
Après le paracétamol, la circoncision : Trump et RFK partagent encore de fausses informations sur l'autisme
- Publié le 13 octobre 2025 à 17:00
- Lecture : 6 min
- Par : AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : AFP France
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"Deux études montrent que les enfants circoncis tôt présentent un taux d’autisme deux fois plus élevé", a avancé RFK, lors d'un conseil des ministres à la Maison Blanche (lien archivé ici).
"C’est très probablement dû au fait qu’on leur a administré du paracétamol", a-t-il ajouté.
Cette intervention, très reprise sur les réseaux sociaux, a été très critiquée, notamment par des professionnels de santé.
Le délire du type à la tête de la santé aux USA !
— Dr Jérôme BARRIERE, MD. (@barriere_dr) October 9, 2025
« Deux études montrent que les enfants circoncis précocement ont un taux d’autisme deux fois plus élevé. C’est très probablement dû au fait qu’on leur a administré du paracétamol. » pic.twitter.com/iGWOuBtClt
Au printemps, Robert Kennedy Jr – qui relaie depuis des années des positions anti-vaccins – avait promis d'établir "d'ici septembre" les causes de l'autisme, attisant l'inquiétude des experts en raison de la complexité du sujet et des positions du ministre, relais récurrent de fausses informations.
Le 22 septembre, lors d'une conférence, Donald Trump a fortement déconseillé le paracétamol aux femmes enceintes, l'associant à un risque d'autisme élevé pour les enfants. Cependant, il n'existe aucun lien avéré entre les deux comme expliqué dans cet article de l'AFP.
Si les cas d'autisme ont augmenté ces dernières décennies aux tats-Unis, la communauté scientifique internationale rejette l'existence d'une épidémie, mettant en exergue les améliorations des diagnostics.
Concernant son origine, les chercheurs ont montré que la génétique jouait un rôle important. Certains facteurs environnementaux ont également été mis en avant, comme la neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l'anti-épileptique Dépakine durant la grossesse.
L'AFP revient sur quatre fausses informations partagées lors de ce conseil des ministres.
Paracétamol
Pendant la réunion, RFK a évoqué les critiques qui ont fait suite aux propos de Donald Trump sur le paracétamol.
"Ne prenez pas de Tylenol quand vous êtes enceinte. Quand le bébé est né, ne lui donnez pas de Tylenol. Si vous pouvez l'éviter, ne lui donnez tout simplement pas de Tylenol".
Présent dans le Doliprane, le Dafalgan ou encore le Tylenol (aux Etats-Unis ou au Canada), le paracétamol, ou acétaminophène, est recommandé aux femmes enceintes contre la douleur ou la fièvre, d'autres médicaments comme l'aspirine ou l'ibuprofène étant eux contre-indiqués, notamment en fin de grossesse.
Si quelques travaux ont suggéré un lien possible entre l'autisme et la consommation d'acétaminophène pendant la grossesse, aucun lien de causalité n'a jamais été prouvé et ces études, du fait de leurs faiblesses méthodologiques, ne peuvent qu'ouvrir des pistes de recherche.
Dans le domaine, l'analyse la plus rigoureuse et qui fait consensus est cette étude publiée en 2024 dans la revue médicale Journal of the American Medical Association (JAMA) portant sur près de 2,5 millions d'enfants nés en Suède et suivi sur plus de deux décennies (lien archivé ici).
Il s'agit d'une étude utilisant des frères et sœurs comme groupe témoin et qui conclut : "l'usage du paracétamol pendant la grossesse n'est pas associé avec un risque d'autisme, de trouble de l'attention ou de déficience intellectuelle chez les enfants".
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), ainsi que les autorités sanitaires européennes, du Royaume-Uni ou de la France, affirment toutes qu'il n'existe aucune preuve concluante que l'acétaminophène augmente le risque d'autisme chez le foetus.
Le paracétamol reste, de très loin, l'antidouleur le plus sûr pour les femmes enceintes, par rapport à l'aspirine ou l'ibuprofène, absolument déconseillés en fin de grossesse car ils peuvent causer la mort du bébé ou des malformations.

"Des décennies de recherche ont montré que l'acétaminophène est sans danger pour les enfants lorsqu'il est administré conformément aux recommandations", a aussi déclaré l'Académie américaine de pédiatrie (lien archivé ici).
"Les affirmations trompeuses selon lesquelles ce médicament n'est pas sûr et serait lié à une augmentation des taux d'autisme envoient un message confus et dangereux aux parents et aux futurs parents, et rendent un mauvais service aux personnes autistes", précise l'Académie.
