Non, des centaines de milliers d'immigrés n'ont pas été débarqués par les ONG en Italie
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- Publié le 27 septembre 2018 à 12:27
- Mis à jour le 27 septembre 2018 à 15:18
- Lecture : 3 min
- Par : Guillaume DAUDIN, Fanny CARRIER
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"En Italie, nous avons simplement cherché à poser des règles afin de stopper ce qui était, jusqu’à récemment encore, une véritable invasion. Des centaines de milliers d’immigrés étaient quotidiennement débarqués sur nos côtes par des ONG, dans l’indifférence totale de la communauté internationale" affirme M. Salvini en ouverture de l'entretien accordé à l'hebdomadaire.
Voici la réponse originale de M. Salvini en italien, selon un texte fourni par Valeurs Actuelles à l'AFP :
Les chiffres issus de la Guardia Costiera, les garde-côtes italiens, contredisent pourtant ceux de M. Salvini.
D'après leurs statistiques, ce sont 1.450 personnes qui ont été secourues par les ONG en 2014 (pendant les deux mois de mission de l'ONG maltaise Moas, la première à s'engager en mer), 20.063 en 2015, 46.796 en 2016 et 46.601 en 2017. De janvier à juillet 2018, ce sont 5.204 personnes supplémentaires qui ont été secourues en Méditerranée. Au total, donc, 120.114 personnes en quatre ans, soit 30.000 personnes annuellement, et non pas "des centaines de milliers d'immigrés quotidiennement débarqués".
Selon ces mêmes statistiques, les bateaux affrêtés par des ONG ne représentent qu'un cinquième du secours apporté aux migrants en mer Méditerranée ces quatre dernières années. Pour leur part, les navires officiels italiens (garde-côtes, marine italienne et "Guardia di Finanza", l'équivalent des douanes), ont débarqué 309.490 migrants, soit plus de la moitié de l'ensemble: un nombre total de 611.414 personnes sur quatre ans. Le reste des secours vient principalement de missions européennes ou de navires marchands.
Mais la part exacte prise par les ONG est difficile à évaluer, car celles-ci comptabilisent parfois comme "secourues" des personnes qu'elles n'ont pas ramené sur les côtes ou à l'inverse pour lesquelles elles n'ont opéré "que" le rôle de transporteur jusqu'aux ports italiens. Ce dernier cas est celui des "transbordements".
Un "transbordement", rappelle l'ONG SOS Méditerranée, consiste à "transférer les personnes secourues entre un premier bateau arrivé sur place le premier et ayant effectué le sauvetage, et un second bateau qui reçoit l’instruction du Centre de coordination des secours (MRCC) de ramener les rescapés à terre vers un +port sûr+".
Les garde-côtes italiens avaient pris l'habitude d'organiser ces transbordements pour éviter trop de désagréments aux navires commerciaux mobilisés en premier lieu et pour limiter le nombre d'allers/retours vers l'Italie afin de maintenir le plus de bateaux possible au large de la Libye, en particulier lors des périodes de conditions météo favorables aux départs de migrants.
Les personnes débarquées dans des ports italiens après un transbordement sont donc comptabilisées comme provenant d'ONG alors que techniquement les ONG ne sont pas responsables en premier lieu de leur sauvetage.
De la même manière, des personnes secourues en premier lieu par une ONG ont pu être conduites en Italie par un navire militaire ou des garde-côtes.
Ainsi, MSF comptabilise que 21% des 77.579 migrants que ses navires ont conduits en Italie depuis ses premières opérations de secours en 2015 (avec le Dignity 1 et l'Aros, puis le Vos Prudence et l'Aquarius) avaient été secourus par d'autres navires (militaires, commerciaux et ONG) et transbordés à la demande des garde-côtes italiens.
En poste depuis le 1er juin, Matteo Salvini a décidé mi-juin d'interdire l'accès aux ports italiens aux ONG qui portent secours aux migrants en Méditerranée, position qui marque la nouvelle ligne dure de l'Italie en matière migratoire.
M. Salvini a promis de stopper le flux d'arrivées et d'expulser des centaines de milliers de clandestins. Mais l'avenir des flux via la Libye dépendra avant tout de la stabilisation du pays et de la pérennisation des accords controversés conclus par Rome avec les autorités et des milices libyennes, qui ont permis de faire nettement baisser les arrivées depuis l'été 2017.
En dépit de la politique des ports fermés défendue par M. Salvini et sans l'aide de navires de secours, quelque 21.024 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes entre le 1er janvier et le 26 septembre, selon les chiffres officiels, soit une baisse de plus de 84% par rapport à la même période 2016 et de près de 80% par rapport à la même période 2017. 12.389 étaient partis de Libye. Les autres sont partis de Tunisie, de Turquie et d'Algérie.
EDIT: ajout du chiffre total de personnes secourues en quatre ans selon la Guardia Costiera, 611.414 personnes