Quand Emmanuel Macron revisite les origines du Beauvau de la sécurité

En clôturant le Beauvau de la sécurité, Emmanuel Macron a assuré avoir lancé cette grande concertation pour renouer le lien police-population mais aussi pour répondre à "l'intolérable combat" mené par "certains" contre les forces de l'ordre. En réalité, le chef de l'Etat avait fait cette annonce-surprise fin 2020 alors qu'il était lui-même pris à partie par les syndicats policiers pour avoir admis l'existence de contrôles au faciès.

Face à un parterre de représentants de forces de l'ordre et d'élus, Emmanuel Macron a officiellement mis un terme, mardi 14 septembre, au Beauvau de la sécurité, la grande consultation qu'il avait lui-même lancée fin 2020 sur les forces de l'ordre, leur action et leur rapport avec la population.

Au-delà des mesures qu'il a dévoilées à Roubaix, le chef de l'Etat a également voulu, en ouverture de son discours, livrer sa vision des origines de cette concertation inédite rendue publique le 8 décembre 2020, quitte à occulter les fortes tensions qui l'opposaient alors aux syndicats de policiers sur la question du racisme chez les forces de l'ordre.

Voilà ce qu'a déclaré Emmanuel Macron en ouverture de son discours sur le Beauvau de la sécurité:

"Vous en connaissez l'origine : l'intolérable combat que certains ont décidé de mener contre les forces de l'ordre, comme s'il s'agissait d'un camp, oubliant ce faisant les principes mêmes de la République : nos forces de l'ordre servent la loi, la République elle-même ; la confiance fragilisée entre une partie de nos concitoyens et ceux qui les protègent ; les polémiques et attaques multiples, comme ces derniers jours ont encore pu l'illustrer ; le sentiment aussi d'une perte de sens qui existe pour vous, policiers, gendarmes".

En réalité, quand l'annonce surprise du Beauvau est rendue publique par l'AFP le 8 décembre, le chef de l'Etat cherche à apaiser la colère des policiers qu'il a déclenchée quelques jours plus tôt, le 4 décembre, en admettant la réalité des contrôles au faciès dans une interview accordée au média Brut.

Réagissant au tabassage du producteur de musique noir Michel Zecler le 21 novembre, le président de la République avait récusé le terme de violences policières mais admis que "quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé". "On est identifié comme un facteur de problème et c'est insoutenable", avait-il affirmé au média en ligne, annonçant la mise en place d'une plateforme nationale des discriminations.

En pleine polémique sur les violences commises par les forces de l'ordre --par ailleurs très sollicitées pour faire appliquer les restrictions sanitaires--, ces déclarations avaient fait bondir les principales organisations de policiers, qui avaient appelé à une grève des contrôles d'identité.

"Non, la police n'est pas raciste et elle ne choisit pas sa délinquance", avait lancé le syndicat Alliance dans un tract et une vidéo diffusés sur les réseaux sociaux. Le syndicat y dénonçait "la défiance de l'Etat vis-à-vis des policiers", des "allusions douteuses sur les actions des policiers". "La présomption de culpabilité de racisme ou de contrôle au faciès n'aura pas lieu", assure-t-il, mettant en garde directement Emmanuel Macron: "C'est honteux. Le président aura la police qu'il mérite".

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Tract d'Alliance diffusé le 4 décembre 2020.

Le syndicat concurrent Unité SGP Police-FO était lui aussi monté au créneau, ciblant le chef de l'Etat qui avait reçu les organisations policières le 15 octobre pour évoquer leurs conditions de travail.

"Nous sommes violents, n'interpellez plus! Nous sommes racistes, ne contrôlez plus! Blocage total!!!", avait lancé le syndicat sur Twitter le 5 décembre.

Deux jours plus tard, le 7 décembre, le secrétaire général d'Unité SGP, Yves Lefebvre, écrit au chef de l'Etat pour lui faire part de la "colère" des policiers et c'est dans sa réponse au syndicaliste, envoyée le même jour, que M. Macron annonce le lancement, dès le mois de janvier du Beauvau de la sécurité.

Dans ce courrier, qui avait été consulté par l'AFP, Emmanuel Macron expliquait vouloir ainsi "améliorer les conditions d'exercice" des forces de l'ordre et "consolider" leurs liens avec les Français. "Il y a urgence à agir", insistait Emmanuel Macron. "La France tient par ses policiers et ses gendarmes (...) nous leur devons soutien et protection. J'y veillerai", avait-il ajouté.

Cette annonce n'avait toutefois pas immédiatement fait retomber la colère des syndicats: Unité et Alliance avaient ainsi assuré qu'ils refusaient de participer aux consultations en l'absence de "mesures concrètes" préalables en faveur de la profession.

Après des discussions, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait fait droit à ces demandes qui portaient notamment sur l'intégration au Beauvau de "la question de la relation avec l'autorité judiciaire" et sur les modalités de la gratuité des transports publics pour les policiers, que le gouvernement vient d'officialiser récemment.

Le Beauvau avait officiellement commencé le 1er février.

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