"Ils sont prévus depuis longtemps" : attention à ce prétendu tableau d'apparition des variants

Un tableau, supposé montrer que l'apparition des variants du virus responsable du Covid-19 était planifiée depuis le début par des grandes organisations internationales, réapparaît sur les réseaux sociaux avec l'émergence du variant Omicron. Mais les experts contactés par l'AFP rappellent que les variants apparaissent de manière imprévisible, plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs apparus avant les dates avancées dans ce tableau. Quant à l'OMS et au Forum économique mondial, dont les logos figurent dessus, ils démentent tous les deux être à l'origine de ce document.

"Continuez à croire aux variants. Ils sont prévus depuis longtemps...Ça fait 2 ans qu'on cesse de vous montrer qu'ils ont tout écrit", s'insurgent des internautes dans des publications partagées plusieurs milliers de fois en français, en anglais ou encore en espagnol sur Facebook.

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Capture d'écran Facebook, prise le 1er décembre 2021

Pour faciliter les débats publics sur les variants, l'OMS nomme les variants à l'aide du nom des lettres de l'alphabet grec (alpha, bêta, gamma, delta...), plus accessible à un public non scientifique et qui permet d'éviter de stigmatiser le pays où ce variant est initialement découvert.

Le tableau prétend montrer les dates d'apparition d'une vingtaine de variants du Covid-19, entre juin 2021 et février 2023.

A droite du tableau, on peut notamment voir - ou deviner pour certains - les logos de l'Organisation mondiale de la Santé, du forum économique mondial (FEM), de l'Université Johns Hopkins et également de la Fondation Bill et Melinda Gates.

Contactés par l'AFP en août dernier, l'OMS, le FEM et la Fondation Bill et Melinda Gates ont tous les trois démenti toute implication dans cette publication. L'université Johns Hopkins n'avait de son côté pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

"Nous n'avions jamais vu cette publication et nous n'avons pas été impliqués dans sa création", a déclaré à l'AFP le 28 juillet Chloe Laluc au FEM. "Il ne s'agit pas d'un document de l'OMS", a de son côté indiqué un porte-parole de l'OMS, Tarik Jašarevic, dans un courriel envoyé le 2 août. "Ces affirmations sont fausses", a réagi pour sa part le service de presse de la Fondation Gates.

Comme nous l'écrivions déjà en août, d'autres points de la publication attirent également l'attention : contrairement à l'OMS qui a pour habitude de lister d'un côté les variants à suivre (VOI) et de l'autre les variants préoccupants (VOC) du Covid-19, le calendrier diffusé sur les réseaux sociaux opte pour un ordre aléatoire, commençant par le variant le plus connu à l'époque, le Delta.

La liste officielle de l'OMS comprend à ce jour cinq variants préoccupants (Alpha, Beta, Gamma et Delta et Omicron) et quatre variants à suivre ( Eta, Iota, Kappa et Lambda).

Selon ce prétendu calendrier sur les réseaux sociaux, le variant Delta était censé "être découvert" en juin 2021. Or ce variant, qui est l'un des plus contagieux, est apparu pour la première fois en octobre 2020 en Inde. Il a ensuite été considéré comme un "variant à suivre" en avril 2021 puis, en mai, comme un "variant préoccupant". Alpha, Beta et Gamma n'apparaissent quant à eux pas dans le calendrier diffusé sur Facebook.

Selon ce dernier, Eta serait par ailleurs 'lancé' en septembre 2021, Iota en novembre 2021, Kappa en décembre 2021 et Lambda en janvier 2022. Or ces variants ont tous déjà été détectés fin 2020. Eta et Iota ont été classés comme "variants à suivre" en mars 2021, avant Kappa en avril et Lambda en juin.

Quant au variant "Omicron", censé apparaître en mai 2022 selon ce tableau, il a officiellement été signalé en Afrique du Sud le 24 novembre, et aurait en fait commencé à se propager dans le monde plusieurs jours plus tôt, les autorités sanitaires néerlandaises ayant annoncé mardi qu'Omicron circulait déjà aux Pays-Bas le 19 novembre.

L'OMS juge "élevée" la "probabilité qu'Omicron se répande au niveau mondial", même si de nombreuses inconnues demeurent: contagiosité, efficacité des vaccins existants, gravité des symptômes. À ce jour, aucun décès associé à Omicron n'a été signalé.

Autre problème les noms "nu" et "xi" n'ont jamais été employé par l'OMS. Selon une déclaration à nos confrères de l'agence AP, l'OMS a évité ces deux dénominations, pourtant suites logiques dans l'alphabet grec, parce le "nu" ressemblait trop à "new" (nouveau en anglais), et que "xi" est un nom de famille très courant.

Plus important : les virus sont également généralement connus pour muter régulièrement, l'émergence de nombreux variants est donc loin d'être une surprise et ces derniers émergent de façon imprévisible, rappellent les scientifiques interrogés par l'AFP.

Quand il pénètre dans une cellule, un virus se réplique : il se copie lui-même pour se propager. A chaque réplication, des erreurs se produisent dans la copie du génome du virus, comme un "bug" informatique. Mais cette erreur peut avoir, ou non, une incidence plus ou moins importante sur la façon dont se comporte le virus.

"Le virus mute sans intention et il y a ensuite des systèmes de sélection qui font que si un variant a un avantage – notamment s'il est plus contagieux —il va gagner du terrain", expliquait à l'AFP Catherine Hill, épidémiologiste à l'institut Gustave-Roussy de Villejuif le 14 juillet dernier.

Sur son site internet, l'OMS assure suivre, avec "ses réseaux internationaux d'experts", l'évolution des virus de près afin "d'informer les pays et le public de tout changement éventuellement nécessaire pour faire face au variant et prévenir sa propagation", peut-on notamment lire.

2 décembre 2021 Corrige coquille dans le premier paragraphe

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