Non, cette vidéo d’une manifestation de ressortissants anglophones remonte au moins à 2017
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 30 janvier 2020 à 12:05
- Lecture : 3 min
- Par : Monique NGO MAYAG
Copyright AFP 2017-2025. Toute réutilisation commerciale du contenu est sujet à un abonnement. Cliquez ici pour en savoir plus.
Climat de tension politique
Les élections législatives et municipales du 9 février 2020 auront-elles lieu dans la partie anglophone du Cameroun? L’auteur d’une publication sur Facebook laisse croire que non, en publiant une vidéo qui montre une marche de contestation populaire dans la localité de Lebialem, en soutien au mouvement séparatiste. L’auteur affirme qu'une foule de 5000 personnes a exigé le départ de l'autorité locale. Il ajoute en commentaire que la scène a eu lieu au matin du 20 janvier 2020. Il a depuis supprimé sa publication.
Dans la région du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays, où vit la majorité des anglophones du Cameroun, un violent conflit oppose depuis plus de deux ans, l’armée à des groupes séparatistes. Les premières victimes de ces violences sont les populations civiles.
Les séparatistes anglophones, dans un pays à majorité francophone, militent pour la création d'un Etat indépendant englobant les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Depuis fin 2017, une partie d'entre eux ont pris les armes, commettent de graves violences et affrontent l'armée, accusée elle aussi d'exactions et de crimes par les ONG internationales et l'ONU.
C’est dans ce climat de tension politique que l’auteur de cette publication utilise la vidéo.
La vidéo (de mauvaise qualité) dure 1’27” et totalisait plus de 38.000 vues le 27 janvier 2020. Elle montre une foule d’hommes et de femmes en marche calmement. Certains brandissent une plante qu’au Cameroun, l’on nomme "l'arbre de la paix". En fond sonore, une voix s’exprime en anglais sur un ton de reportage. "Lebialem. Vous pouvez les voir en grand nombre. Plus de 5000 personnes ici. Tous se dirigent vers le S.D.O (Senior Divisional Officer ou préfet en français, Ndlr). Ils ont à leur tête, des femmes chantant l’hymne de la libération [...]"
Une vidéo qui remonte au moins à 2017
Nous avons effectué une recherche vidéo sur Youtube avec le mot clé entendu sur la vidéo: "Lebialem", et l’année "2017" mentionnée par certains internautes sceptiques en commentaires.
En saisissant "Lebialem 2017" sur Youtube, nous avons retrouvé la même vidéo que celle largement relayée sur Facebook (1,2,3).
La légende qui leur est associée affirme qu'une manifestation qui s’est déroulée le 22 septembre 2017, à Lebialem dans la zone anglophone.
Nous n’avons pas trouvé des articles dans les médias locaux évoquant précisément ce sujet. Toutefois, sur la page Facebook de la chaîne de télévision camerounaise privée, Equinoxe Tv, l’on retrouve une vidéo "sans commentaire" datée du 22 septembre 2017 et montrant un mouvement d’humeur dans les villes de Bamenda et Buea, respectivement chefs-lieux des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Des articles (1,2) évoquent une vaste manifestation qui s’est étendue sur ces deux régions, le 22 septembre 2017, alors que le président camerounais, Paul Biya, prononçait un discours à la tribune des Nations unies. Dans un rapport, l’ONG Crisis Group qualifie les manifestations du 22 septembre 2017 de "plus massives au Cameroun, depuis celles de février 2008".
La chaîne Youtube nommée Mo Risc, ouvertement pro-séparatiste, contient une trentaine de vidéos montrant de violentes manifestations qui ont secoué les localités du nord-ouest et du Sud-ouest le 22 septembre 2017, y compris celle qui fait l’objet de notre recherche.
Pour l'inqtant, l'AFP n'a pas trouvé de trace plus ancienne de cette vidéo sur Internet.
L’année 2017 marque par ailleurs la montée en puissance des revendications indépendantistes dans les régions anglophones du Cameroun, en proie depuis cette année-là, à un conflit meurtrier qui, depuis lors, a fait plus de 3.000 morts, selon des ONG. Ces deux régions comptent environ 16% de la population camerounaise.
Le conflit a forcé plus de 530.000 personnes à fuir leur domicile depuis près de deux ans, selon l'ONU.