Des migrants responsables de dégradations en Meurthe-et-Moselle ? Rien ne le prouve

Des comptes Facebook d'extrême droite accusent des "migrants" d'avoir "saccagé les locaux dans lesquels ils vivaient" à Neuves-Maisons, près de Nancy. Des migrants ont bien été hebergés jusqu'en août 2018 à l'endroit évoqué mais les locaux avaient été rendus en "bon état" d'après la communauté de communes et la gendarmerie. Les dégradations sont ultérieures et les responsables pour l'heure inconnus.

Anthony Bellorini, chargé de mission en Meurthe-et-Moselle pour Génération Nation, le mouvement de jeunesse du Rassemblement national de Marine Le Pen, a partagé le 22 octobre sur Facebook une publication accusant les "migrants hébergés à Neuves-Maisons aux frais des contribuables" d'avoir "saccagé les locaux dans lesquels ils vivaient."

Les images, impressionnantes, ont été partagées plus de 5.000 fois, assorties de commentaires indignés. Quelques utilisateurs de Facebook ont toutefois donné en commentaire une explication différente aux événements ayant affecté les anciens locaux de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), basé à Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle).

"Le site est en friche depuis 2014 et est promis à la démolition l'année prochaine pour laisser place à une cité scolaire inclusive. Dans cette période intermédiaire, on a été sollicités par l'Etat pour y accueillir en octobre 2016 un centre d'accueil et d'orientation qui a hébergé des demandeurs d'asile majeurs jusqu'en avril 2017", explique à l'AFP Dominique Kinderstuth, directeur général des services de la communauté de communes Moselle et Madon, propriétaire des anciens locaux de l'INRS.

Le site fait six hectares et comptes plusieurs bâtiments et les personnes étaient hébergées dans l'ancien bâtiment Hôtellerie.

"Le bâtiment a été rendu en état nickel. Quelques jours après, on a été sollicités par le Département pour héberger des mineurs migrants isolés jusqu'à la fin du mois d'août 2018. Là aussi, quand on a récupéré les clés du bâtiment, les locaux étaient en bon état", poursuit-il.

D'après lui, "le site est grand, excentré, difficile à sécuriser. Depuis deux-trois ans, on est confrontés régulièrement à des problèmes d'intrusion. On a payé des rondes nocturnes pour sécuriser le site, mais ça nous coûtait 30.000 euros par an et ça n'empêchait pas le vandalisme, donc on a arrêté. La présence (de migrants, ndlr) d'octobre 2016 à août 2018 nous a plutôt servi de garde-fou. Il y avait un encadrement permanent (par l'association Arelia en charge des majeurs puis par le Département en charge des mineurs), une présence 24h/24h. Ni l'Etat ni le Département n'auraient permis qu'il y ait des dégradations".

Après le départ fin août des mineurs isolés, le bâtiment Hôtellerie a été l'objet "de vandalisme totalement gratuit, de saccage, de vols de matériaux sensibles comme les câbles de cuivre" ajoute M. Kinderstuth. "Il y a eu aussi des personnes qui s'y sont installées pour une nuit pour faire la chouille. Vu que le bâtiment est promis à la démolition, la gendarmerie est au courant, mais on n'est pas allés au-delà", a-t-il précisé. Pas de plainte donc et personne n'a été identifié ou arrêté à sa connaissance.

Contactée, la gendarmerie confirme que le vandalisme a eu lieu après le départ des mineurs migrants isolés. "La veille (du départ des jeunes migrants), il y a eu un pot auquel assistait la gendarmerie (des gendarmes de la brigade de Neuves-Maisons, Ndlr) qui n'a pas constaté la moindre dégradation."

"Les dégradations auraient pu être commises après", c'est-à-dire entre ce pot et le départ effectif des jeunes migrants, "mais il y a eu un état des lieux faits avec la communauté de communes qui ne fait mention d'aucune dégradation. Le site est dans une enceinte non fermée ce qui laisse toute latitude à quiconque voulant y entrer pour y commettre des exactions", selon la gendarmerie, qui confirme qu'il n'y a pas eu de plainte déposée et aucun interpellation.

Le président de la communauté de commune, Filipe Pinho, a qualifié de "grotesque et scandaleuse" cette accusation selon laquelle les migrants seraient "responsables" de ces dégradations.

Sollicitée, la préfecture de Meurthe-et-Moselle n'avait pas encore répondu à l'AFP lundi en milieu d'après-midi.

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