relevé 20 Minutes en 2018. Elle a circulé aussi à l'étranger : l'AFP a déjà vérifié plusieurs publications similaires sur plusieurs villes en Belgique ou au Québec.
En 2016, la mairie de Perpignan, alors occupée par le maire Jean-Marc Pujol (LR), s'était déjà vue attribuer cette lettre dans des publications semblables sur Facebook. A l'époque, l'information avait été déjà vérifiée par France info.
D'où est issue cette fausse lettre ? Selon Radio Canada, cette rumeur a commencé à circuler dès janvier 2013, à la suite d’une lettre écrite par l’adjointe au maire d'Antibes Juan-les-Pins, une ville près de Cannes, en réponse à certains parents qui réclamaient "une éviction de la viande (de porc, NDLR), ou au contraire une augmentation de la fréquence de plats comportant de la viande de porc" dans les cantines scolaires.
L’adjoint au maire rappelait alors : "dans le respect du principe de laïcité, il est précisé que le menu est le même pour tous les enfants dans les écoles maternelles et élémentaires."
En réaction à cette lettre, un texte de remerciement avait été publié sur le blog d’extrême-droite Dreuz.info. C'est ce texte qui est repris dans les publications que nous examinons et qui en partie présenté comme une lettre de la mairie.
Les menus de substitution, pas une atteinte à la laïcité selon le Conseil d'Etat
Depuis quelques années, le sujet des repas à l'école revêt une dimension de plus en plus sensible et polémique sur fond de débat sur la laïcité.
Plusieurs communes ont en effet fait le choix de supprimer les repas de substitution sans porc. C'est notamment le cas de Perpignan en 2015, sur décision de l'ancien maire Jean-Marc Pujol (LR). "Depuis la rentrée scolaire 2015-2016, la Ville propose deux types de menus, un classique et un végétarien (sans chair animale)", a ainsi indiqué la mairie à l'AFP le 22 septembre.
La même année, une décision similaire avait été prise à Chalon-sur-Saône. Alors que la ville proposait des repas de substitution depuis plus de 30 ans dans les cantines de la ville, le maire de la ville Gilles Platret (LR) avait expliqué que ce type de pratique "opér[ait] une discrimination entre les enfants, ce qui ne peut être accepté dans le cadre d'une République laïque".
La décision, qui avait à l'époque reçu le soutien du leader de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a toutefois finalement été retoquée par le Conseil d'Etat, à la suite d'un long processus judiciaire. En 2020, l'institution avait jugé que les mairies n'étaient certes pas obligées de proposer des menus de substitution au porc dans les cantines scolaires, mais que ces menus ne contrevenaient pas au principe de laïcité.
"Ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d'égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas", avait indiqué le Conseil d'Etat. "Lorsqu'elles choisissent d'assurer le service public de la restauration scolaire", les collectivités "doivent prendre en compte l'intérêt général qui s'attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public", avait ajouté l'institution.