Non, cette vidéo de prêtres faisant face à la police n’a aucun lien avec l'attaque d'une école au Cameroun
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- Publié le 27 octobre 2020 à 13:13
- Lecture : 4 min
- Par : Monique NGO MAYAG
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La vidéo totalise 40.000 vues et plus de 1.700 partages depuis sa publication le dimanche 25 octobre.
La séquence d’une trentaine de secondes montre un groupe d’hommes et de femmes, menés par des prêtres en aube, faisant face à une escouade de police qui leur barre la route.
Ces personnes, souhaitant visiblement se rendre à l’église située à quelques mètres de là, entonnent un chant religieux.
"Voilà notre pays le Cameroun. Nous sommes en deuil et même les hommes de Dieu n'ont plus le droit de pleurer", écrit l’auteur de la publication virale.
Le "deuil" fait allusion à la sanglante attaque d’une école le 24 octobre dans la localité de Kumba, dans la région anglophone du Sud-Ouest, qui a tué au moins sept enfants âgés de neuf à 12 ans, selon un bilan officiel.
L'ONU faisait, elle, état d'au moins huit enfants tués et douze autres blessés par des tirs et des machettes.
L'attaque a été menée par une dizaine d'hommes, munis d’armes de guerre, qui ont fait irruption en moto dans l’enceinte du complexe scolaire privé dénommé Mother Francisca International Bilingual Academy avant d'ouvrir froidement le feu sur des élèves dans leur classe.
Depuis trois ans, les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest sont le théâtre d’un conflit sanglant entre l'armée camerounaise et séparatistes armés.
Cette vidéo a été relayée sur d’autres posts en français (1, 2), mais aussi en anglais sur Facebook (1, 2) et Twitter qui font explicitement référence à l’attaque de Kumba.
Or, cette vidéo virale n’a aucun lien avec la tuerie de Kumba: elle a été filmée au Gabon.
Une paroisse du nord du Gabon
Des recherches d’image inversées sur Google Images et Yandex se révèlent infructueuses. Mais la vidéo a largement circulé au Gabon dans la journée du dimanche 25 octobre.
On la retrouve notamment, dans une version plus longue (1’29), sur plusieurs publications évoquant la réouverture des églises catholiques à Oyem, une localité du nord du Gabon, située à environ 370 km de Libreville (1, 2, 3, 4).
"Dimanche 25 octobre 2020. Diocèse d'Oyem. Les militaires dispersent violemment les fidèles pendant la bénédiction avec le Très Saint Sacrement", lit-on par exemple sur l’une d’entre elles publiée sur une page intitulée "Eglise catholique au Gabon".
"Cette vidéo montre effectivement l’évêque de la paroisse d’Oyem qui procédait à la réouverture de la cathédrale Saint Charles Lwanga, sept mois après sa fermeture pour cause de Covid-19", a confirmé à l’AFP Serge-Patrick Mabickassa, porte-parole de l'archevêque de Libreville.
En tête de cortège se trouve l’évêque du diocèse d’Oyem, Mgr Jean-Vincent Ondo Eyene, tenant le "Saint sacrement (l’ostensoir contenant les hosties consacrées, ndlr) en main", précise-t-il.
En comparant la vidéo virale avec des images de la façade de la cathédrale Saint Charles Lwanga d’Oyem, on remarque de nombreux points communs: outre le bas du mur peint en gris bleu, on retrouve des vitraux sur le côté gauche (rectangle vert), une colonne aux murs en béton perforé (flèches rouges), un tableau d’affichage (rectangle jaune), un arbre (cercle bleu)...
Des plans plus larges visibles dans la version longue de la vidéo virale montrent distinctement qu’il s’agit bien de cette cathédrale.
Bras de fer entre l’Eglise et l’Etat gabonais
A l’appel de la Conférence épiscopale du Gabon, les églises catholiques ont été rouvertes dimanche 25 octobre pour y célébrer des messes, faisant fi de l’interdiction du gouvernement de se rassembler dans les lieux de culte avant le 30 octobre.
Le porte-parole de la police gabonaise a lu dimanche soir au journal télévisé de la chaîne Gabon 1ère un communiqué évoquant l’incident à la cathédrale d’Oyem (entre 7’10 à 7’33).
"Alors que le respect des mesures gouvernementales a été observé sur l’ensemble du territoire, l’on a cependant enregistré, à l’église Saint Charles Lwanga d’Oyem, un attroupement, le non-respect des mesures barrières et le refus de se disperser après les sommations réglementaires ; toutes choses qui ont conduit à l’usage d’une réponse adaptée par le jet de deux grenades assourdissantes", explique-t-il.
Cette vidéo n’a donc aucun lien avec l'attaque d'une école au Cameroun.