Macron "augmente de 7% les aliments de 1ère nécessité" ? C'est faux

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 08 février 2019 à 15:40
  • Lecture : 5 min
  • Par : Guillaume DAUDIN
Près de 50.000 personnes ont partagé sur Facebook un visuel accusant Emmanuel Macron d'"augmenter de 7% les aliments de 1ère nécessité", une accusation liée au relèvement à 10% du "seuil de revente à perte" imposé par la récente loi Alimentation. La hausse des prix s'avère moindre et plus ciblée, selon les études disponibles, et l'exécutif n'est pas le seul à avoir une influence sur les prix de l'alimentation.

Sur Facebook, un utilisateur a partagé le 31 janvier ce visuel s'interrogeant ainsi : "Quand un PEUPLE crie .... famine... son (président) augmente de 7% les aliments de 1er nécessités ?"

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Capture d'écran d'une publication Facebook erronée, le 08 février 2019

Ces accusations interviennent au moment où les médias évoquent des augmentations de prix, réelles, dans les supermarchés, de certains produits, à la suite du relèvement à 10% du "seuil de revente à perte", imposé par la récente loi Alimentation.

Qu'est-ce qu'a changé la récente loi alimentation ?

Depuis le 1er février, les supermarchés ne peuvent plus vendre à perte les produits d'appel sur lesquels ils basent leur communication. Ceux-ci devront être vendus au minimum 10% plus cher que le prix auquel ils ont été achetés.

Quels sont les "aliments de première nécessité" ?

Définir ce qui relève d'"aliments de première nécessité" est ardu, car il n'existe pas de définition exacte. Si l'on se base sur les taux de TVA qui s'appliquent en France, alors le taux réduit à 5,5% s'applique déjà à "l'essentiel des produits alimentaires". C'est donc très large.

Les récentes modifications de la loi Alimentation sur le seuil de revente à perte ne visent elles pas l'ensemble des aliments en tant que tels, mais bien les aliments sur lesquels les distributeurs basent leur communication et leurs promotions, soit très souvent les marques. 

Ces produits "d'appel" ne sont en général pas des produits agricoles directs (fruits, légumes, etc.), mais plutôt des produits de grande consommation fabriqués la plupart du temps par des géants de l'agroalimentaire (Danette, Coca-Cola, Caprice des Dieux, Ricard, Nutella, etc.) utilisés par les distributeurs dans leurs promotions pour attirer le chaland.

Quels produits vont augmenter ?

"Il y aura 4% des produits qui vont augmenter beaucoup. Je le regrette, j'aurais voulu que ce soit différemment (...) on essaie une chose, c'est qu'on ait encore une agriculture en France, pour arrêter d'acheter des produits qui viennent d'Amérique ou des pays de l'Est", a déclaré le 30 janvier le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume sur France Info.

Dans les supermarchés, "500 produits sur 13.000" devraient ainsi augmenter le 1er février, alors que dans les hypermarchés, "c'est 800 produits sur 20.000" qui sont concernés, selon le ministre, qui a confirmé en les relativisant des informations parues dans Le Parisien.

"La loi ne dit pas qu'il faut augmenter le Nutella, elle stipule qu'une grande surface ne peut pas vendre de produits aux consommateurs moins cher que ce que ça vaut", a précisé Didier Guillaume.

7% d'augmentation pour les produits de première nécessité ?

Le quotidien Le Parisien avait affirmé que 24 produits de grande consommation devaient augmenter de 6,3% au 1er février.

Dans les études réalisées pour étudier l'impact de la mesure sur le "seuil de revente à perte", le taux de 7% n'est jamais évoqué.

L'institut Nielsen, qui fait référence en la matière, a étudié les hausses de prix observées sur le top 15 000 des références marques fabricants, entre le 27/01 et le 03/02.

Si les références de marques fabricants classées entre les rangs 5000 et 15000 ont vu leur prix augmenter en magasin de 0.8% (en hypermarchés) et 0.6% (en supermarchés), la hausse est de plus en plus forte lorsque l’on remonte le classement.

En entrant dans le top 500, les hausses dépassent les +2% en hypermarchés, en entrant dans le top 200 elles passent le seuil de +3% en moyenne. Dans le top 100 des références, c'est-à-dire les 100 produits les plus populaires en hypermarchés et supermarchés, la hausse est situé entre 2,6% et 4%, et c'est là où elle est maximum.

Selon l'Observatoire “SRP + 10”, mis en place par A3 Distrib, Editions Dauvers et Linéaires et qui a suivi "25 références majeures +témoin+ depuis le 28 décembre dans 4 825 points de vente", "les nouvelles règles ont entrainé des hausses de prix dès les premiers jours d’application. En moyenne de 3,8 % sur le panier retenu et jusqu’à plus de 5 % sur certaines références star (5 % sur le camembert Président, 5,1 % sur la crème dessert Danette, 6 % sur Ricard, etc.)"

Ces hausses de prix diagnostiquées par cet observatoire sont relatives par exemple au Coca-Cola, aux Cracottes, aux Danettes ou au chocolat Lindt. 

Dans aucune de ces études, donc, n'est évoquée une augmentation de 7% des prix, quel que soit le type de produits vendus.

Quelle responsabilité ?

Le visuel Facebook attribue la hausse des prix à Emmanuel Macron. 

Il est vrai que c'est bien une loi récente, la loi Alimentation, qui a engendré un relèvement à 10% du "seuil de revente à perte", et donc certaines hausses de prix.

Si l'objectif affiché par le gouvernement est que ces augmentations permettent de mieux rémunérer paysans et producteurs, la réponse concrète sera donnée à l'issue des négociations commerciales annuelles entre distributeurs et producteurs - qui se tiennent jusqu'à fin février et régleront les prix pour toute l'année.

Car le chef de l'Etat n'est pas le seul à avoir une influence sur le prix des produits vendus en supermarchés. 

Mercredi 6 février, la grande distribution a ainsi été très critiquée par l'industrie agroalimentaire et les coopératives agricoles qui lui reprochent de continuer d'imposer sa loi et de faire baisser les prix des denrées, malgré cette récente loi Alimentation censée redonner de la valeur aux producteurs.

Selon un "observatoire des négociations" lancé par l'association des industries agroalimentaires auprès de ses adhérents, les distributeurs imposent des baisses de prix comprises "entre 1,5 et 4%" aux producteurs, "alors qu'ils ont déjà empoché 10% d'augmentation sur le seuil de revente à perte le 1er février", a ainsi accusé le patron de l'association des industries agroalimentaires, M. Richard Girardot, lors d'une audition devant la commission des Affaires économiques du Sénat.

"L'augmentation du seuil de revente à perte de 10%" imposée depuis le 1er février par une ordonnance liée à la loi, "c'est d'abord une manne financière, (...) une rente de situation pour les distributeurs" a ajouté Dominique Chargé, président de Coop de France, lors de la même audition.

"Il n'y a absolument pas de contrainte pour organiser le ruissellement" de la marge vers les agriculteurs, a-t-il regretté au sujet de l'objectif initial de cette mesure. "La théorie du ruissellement ne fonctionne pas", a ajouté le responsable de l'organisme qui chapeaute les 2.600 coopératives agricoles françaises.

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