Non, les médicaments contre l'excès de cholestérol ne provoquent pas la maladie d'Alzheimer

Les causes de la démence - une maladie chronique qui touche environ 1,2 million de personnes en France - sont encore mal connues. Sur les réseaux sociaux, des utilisateurs partagent une vidéo qui avance que les médicaments contre l'excès de cholestérol peuvent augmenter le risque d'Alzheimer. C'est faux. La recherche scientifique a montré, au contraire, qu'une réduction durable du taux de cholestérol pourrait contribuer à réduire le risque de maladies comme celle d'Alzheimer, la forme la plus courante de démence, comme l'ont également expliqué des experts interrogés par l'AFP.

"L'Alzheimer, c'est la disparition de la myéline dans le cerveau. De quoi est faite la myéline? C'est à base de cholestérol !", avancent des utilisateurs sur les réseaux sociaux (1, 2, 3), relayant depuis plus d'un an une vidéo qui affirme que la maladie d'Alzheimer serait une "maladie causée par les médecins" et provoquée par les médicaments hypocholestérolémiants - prescrits contre l'excès de cholestérol.

Cette vidéo est également régulièrement partagée en anglais et plus récemment en allemand. Elle a été filmée lors d'une conférence du vétérinaire et naturopathe américain Joel Wallach, également fondateur d'une entreprise de compléments alimentaires.

L'AFP n'a pas pu précisément identifier le lieu et la date de cet évènement - même si la version intégrale de la conférence est disponible sur YouTube et que celle-ci se serait déroulée en 2011.

Dans l'extrait partagé sur les réseaux sociaux, Joel Wallach affirme : "La maladie d'Alzheimer est une maladie causée par les médecins. Elle n'existait pas il y a 40 ans, même sous un autre nom. Désormais, c'est la quatrième cause de décès chez les adultes de plus de 65 ans aux Etats-Unis."

Il déclare ensuite que la maladie d'Alzheimer correspond à "la disparition de la myéline, la matériau isolant du cerveau", qui est composé à "100% de cholestérol". Après avoir mis en garde contre les régimes pauvres en cholestérol, il accuse les médicaments contre l'excès de cholestérol d'être responsables d'Alzheimer : "Si vous ne parvenez pas à ramener votre taux de cholestérol sanguin en dessous de 200, ils vous donnent des médicaments hypocholestérolémiants. Ensuite, vous ne pouvez plus vous rappeler qui vous êtes, parce que vous souffrez de la maladie d'Alzheimer."

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Capture d'écran d'une publication sur X, réalisée le 18/09/2025. Croix rouge ajoutée par l'AFP.

L'ONG Science Feedback, spécialisée dans la lutte contre la désinformation scientifique, a déjà réfuté à plusieurs reprises des déclarations de Joel Wallach.

Contrairement à ce qu'affirme le naturopathe dans la vidéo, c'est plutôt un taux de cholestérol élevé - et non faible - qui augmenterait le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Les experts interrogés par l'AFP ont ainsi expliqué que les statines, les médicaments hypocholestérolémiants les plus couramment utilisés, pouvaient réduire le risque de développer la maladie chez les personnes ayant un taux de cholestérol élevé.

La maladie d'Alzheimer n'est pas "nouvelle"

La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative "caractérisée par une atteinte progressive et irréversible du cerveau", explique sur son site l'Assurance maladie. "La perte des cellules nerveuses est lente mais inexorable."

Elle survient le plus souvent après 65 ans et touche 15% de la population après 80 ans. Les autorités sanitaires estiment qu'environ 850.000 personnes sont atteintes de la maladie d'Alzheimer en France.

Selon l'Alzheimer's Association - une organisation américaine à but non lucratif -, environ une personne sur neuf âgée de 65 ans ou plus aux États-Unis serait atteinte de cette maladie, soit 7,2 millions d'Américains de cette tranche d'âge.

Contrairement aux dires de Joel Wallach, la maladie d'Alzheimer n'est pas récente, mais a été découverte en 1906 par Aloïs Alzheimer, chercheur et pathologiste allemand, comme l'explique sur son site France Alzheimer.

Les causes de la maladie d'Alzheimer ne sont pas entièrement élucidées mais elle se caractérise par l'apparition de deux types de lésions particulières : les plaques amyloïdes autour des neurones et la dégénérescence neurofibrillaire, développe l'Assurance maladie.

"Ces lésions sont associées, chacune, à un composé protéique spécifique", présente, comme suit, l'organisme :

  • La protéine bêta amyloïde, naturellement présente dans le cerveau, s'accumule à l'extérieur des neurones en formant des plaques appelées plaques amyloïdes ou plaques séniles, toxiques pour les neurones.
  • La protéine Tau, naturellement présente dans l'organisme, participe normalement à la constitution du squelette des cellules. Dans la maladie d'Alzheimer, cette protéine est modifiée et, en désorganisant la structure des neurones, elle produit une dégénérescence neurofibrillaire aboutissant à la mort des neurones.