"Aucune étude n'a démontré que donner du Tylenol aux bébés était lié à un risque plus élevé d'autisme une fois toutes les variables confondantes contrôlées", a également réfuté Helen Tager-Flusberg, professeur à l'Université de Boston et experte en autisme, le 9 octobre, à l'AFP.
Circoncision
A propos du paracétamol, Robert Kennedy a ensuite affirmé que "deux études" – sans préciser lesquelles – montreraient que "les enfants circoncis précocement ont un taux d'autisme deux fois plus élevé" et faisant le lien avec le paracétamol qu'on leur administrerait.
Il a cependant été démontré que la circoncision – l'ablation chirurgicale du prépuce du pénis – présente des avantages médicaux, notamment une hygiène génitale plus facile et un risque moindre d’infections des voies urinaires (lien archivé ici).
L'OMS la recommande d'ailleurs depuis 2007 pour réduire le risque de contracter le VIH, le virus responsable du sida (lien archivé ici).
"Rien de tout ça n'a de sens", a réagi Helen Tager-Flusberg, condamnant les propos du ministre de la Santé.
Selon elle, aucun étude scientifique solide ne porte à croire que la circoncision d'un enfant ou bien sa prise de paracétamol puisse favoriser le développement d'un trouble autistique.
D'après David Mandell, professeur en psychiatrie à l'Université de Pennsylvanie, ce prétendu rôle de la circoncision provient d'une étude "truffée d'erreurs" publiée en 2015 (lien archivé ici).
Celle-ci, menée par des chercheurs danois, concluait que "les garçons soumis à une circoncision rituelle pourraient courir un risque accru de développer un trouble du spectre autistique". Cependant, elle ne précisait pas si les garçons ayant subi cette intervention étaient traités par paracétamol.
"Une revue plus récente des études dans ce domaine ne trouve aucun lien entre la circoncision et des effets psychologiques néfastes", ajoute M. Mandell.
En effet, une revue d'études publiée en 2022 a conclu que "les preuves de la plus haute qualité suggèrent que la circoncision néonatale et ultérieure a des effets psychologiques indésirables limités ou nuls à court ou à long terme" (lien archivé ici).
Autisme parmi les Amish
Donald Trump a aussi affirmé de nouveau que les Amish – un groupe ethnoreligieux chrétien vivant aux Etats-Unis et au Canada – "ne souffrent pas d'autisme", répétant une déclaration faite lors de sa conférence de presse du 22 septembre.
Cependant, des experts de l'autisme et des populations Amish ont précédemment déclaré à l'AFP dans cet article que même si les données sur la prévalence des troubles du spectre autistique dans les communautés Amish sont limitées, il ne fait aucun doute que certains membres sont atteints de ce trouble.
"Il y a des cas d'autisme chez les Amish, mais ils sont très probablement sous-diagnostiqués car ils n'ont pas accès aux soins médicaux", a expliqué la Coalition of Autism Scientists, une organisation regroupant plus de 250 chercheurs américains spécialisés dans l'autisme (lien archivé ici).
Vaccin contre la rougeole
Donald Trump, qui a recommandé à plusieurs reprises de ne pas utiliser de vaccins combinés tels que le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), a affirmé que les patients devraient recevoir chaque vaccin séparément.
"La rougeole est déjà un cas isolé maintenant", a-t-il dit. "Ça marche beaucoup mieux."

Mais cela est faux. "Il n'existe pas de vaccin mono-antigène contre la rougeole", expliquent ainsi les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains (lien archivé ici).
Depuis plus de vingt ans, la méfiance envers le vaccin ROR s'est accentuée, se fondant en particulier sur une étude publiée en 1998 dans la revue médicale prestigieuse The Lancet, qui suggérait un lien entre la vaccination ROR et l'autisme.
Cependant, l'étude s'est révélée être un "trucage" de son auteur Andrew Wakefield, comme détaillé dans cet article de l'AFP. Mais ni le démenti officiel de la revue, ni le retrait de l'article, ni les multiples travaux postérieurs démontrant l'absence de lien, n'ont fait cesser la désinformation autour de ce vaccin.
RFK a réorganisé le Comité consultatif sur les pratiques de vaccination – un comité scientifique chargé de formuler des recommandations aux CDC - et l'a doté de membres sceptiques à l'égard des vaccins. Le 18 septembre, ce comité a décidé de cesser de recommander pour les enfants de moins de quatre ans le vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle (RORV).
La vaccination de cette classe d'âge contre ces maladies sera désormais privilégiée via deux vaccinations séparées : une injection contre les trois premières maladies (ROR) et une contre la varicelle.
Divers spécialistes avaient pourtant mis en garde contre une telle mesure qui sèmerait selon eux inutilement le doute et compliquerait l'accès à ces vaccins, comme expliqué dans cet article de l'AFP.