
"Plus de 500.000 euros" d'indemnités pour les ministres démissionnaires après quelques heures? Une affirmation trompeuse
- Publié le 7 octobre 2025 à 18:59
- Mis à jour le 7 octobre 2025 à 19:03
- Lecture : 4 min
- Par : Déborah CLAUDE, AFP France
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Dans un contexte de défiance grandissante envers la classe politique, les dépenses, avantages et indemnités des hommes et femmes politiques français sont scrutés à la loupe, comme en témoigne les récents débats liés aux notes de frais à la mairie de Paris. Un sujet que le Premier ministre Sébastien Lecornu a lui-même jugé sensible puisqu'il avait décidé de signer un décret supprimant les derniers avantages à vie liés à la fonction de Premier ministre.
Le principe d'une indemnité temporaire pour les ministres sortants n'a en revanche pas été remis en cause: elle correspond au montant de la rémunération en tant que ministre (soit un peu plus 10.000 euros bruts par mois), et elle est prévue pour une période maximale de trois mois pour ceux ne retrouvant pas une activité rémunérée durant cette période. Une indemnité notamment justifiée par le fait que les anciens ministres ne bénéficient pas d'une assurance chômage.
De nombreuses publications sur les réseaux sociaux en concluent que tous les ministres sortants allaient percevoir trois mois de salaires pour quelques heures seulement au gouvernement. Plusieurs utilisateurs du réseau social X s'offusquent: "Tu as 15 heures de contrat de ministre. Tu te fais virer avant d'avoir imprimé ta carte de visite. Jackpot: 3 mois de chômage comme indemnités de départ dans la popoche + autres avantages d'anciens ministres". "Coût total estimé: plus de 500.000 euros", lance un autre sur X dans cette publication.

Mais ces commentaires, insistant sur la courte durée d'activité de l'équipe Lecornu, ne tiennent pas compte de plusieurs éléments.
Une indemnité encadrée par la loi
En premier lieu, les ministres démissionnaires ne quitteront leur poste, sauf exceptions, que lorsqu'une nouvelle équipe aura été nommée. Ensuite, le cas de figure de ministres n'ayant été que très peu de temps au gouvernement ne concerne en réalité qu'un tiers de l'équipe, soit six d'entre eux, les douze autres ayant déjà été membres du précédent gouvernement, dirigé par François Bayrou.
L'indemnité temporaire est par ailleurs soumise à des conditions. La règle est issue d'une ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée par une loi de 2013: "Lors de la cessation de ses fonctions gouvernementales le membre du Gouvernement auquel il a été fait application des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus perçoit une indemnité d'un montant égal au traitement qui lui était alloué en sa qualité de membre du Gouvernement. Cette indemnité est versée pendant trois mois, à moins que l'intéressé n'ait repris auparavant une activité rémunérée".
Il n'y a pas de durée minimale d'exercice, mais l'indemnité n'est donc pas automatique pour autant: elle est notamment réservée aux ministres n'ayant pas de travail dans les trois mois suivant la fin de leur mandat.
Autre condition de l'indemnité temporaire, introduite par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a instauré la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP): l'indemnité "ne peut être perçue par l'intéressé s'il a omis de déclarer à la HATVP, au titre de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, tout ou partie de son patrimoine ou de ses intérêts".
Les 12 anciens ministres du gouvernement Bayrou, renommés dans le gouvernement Lecornu, seront donc éligibles pour demander une indemnité temporaire après leur départ, pendant trois mois au maximum, s'ils n'ont pas retrouvé une activité rémunérée dans les trois mois qui suivront la fin de leur mandat et s'ils ont satisfait à leurs obligations déclaratives.
La question est plus complexe pour les six nouveaux entrants. Leur courte durée d'activité en tant que ministre n'est en théorie pas un obstacle pour prétendre à l'indemnité temporaire. Mais il se trouve que cinq d'entre eux sont par ailleurs députés, une fonction incompatible avec celle de ministre au bout d'un délai d'un mois. Cette fonction parlementaire n'a pas formellement pris fin, selon une note du Secrétariat Général au Gouvernement, consultée par un journaliste du service politique de l'AFP.
"Le gouvernement Lecornu est démissionnaire avant l’expiration du délai d’un mois, l’incompatibilité (entre ministre et député, ndlr) ne prendra donc effet que lorsque le gouvernement Lecornu cessera effectivement ses fonctions suite à la parution du Journal officiel d’un nouveau Gouvernement. Les ministres nouveaux entrants restent députés, peuvent siéger et sont payés uniquement par l’Assemblée nationale", selon cette note.
Ce qui écarte donc pour eux en principe la question de l'indemnité temporaire d'ancien ministre.
Quant au sixième nouvel entrant, Bruno Le Maire, nommé dimanche ministre des Armées dans le gouvernement Lecornu, il va retrouver ses activités, notamment de professeur en Suisse. "Il n'a pas eu le temps d'arrêter ses activités depuis dimanche", a expliqué un membre de son entourage à l'AFP. "Il n'a pas touché d'argent en sortant de Bercy et il n'en touchera pas là non plus", a assuré cette même source.