
Non, cette vidéo ne montre pas des Indiens "chasser" des équipes de vaccination contre le Covid-19
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 05 mai 2021 à 12:49
- Mis à jour le 06 mai 2021 à 17:51
- Lecture : 6 min
- Par : Marine LAOUCHEZ, François D'ASTIER, AFP Inde
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"#INDE : Les villageois chassent les équipes de dépistage et de vaccination. Ils voient clair dans la fraude au V !", lance l'auteur de la publication, en anglais. Le 30 avril, le lendemain de sa publication, le tweet comptabilisait plus de 3 100 retweets et 5 600 "J'aime".

Cette affirmation a été reprise ici en espagnol ou encore ici en français.
Une recherche d'image inversée par l'AFP à partir d'images tirées de la vidéo n'a pas donné de résultats, mais dans les commentaires du tweet des internautes affirment que les images ont été détournées.
Une utilisatrice assure qu'il s'agit d’un incident qui a eu lieu dans l'Etat de Jharkhand (est de l'Inde), dans un contexte différent : la police tentait de disperser un regroupement qui ne respectait pas les mesures de distanciation sociale.
"Arrêtez de colporter de fausses informations. Ce n'était pas des équipes de tests et de vaccination. L'incident s'est déroulé dans un village de l'Etat du Jharkhand où une foire était organisée, bafouant les règles de distanciation. Quand les policiers sont intervenus pour l'interrompre, cela a donné lieu à un affrontement. Oubliez les équipes, nous sommes à court de vaccins", répond l'internaute.
Un autre s'étonne : "Ça ne ressemble pas à des émeutes pour le vaccin Covid. Il n'est pas obligatoire en Inde, ce n'est pas une campagne massive en porte-à-porte comme pour la polio".

En faisant une recherche sur Google avec les mots "india video villagers throwing stones police" ("inde video villageois lançant pierres police"), on tombe, dès les premiers résultats, sur deux articles de la presse indienne qui incluent cette même vidéo, ou des images tirées de cette vidéo.

Dans leurs articles datés respectivement des 23 et 24 avril, NDTV et India Today rapportent un incident identique à celui relaté par l'un des internautes repondant au tweet : des policiers ont été attaqués par une foule dans un village où se tenait une "mela", terme utilisé en Inde pour désigner un rassemblement ou une fête.
Selon les journalistes de ces deux médias, les policiers s'étaient rendus dans le village de Bamni, dans le Jharkhand, pour persuader les villageois de mettre fin au regroupement.
Mais la négociation a échoué et les villageois ont attaqué les policiers, certains leur lançant des pierres. Selon India Today, huit personnes ont été arrêtées à l'issue de ces affrontements, qui se sont déroulés le vendredi 23 avril.
L'article de NDTV est accompagné de la vidéo en intégralité. On y voit un homme donnant des coups de bâton à des gens dans la foule, avant qu'elle ne le poursuive. Dans la foule, certains participants lancent des pierres. Un policier est pris à partie.

Contactée par l'AFP, la police de la ville de Nimdeh, qui a dans sa juridiction le village du Jharkhand où s'est déroulé cette scène, a confirmé que ces événements n'avaient pas de lien avec une quelconque campagne de vaccination.
"Il s'agissait d'une foire organisée dans le village qui ne respectait pas les restrictions liées au Covid-19 car des centaines de personnes étaient présentes. Quand la police est venue les disperser, ils ont attaqué", a expliqué un porte-parole.
Interrogé par India Today dans le cadre d'un article de vérification, un correspondant local de l'état du Jharkhand a expliqué qu'il n'y avait pas eu d'agression sur des personnels de santé en charge de la vaccination récemment.
Vaccination sur rendez-vous
Comme expliqué par l'un des internautes répondant au tweet trompeur, la vaccination contre le Covid-19 n'est pas obligatoire à ce stade en Inde, même si elle est fortement encouragée.
Le pays d'1,3 milliard d'habitants a ouvert samedi 1er mai sa campagne de vaccination à l'ensemble de sa population adulte. Mais plusieurs Etats ont prévenu qu'ils étaient à court de vaccins et que le déploiement élargi de la campagne était menacé par des querelles administratives.
A ce stade, l'accès à une injection ne se fait pas via des campagnes de porte-à-porte dans les communes, mais par "enregistrement sur une plateforme en ligne", explique le ministère de la Santé sur son site .
C'est à la suite de cet enregistrement que l'on obtient le lieu et l'heure du rendez-vous pour se faire vacciner.

Le pays a notamment mis en place des centres de vaccination à cet effet, visibles dans cette vidéo AFP ou celle-ci en anglais :
L'Inde en crise
Le Jharkhand a été placé en confinement le 22 avril au soir, une mesure qui a été prolongée jusqu’au 6 mai, comme l’explique cet article du Times of India.
Les cas ont flambé en Inde : plus de 2,5 millions ont été détectés ces sept derniers jours. Alors que ses hôpitaux submergés manquent de lits, de médicaments et d'oxygène, le pays a déclaré vendredi 30 avril 385.000 contaminations en 24 heures et près de 3.500 décès.
Selon les chiffres compilés par le New York Times, qui propose un découpage des statistiques indiennes par Etat, les Etats les plus touchés du sous-continent sont, selon une moyenne sur les sept derniers jours à la date du 30 avril : le Maharashtra (63 530 cas/jour), l’Uttar Pradesh (34 455 cas/jour), le Karnataka (32 407). Le Jharkhand comptait 6 071 cas par jour (18 pour 100 000 habitants).

Les chiffres officiels journaliers sont aussi disponibles sur le site du ministère de la Santé indien.

Le 5 mai, le géant asiatique a atteint plus de 222.000 morts et près de 20,3 millions de contaminations depuis le début de la pandémie.
La Banque centrale de l'Inde a annoncé mercredi 5 mai que 6,7 milliards de dollars de financement bon marché seraient débloqués pour les fabricants de vaccins, les hôpitaux et les entreprises du secteur de la santé pour aider à contrer la deuxième vague de Covid-19.