L'entretien d'Emmanuel Macron dans Le Monde du 13 décembre 2017 (Le Monde/AFP)

La France "première à concrètement interdire" l'exploitation des ressources fossiles ? C'est plutôt vrai

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 13 décembre 2017 à 17:30
  • Mis à jour le 13 décembre 2017 à 19:29
  • Lecture : 3 min
  • Par : Guillaume DAUDIN
Emmanuel Macron a raison en affirmant dans Le Monde que la France pourrait être "le premier pays à concrètement interdire" l'exploitation des ressources fossiles au moyen d'un texte de loi. Mais ce projet de loi comporte des dérogations et ne s'applique qu'à la production sur le sol national, soit 1% de ce qui est consommé dans l'Hexagone. 

Dans le quotidien daté de mercredi, le chef de l'Etat, interrogé sur la fin de l'exploitation des ressources fossiles, affirme que la France "est le premier pays à le faire concrètement".

"A l'horizon 2040, nous aurons cessé toute exploitation des gisements de pétrole et de gaz du sous-sol national, en métropole et en outre-mer", souligne M. Macron, en référence au projet de loi "mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement" en cours d'adoption, actuellement en discussion au Sénat. 

C'est l'un des arguments phares des promoteurs de ce texte, au moment où la France a organisé mardi le sommet climat: le pays deviendrait ainsi le premier à traduire cet engagement via une loi. "La France se donne ainsi les moyens de sortir de manière irréversible de la production d'énergies fossiles et souhaite inciter les autres pays signataires de l'Accord de Paris sur le climat à intensifier l'effort de lutte contre le réchauffement climatique" expliquait l'exécutif en septembre.

Ce qu'affirme M. Macron est plutôt vrai: seul le Costa Rica a jusqu'ici adopté un moratoire comparable au projet de loi français, mais via un décret, plus facilement révocable qu'une loi, et qui n'interdit l'exploitation que des réserves de pétrole sur le sol costaricain.

Comme l'explique Marco Sibaja, chef de la rédaction régionale de l'AFP à San José, la présidente du Costa Rica Laura Chinchilla Miranda et son ministre de l’environnement ont signé en 2011 un décret stipulant un moratoire de 3 ans sur toute activité censée développer l’exploitation des réserves de pétrole en territoire national, renouvelé en 2014 pour une période courant jusqu'en 2021 par Luis Guillermo Solis, l'actuel président de ce pays parfois surnommé "la démocratie verte".

Si le projet de loi français est donc plus large, il n'a pour autant qu'une portée limitée: ses principales mesures ne portent que sur la production d'hydrocarbures sur le sol français et non sur la consommation d'hydrocarbures venant de l'étranger.

Or l'étude d'impact liée à ce projet de loi rappelle que la France ne couvre avec sa production nationale qu'environ 1% de ses besoins en pétrole comme en gaz naturel. Le reste, importé, n'est pas visé par l'interdiction. Dans le cas de la production de gaz naturel, l'étude d'impact note même que son "déclin naturel fait qu'à l'échéance de 2040, la production nationale serait quasi-nulle", ce qui relativise encore la portée de la mesure.

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Un derrick à Sivry-Courtry (Seine-et-Marne) en août 2008 (AFP / Stephane De Sakutin)

"Vous traitez de la production, pas de la consommation. Vous mettez la charrue avant les boeufs", avait ironisé le député LR Julien Aubert lors de l'examen à l'Assemblée. 

Les députés ont en outre voté des exceptions au motif de mieux "sécuriser" juridiquement le projet de loi: pour le député LFI Loïc Prud'homme, il est désormais "truffé de trous".

Ainsi la production pourra se poursuivre au-delà de 2040 si l'industriel titulaire d'un permis n'est pas rentré dans ses frais par rapport aux recherches préalables. Une autre dérogation a été votée pour permettre la poursuite de l'exploitation du soufre du bassin de Lacq, sous l'impulsion de députés des Pyrénées-Atlantiques et au nom de l'emploi.

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Dans le même entretien, Emmanuel Macron conteste par ailleurs l'idée qu'un accroc aurait été porté à ses engagements présidentiels sur le nucléaire. Début novembre, le ministre Nicolas Hulot a annoncé que la France ne tiendrait vraisemblablement pas l'objectif de ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% en 2025.

"Non. Ce n'est pas un coup de canif du tout. J'ai toujours été clair (...). Ma position sur le nucléaire est à la fois très claire et très ambitieuse : nous allons descendre le plus vite possible vers 50  % de nucléaire, mais à condition de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre !" affirme le chef de l'Etat dans le quotidien.

Dans son programme pour la présidentielle, encore disponible sur le site d'En Marche, M. Macron promettait pourtant d'appliquer cet objectif contenu dans la loi de transition énergétique adoptée en 2015 : "Nous réduirons notre dépendance à l'énergie nucléaire, avec l'objectif de 50% d'énergie nucléaire à l'horizon 2025."

La date n'est désormais plus 2025 mais "le plus vite possible" pour que la "trajectoire" soit selon M. Macron, "cette fois-ci crédible".

EDIT mercredi 13 décembre 19h30: c'est Marco Sibaja, et non Marc Burleigh, qui a fourni les informations pour l'AFP sur le Costa Rica

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