Gérald Darmanin, le 15 septembre à l'Elysée. ( AFP / THOMAS COEX)

Places de prison, nombre de détenus: les imprécisions de Gérald Darmanin

Défendant la fermeté pénale de l'exécutif, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a assuré que 7.000 nouvelles places de prison avaient été construites depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron et qu'il y avait aujourd'hui plus de personnes détenues qu'en 2017. Ces deux affirmations sont toutefois contredites par les chiffres officiels.

Au lendemain des annonces présidentielles en clôture du Beauvau de la sécurité, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est venu sur RTL, mercredi 15 septembre, défendre le bilan sécuritaire du gouvernement, angle récurrent des attaques en provenance de la droite et l'extrême droite à l'approche de la présidentielle.

Vantant la "hausse historique" du budget alloué aux forces de sécurité (+1,5 milliard d'euros), le ministre s'est également félicité de l'accueil "laudatif" réservé par les syndicats de policiers aux mesures du chef de l'Etat. Mais, interrogé plus précisément sur un grief des forces de l'ordre concernant l'apparent manque de places de prison, Gérald Darmanin a avancé deux chiffres qui sont contredits par les données officielles.

Qu'a dit le ministre?

Alors qu'il s'exprimait sur les "lenteurs" supposées de la procédure pénale -- que le président a dit mardi vouloir simplifier, Gérald Darmanin a indiqué que ces difficultés étaient notamment liées au nombre insuffisant de magistrats.

- "Et au nombre de places de prison", la relance alors l'intervieweuse de RTL. "J’ai entendu hier les policiers dire: 'on manque cruellement de places de prison'".

- "Les policiers n’ont pas tort c’est pour ça que le garde des Sceaux a construit 7.000 places de prison supplémentaires", rétorque Gérald Darmanin avant d'affirmer, pour s'en féliciter, qu'"il y a plus de gens dans nos prisons aujourd’hui que lorsque le président de la République est venu aux responsabilités".

Y a-t-il eu 7.000 places de prison construites depuis 2017 ?

Entre places livrées, celles en chantier et les différents effets d'annonce, il est parfois difficile d'y voir clair dans ce dossier qui touche au coeur de la politique pénitentiaire.

Dans son programme de 2017, le candidat Macron s'était engagé à construire 15.000 places de prison d'ici à 2022 mais, une fois aux affaires, il avait dû revoir cet objectif à la baisse en promettant que 7.000 nouvelles places seraient livrées d'ici 2022 et que les 8.000 autres le seraient d'ici 2027.

A l'heure actuelle, il est en tout cas inexact d'affirmer, comme le fait M. Darmanin, que 7.000 places ont été "construites" depuis 2017.

Selon les chiffres officiels du ministère de la Justice, il y avait, au 1er août dernier, 60.388 places opérationnelles contre 58.548 en mai 2017, mois de l'élection d'Emmanuel Macron, soit un différentiel de 1.840 places. Ce chiffre peut varier à la marge d'un mois à l'autre en fonction de la fermeture pour rénovation de cellules trop vétustes.

Extrait du rapport d'août 2021:

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Capture d'écran d'un document du ministère de la Justice.

Extrait du rapport de mai 2017:

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Le ministère le reconnaissait noir sur blanc dans un document d'avril 2020 où il évoquait "2.000 places déjà mises en service" sur les 7.000 promises.

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Après une analyse plus détaillée décrite dans un précédent article, l'AFP avait pu par ailleurs établir que la construction d'un grand nombre de ces nouvelles places a, en réalité, été lancée sous le mandat de François Hollande (2012-2017).

Les vastes travaux de rénovation ayant ainsi permis de livrer, en janvier 2019, les 707 places de l'emblématique prison de la Santé à Paris avaient ainsi débuté en 2015.

"Ce qui va sortir prochainement de terre relève forcément de programmes qui ont été décidés avant", expliquait d'ailleurs en novembre 2017 le porte-parole de la Chancellerie de l'époque.

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( AFP / BERTRAND GUAY)

Y a-t-il plus de détenus aujourd'hui qu'en 2017?

Si la tendance est clairement à un rebond des incarcérations après le reflux lié au confinement, l'affirmation de M. Darmanin est là aussi contredite par les chiffres officiels.

Selon les dernières données publiques de la Chancellerie, 68.301 personnes étaient détenues en France au 1er août dernier, soit près de 1.400 personnes de moins qu'en mai 2017 (69.679 détenus), mois de l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée.

Au printemps 2020, à la faveur de la crise sanitaire, le nombre de détenus avait drastiquement chuté (-13.000), et le taux d'occupation moyen des prisons était passé pour la première fois en vingt ans sous le seuil des 100%.

Mais après la reprise de l'activité judiciaire en septembre 2020, le nombre de détenus n'a cessé de grimper, faisant ainsi grimper la densité carcérale à 113,1% en août dernier.

La surpopulation carcérale en France fait l'objet de nombreuses critiques. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait condamné le pays en janvier 2020 pour son surpeuplement chronique et lui avait enjoint de le résorber définitivement.

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