La ministre du Travail Muriel Pénicaud à l'hôtel Matignon le 18 juin 2019 lors de la présentation de la réforme de l'assurance chômage (Lucas Barioulet / AFP )

Un chômeur sur cinq "gagne plus que quand il travaillait" : ce que disent les chiffres de Pôle emploi et de l'Unédic

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  • Publié le 06 novembre 2019 à 17:05
  • Mis à jour le 18 novembre 2019 à 19:23
  • Lecture : 4 min
  • Par : Fabrice RANDOUX
Un chômeur sur cinq perçoit une allocation supérieure à ce qu'il gagnait lorsqu'il était actif ? Cette affirmation de la ministre du Travail Muriel Pénicaud est statistiquement fondée, mais concernent des chômeurs qui à 90% touchent moins de 1.300 euros par mois et qui ont une "activité très morcelée", selon Pôle emploi. L'Unédic - le gestionnaire paritaire de l'assurance chômage -  estime avec une méthodologie différente que 4% des demandeurs d'emploi perçoivent davantage que leur ex-salaire.

"Les règles qu'ont fait les partenaires sociaux ont comme résultat qu'un demandeur d'emploi sur cinq - ceux qui alternent les contrats très courts - lorsqu'il entre au chômage, il gagne plus que quand il travaillait", a affirmé mardi 5 novembre la ministre du Travail sur RMC/BFMTV, pour justifier la partie de la réforme de l'indemnisation chômage qui entrera en vigueur au 1er avril.

La ministre du Travail avait déjà créé la surprise fin février en évoquant ce chiffre, comme nous l'expliquions dans cette dépêche publiée le 26 février.

Cette statistique, que la ministre a depuis citée à plusieurs reprises, a suscité de vives protestations. Laurent Berger, numéro un de la CFDT, a dénoncé un chiffre "caricatural" qui permet à l'exécutif de dire que "les chômeurs profitent du système alors que la plupart ne choisissent pas quand ils travaillent". 

Les chiffres de Pôle emploi

Pour autant, comme l'expliquait cette dépêche AFP publiée le 16 mars, le chiffre cité par Mme Pénicaud existe bien et vient de Pôle emploi. 

L'organisme a comparé, à partir des ouvertures de droit, le montant des salaires mensuels moyens nets perçus pendant la période de référence au cours de laquelle le demandeur travaillait et le montant de son allocation mensuelle nette au chômage. 

Résultat : "Pour environ 20% des ouvertures de droit à l’assurance chômage, le montant mensuel net de l’allocation auquel a droit l’indemnisé est supérieur au salaire mensuel net moyen qu’il a perçu au cours de la période d’affiliation", écrit Pôle emploi.

Comment cela est-il possible ? En cause, le mode complexe et spécifique à la France de calcul de l'allocation, basé sur "le nombre de jours travaillés".

C'est en divisant la somme des revenus perçus sur les 12 derniers mois par ce nombre de jours travaillés que l'on obtient "le salaire journalier de référence" qui sert de base pour le calcul de l'allocation mensuelle.

Ce mode de calcul est plus favorable aux personnes qui - comme l'a souligné mardi Muriel Pénicaud - ont des contrats fractionnés, et donc moins de jours travaillés, comme le montre la comparaison de deux personnes qui ont travaillé au Smic pendant un an.

L'une a eu un seul CDD à environ 1.200 euros net. Elle a le droit jusqu'ici à un an de chômage, suivant le principe "un jour travaillé = un jour indemnisé", et touchera environ 900 euros par mois.

L'autre a cumulé sur un an douze CDD, de quinze jours par mois, et gagnait donc environ un demi-Smic mensuellement, soit 600 euros.  N'ayant travaillé que 180 jours sur l'année, elle n'aura droit qu'à six mois de chômage. Mais elle touche aussi 900 euros (soit 150% de son ex-salaire) car ses revenus n'ont été divisés que par 180 et non 365 jours.

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Mesures et calendrier de la réforme de l'assurance chômage en France (AFP)

Certains demandeurs d'emploi peuvent donc effectivement gagner plus mensuellement que leur précédent salaire. Mais, mettent en garde les syndicats, cela ne concerne que des gens qui ne travaillent pas des mois complets et donc aux revenus très modestes.

Confirmation par Pôle emploi : sur ces 600.000 chômeurs, 16% touchent une allocation de moins de 750 euros, 33% entre 750 et 1.000 euros, 41% entre 1.000 et 1.300 euros.

"Les allocataires ayant un taux de remplacement mensuel net supérieur à 100% ont connu une activité très morcelée : en moyenne leur nombre total de jours de travail correspond, mis bout à bout, à environ 7 mois. Ces mois travaillés ont été effectués sur une période calendaire de 16 mois en moyenne (dont 11 avec au moins un jour travaillé)", expliquait fin mars Pôle emploi dans une fiche thématique.

Par ailleurs, ces 600.000 chômeurs ont droit en moyenne à une durée d'indemnisation de sept mois, deux fois plus courte que celle de l'ensemble des demandeurs.

Pour le gouvernement, ce système favorise néanmoins l'explosion des contrats courts et pose "un problème d'équité" entre demandeurs d'emploi au détriment par exemple de ceux qui travaillent en continu à temps partiel. 

La réforme en cours de l'assurance chômage, qui modifiera le calcul de l'indemnisation à partir du 1er avril, ne rendra plus cette situation possible. Le "salaire journalier de référence", base de calcul de l'allocation chômage, sera obtenu en divisant les salaires de la période de référence par l'ensemble des jours à partir du premier jour d'emploi, et non plus les seuls jours travaillés. 

Selon le gouvernement, l'allocation chômage sera comprise entre 65 et 96% du salaire net mensuel moyen de la période de référence.

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Des manifestants à Paris, le 23 mars 2019 (François Guillot / AFP)

Les chiffres de l'Unédic

L'Unédic, l'organisme paritaire gestionnaire de l'assurance chômage, dispose de chiffres très différents, comme l'ont souligné nos confrères de CheckNews

L'Unédic compare les indemnisations nettes perçues par les demandeurs d'emploi sur les 12 mois suivant l'ouverture de leurs droits avec les salaires nets perçus sur les 12 mois précédents (comme expliqué ici), quand Pôle emploi compare les allocations mensuelles nettes touchées par les demandeurs d'emploi aux salaires mensuels nets moyen perçus par ces derniers au cours de leur période d'affiliation.

En comparant ces données, l'Unédic estime que 4% des demandeurs d'emploi perçoivent plus que leur précédént salaire. Selon les chiffres de l'organisme, ces demandeurs d'emploi perçoivent en moyenne 290 euros nets sur les douze mois suivant leur ouverture de droit, contre un salaire moyen net de 220 euros sur les douze mois précédents.

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