La centrale à charbon du Havre (Seine-Maritime), le 10 janvier 2020 (AFP / Lou Benoist)

Non, le gouvernement n'"ouvre" pas de "centrales à charbon", comme l'affirme Marine Le Pen

La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, interrogée sur France Inter, a affirmé que le gouvernement "ouvre des centrales à charbon". Si les centrales à charbon sont sollicitées en période de pointe, leur production est à un plus bas historique en France et la fermeture des quatre dernières centrales de ce type encore en service est prévue d’ici 2022, soulignent à l'AFP le ministère, le gestionnaire du réseau français et un expert.

"J'entends un gouvernement qui vient nous expliquer qu'il remet en cause le choix nucléaire et au passage, il ouvre des centrales à charbon", a déclaré Marine Le Pen, invitée de la matinale de France Inter le 23 mars.

Si cette partie de l'entretien a porté principalement sur le rôle du nucléaire dans le bouquet énergétique français, la référence au charbon fait écho à un précédent tweet de Mme Le Pen du 24 octobre 2020 dans lequel elle affirmait qu'"en cédant aux lubies anti-nucléaires des 'verts', Macron fait rouvrir des… centrales à charbon!". Cette déclaration était accompagnée d'un reportage du JT de TF1 sur la centrale à charbon de St-Avold (Moselle).

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Capture d'écran Twitter prise le 24/03/2021

"Du pur abus de langage", a réagi l'entourage de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, contacté par l'AFP, qui rappelle que la France est au contraire en train de fermer ses quatre dernières centrales à charbon en fonctionnement, énergie fossile la plus nocive pour le climat.

"Depuis toujours, les centrales à charbon servent d'appoint" lors de pics de consommation, a-t-on rappelé de même source. Mais "même au pic de l'hiver" lors de la dernière vague de froid en janvier, la production charbon a représenté "au maximum 0,5% de la production nationale" d'électricité, a rapporté l'entourage de la ministre, joint le 24 mars.

"Effectivement, les centrales à charbon sont sollicitées en période de pointe l'hiver, et exceptionnellement, elles ont été un peu sollicitées cet été parce qu'il y a eu des petits soucis sur la maintenance du nucléaire, mais cela reste exceptionnel. On les utilise de moins en moins", a indiqué de son côté Nicolas Goldberg, consultant Energie chez Colombus Consulting.

"C'est complètement faux de dire qu'on rouvre des centrales à charbon, c'est très ambigu de dire qu'on les rallume. Celles qui sont en service, parfois elles fonctionnent, parfois elles ne fonctionnent pas, de toute façon à terme il est bien prévu de toutes les fermer", a-t-il ajouté, joint le 23 mars.

Car cela fait plusieurs années que les centrales à charbon ne fonctionnent plus en continu, rappelle le consultant, "parce que les énergies renouvelables et le nucléaire sont prioritaires".

Lors d'une conférence de presse le 24 mars sur les perspectives du système électrique à 2030, le gestionnaire du transport de l’électricité en France RTE a également rappelé la fermeture prévue des quatre centrales au charbon encore en service en France d’ici 2022.

"Il y a un renversement de situation: il y a encore trois ans, certaines centrales fonctionnaient plusieurs milliers d'heures par an sans que personne ne le remarque, aujourd'hui on remarque quand ces centrales sont démarrées. La tendance structurelle est à une diminution de la production des centrales à charbon et à leur fermeture", a assuré Thomas Veyrenc, directeur exécutif en charge de la stratégie, de la prospective et de l'évaluation.

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Capture d'écran prise le 24/03/2021 du rapport sur les perspectives électriques 2021-2030 de RTE

Au début du mois déjà, à l'occasion de la publication de son "Bilan électrique 2020" le 3 mars, RTE notait dans un communiqué que la production d'électricité à partir du charbon "est désormais très faible, au plus bas depuis 1950", en baisse de 12,7% par rapport à 2019 à 1,4 TWh. Un recul plus prononcé que la baisse de la production d’électricité de 7% en 2020 par rapport à 2019.

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Capture d'écran prise le 24/03/2021 du bilan électrique 2020 de RTE

Le gestionnaire prévoit que cette production "ne devrait pas diminuer encore en 2021, mais a vocation à cesser en 2022 avec la fermeture annoncée (ou le changement de combustible) des dernières centrales au charbon."

Selon le bilan de RTE, en 2020 les centrales à charbon ont repris ponctuellement leur production en juillet "en partie pour compenser une baisse de la production nucléaire liée au planning de maintenance et au respect des contraintes environnementales dans cette période de forte température et de sécheresse". Puis "en septembre, les centrales à charbon sont à nouveau sollicitées avec une hausse de la consommation et un taux de disponibilité du nucléaire encore faible".

En octobre, malgré une reprise de la production nucléaire, les conditions ont été favorables à la production au charbon, note RTE, "avec un prix du gaz à la hausse et un prix du CO2 à la baisse". Plus traditionnellement, les centrales à charbon ont été sollicitées en novembre et décembre "en réponse à une demande liée à l'arrivée de l'hiver."

Le calendrier officiel prévoit la fermeture des quatre centrales au charbon encore en fonctionnement en France d’ici 2022 - c'est-à-dire les centrales de Cordemais (Loire-Atlantique), Le Havre (Seine-Maritime), Saint-Avold (Moselle) et Gardanne (Bouches-du-Rhône). Leur puissance installée est de 3 GW, soit environ 2,2 % du parc installé en France.

En ce qui concerne la centrale de Cordemais, le gouvernement a tout de même expliqué que cette centrale d'EDF pourrait continuer en réalité de fonctionner éventuellement quelques centaines d'heures par an. EDF y porte aussi un projet de conversion à la biomasse qui doit encore recevoir le feu vert des autorités (électricité produite à partir de la chaleur dégagée par combustion de matières végétales ou organiques, comme le bois).

La centrale du Havre est en train de fermer, avec une échéance officielle prévue le 1er avril 2021. Elle ne produit plus de courant depuis le 10 mars, selon L’Usine Nouvelle. L'entourage de Mme Pompili a indiqué qu'elle "s'est arrêtée définitivement il y a quelques jours". La centrale de Provence (Gardanne-Meyreuil), marquée par un long conflit social, est à l'arrêt depuis deux ans.

"Le charbon n'est plus adapté à nos mixs énergétiques", estime Nicolas Goldberg, consultant Energie chez Colombus Consulting. C'est une énergie avec des coûts fixes importants: "dans ce cas, il vaut mieux être un peu prioritaire sur le réseau sinon vous ne rentrez pas dans vos frais", souligne-t-il. Et le charbon "n'est pas fait pour gérer de la variabilité sur le réseau", une variabilité induite par la production issue des énergies renouvelables. 

Ce 24 mars, RTE a prévenu que la France devait se préparer à trois hivers tendus pour son approvisionnement en électricité, pour cause de crise sanitaire, et de retards de l'EPR mais aussi dans le développement des énergies renouvelables.

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