Belgique : les migrants hébergés dans des centres d’accueil ne reçoivent pas 48 euros par jour
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- Publié le 29 septembre 2020 à 18:37
- Lecture : 6 min
- Par : Marie GENRIES, AFP Belgique
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"48 euros par jour et par réfugié à Bierset...48 x 30 = 1440 euros…", c’est le calcul réalisé par l’auteur de cette publication, qui s’indigne "Beaucoup de pensionnés (qui touchent une retraite, NDLR) ont beaucoup moins et ils ont travaillé toute leur vie !!!"
Cette publication a été partagée plus de 8.000 fois depuis le 7 septembre (ici, ici ou encore ici).
Elle évoque une somme "donnée" aux réfugiés : 48 euros par jour, soit 1.440 euros par mois. C’est faux, expliquent à l’AFP la Croix-Rouge, qui gère le centre d’accueil des migrants à Bierset, et l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, Fedasil.
Le montant de 48 euros pourrait correspondre au coût moyen pour l’Etat d’un demandeur d’asile (pour financer infrastructures et besoins de base), mais cet argent ne leur est pas versé directement.
Par ailleurs, les personnes hébergées dans le centre de Bierset n’ont pas encore le statut de réfugié, qui leur permettrait d’accéder aux allocations sociales et au marché du travail, mais sont des demandeurs d’asile. A ce titre, ils n’ont droit qu’à une petite allocation, équivalent à un peu d’"argent de poche" par semaine.
Les migrants hébergés dans un centre d’accueil reçoivent 7,90 euros par semaine
En Belgique, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile Fedasil décide du financement des centres d’accueil. Ils constituent la première étape des migrants lorsqu’ils arrivent en Belgique. Parmi ces centres collectifs, la Croix-Rouge en gère 26, dont celui de la commune de Bierset.
Marie Polart, du département d’Accueil des demandeurs d’asile de la Croix-Rouge, a expliqué à l’AFP que dans ces centres, les demandeurs d’asile ne recevaient pas 48 euros par jour : "Nous fournissons des couvertures, de la nourriture et les soins médicaux de base aux personnes qui sont hébergées dans nos centres. Elles ne reçoivent pas d’aide directe sauf de "l'argent de poche" qui leur permet de couvrir des petits frais, hors alimentation et produits de première nécessité. Cette aide est de 7,90 euros par semaine", a-t-elle déclaré le 28 septembre.
On retrouve en effet la mention de cette somme sur le site de Fedasil.
Les demandeurs d’asile sont hébergés dans ces centres d’accueil le temps de l’examen de leur demande de protection de la part de l'État belge. Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) décide ensuite de leur accorder, ou non, le statut de réfugié. S’ils l’obtiennent, ils doivent alors quitter le centre et cessent de percevoir l’aide de 7,90 euros.
Le montant de 48 euros ne correspond pas à une pension ou un salaire alloué aux réfugiés, mais plutôt à une moyenne du coût des infrastructures dédiées au demandeurs d’asile, a également expliqué à l’AFP Benoît Mansy, porte-parole de Fedasil, le 28 septembre : "On gère certains centres d’accueil mais on a aussi des contrats avec des communes, la Croix-Rouge, etc. qui organisent l’accueil à notre place dans certains endroits. Ces contrats prévoient un tarif qui correspond à environ 45-50 euros par jour et par personne pour financer les besoins de base, les loyers, l’accompagnement, etc.".
On retrouve également cette moyenne sur le site de Fedasil, qui précise que ce coût "varie en fonction de différents facteurs comme les infrastructures, le nombre de personnes hébergées ou le profil du public accueilli".
Pas d’allocation pour les réfugiés
Le statut de "réfugié" ouvre la possibilité à de nouveaux droits, comme le revenu d’intégration sociale (RIS), peut-on lire sur le site du service public fédéral de l'Intégration sociale.
"Une fois qu’il a reçu son statut de réfugié, le demandeur d’asile peut alors travailler, trouver un logement et demander une aide auprès des CPAS (Centre public d'action sociale, NDLR)", explique Benoît Mansy. En revanche, en Belgique, "il n’existe pas d’allocation sociale dédiée aux réfugiés", précise-t-il.
Ce statut permet d’accéder au marché du travail et aux allocations sociales de l’Etat belge, au même titre que tout citoyen belge, indique aussi Marie Polart, qui précise : "environ la moitié des demandes sont refusées. Les réfugiés doivent alors quitter le territoire".
Selon les données publiées sur le site du Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA), 27.742 personnes ont introduit une demande de protection internationale auprès de l’Office des étrangers (OE) en 2019. Cette même année, 6.719 personnes ont obtenu une protection. Les plus récentes données mensuelles du CGRA font apparaître le même ratio: en août 2020, 840 demandes de protection internationale ont été enregistrées et 233 personnes seulement ont obtenu une reconnaissance du statut de réfugié.
Une rumeur qui circule depuis plusieurs années
Le porte-parole de Fedasil Benoît Mansy a affirmé à l’AFP que ce faux calcul sur le soi-disant salaire d’un demandeur d’asile circulait depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux.
D’après les recherches de l’AFP, des publications similaires concernant Bierset circulent depuis au moins 2012 sur facebook, en français et en flamand.
En 2015, un internaute flamand avait affirmé dans une publication partagée plus de 12.000 fois: "Chaque demandeur d’asile reçoit 40 euros via le CPAS et par enfant jusqu’à 29€ PAR JOUR".
Le secrétaire d’Etat à la Migration de l’époque, Théo Francken, avait alors répondu sur sa page Facebook en expliquant que "les demandeurs d’asile n’obtiennent PAS d’argent" mais "seulement un lit, des sanitaires, du pain, du matériel de première nécessité donc, pas de soutien financier". Il expliquait ensuite que l’argent alloué par Fedasil aux centres d’accueil pour les infrastructures d’hébergement, la nourriture et les charges revenait à "environ 40 euros par adulte et 29 euros par mineur".
Certains retraités touchent en effet moins de 1.440 euros
En janvier 2020, 1,2 million de retraités belges touchaient moins de 1.500 euros net par mois, selon une dépêche de Belga citant des données du Service public fédéral des pensions et relayée par nos collègues de la RTBF.
Depuis 2018, le système belge offre un montant minimum garanti : une personne pensionnée ne peut pas recevoir une pension inférieure à 783,39 euros brut par mois, indique le site du Service fédéral des pensions.
Selon un tableau fourni le 28 septembre 2020 par le Service fédéral des pensions et qu’a pu consulter l’AFP, le montant moyen de la retraite d’un fonctionnaire ayant fait toute sa carrière dans le service public est de 2.745,30 euros brut.
Effectivement, certains pensionnés touchent donc moins que 1.440 euros. Mais ce chiffre ne correspond pas au "salaire" d’un réfugié.