Pas de rapport avec la myéline

Contrairement à ce qu'avance Joel Wallach dans la vidéo, "la maladie d'Alzheimer n'est pas définie par la dégradation de la myéline, mais par des dépôts extracellulaires de la protéine bêta-amyloïde et des dépôts intracellulaires de la protéine tau", a expliqué à l'AFP le 15 septembre la directrice scientifique de l'Alzheimer Forschung Initiative, Anne Pfitzer-Bilsing.

Au sein du système nerveux, la myéline est une membrane grasse isolante qui se forme autour des nerfs "et joue également un rôle important dans la propagation rapide de messages nerveux d'un neurone à l’autre", explique l'Institut du cerveau.

Raphael Wurm, chercheur au département de cardiologie de l'université de médecine de Vienne et qui mène des recherches sur la démence, a précisé à l'AFP le 16 septembre que la myéline est composée "de nombreux éléments" et d'au moins 20 à 30% de protéines, "ainsi que, chez l'être humain, une grande partie d'eau". Le cholestérol, lui, représente "une grande partie des lipides".

Selon M. Wurm, le cholestérol n'est "qu'un des nombreux composants de la myéline" - qui n'en est donc pas composée à 100% comme l'affirme Joel Wallach.

M. Wurm explique par ailleurs que les lipides (graisses) absorbés par l'alimentation atteignent difficilement le cerveau "en raison de la barrière hémato-encéphalique dense (une sorte de barrière protectrice entre le cerveau et le reste du corps)". Par conséquent, le taux de cholestérol sanguin n'a "aucun lien avec la myéline cérébrale", a affirmé l'expert.

De son côté, Eric Brandt, chercheur et enseignant en maladies cardiovasculaires et médecine interne à l'Université du Michigan aux États-Unis, a décrit à l'AFP le 15 septembre que "la régulation du cholestérol dans les tissus cérébraux est très différente de la gestion systémique du cholestérol" et que "la littérature actuelle ne soutient pas l'idée que les statines sont nocives pour la santé cérébrale".

Le cholestérol, plutôt un facteur de risque

Concernant les médicaments hypocholestérolémiants, Anne Pfitzer-Bilsing a ainsi expliqué qu'ils "n'augmentent pas le risque de développer la maladie d'Alzheimer", mais "le réduisent au contraire".

De même, Raphael Wurm a confirmé que "de nombreuses études observationnelles suggèrent que les médicaments hypocholestérolémiants (en particulier les statines) pourraient avoir un effet positif, mais certainement pas négatif".

En juillet 2024, une vaste étude publiée par la Commission Lancet - qui compile l'état des connaissances actuelles et formule des recommandations pour la prévention et le traitement de la démence - a d'ailleurs identifié qu'un taux de cholestérol élevé constituait un facteur de risque de démence. 

Comme expliqué dans cet article de l'AFP, ce travail fait suite à un précédent rapport, paru en 2020, dans lequel les auteurs avaient estimé que 40% des démences étaient liées à une douzaine de facteurs de risque, de nature très différente : faible niveau d'éducation, problèmes d'audition, tabagisme, obésité, pollution aérienne, dépression, isolement, traumatismes crâniens, hypertension...

Désormais, compte tenu des dernières recherches en date à l'été 2024, ils ont ajouté deux facteurs de risque : la perte de la vision, jusqu'à la cécité, et un cholestérol élevé. 

L'étude indique ainsi : "Il existe des preuves de haute qualité, cohérentes et biologiquement plausibles, qu'un taux élevé de cholestérol LDL à l'âge mûr est un facteur de risque de démence."

LDL correspondant au "mauvais cholestérol", il est donc recommandé "de détecter et de traiter les taux élevés de cholestérol LDL dès l'âge mûr".

Naaheed Mukadam, du département de psychiatrie de l'University College London et l'une des auteurs du rapport Lancet, a déclaré à l'AFP le 7 août 2024 que l'équipe de recherche n'avait trouvé aucune preuve qu'un régime pauvre en cholestérol augmentait le risque de démence.

Pour Raphael Wurm, "la réduction du cholestérol et une alimentation saine ont été l'une des plus grandes réussites de la médecine préventive des 50 dernières années". Cela a permis d'éviter "d'innombrables crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux" et cela "réduit également, de manière secondaire, le risque de démence".

En effet, en prévention de la maladie d’Alzheimer, il est recommandé d’adopter une bonne hygiène de vie, explique l'Institut Pasteur. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), "des études montrent qu'on peut réduire le risque de déclin cognitif et de démence en ayant une activité physique, en ne fumant pas, en évitant l'usage nocif de l'alcool, en contrôlant son poids, en consommant des aliments sains et en maintenant une tension artérielle, une glycémie et un taux de cholestérol adéquats. Les autres facteurs de risque comprennent la dépression, l'isolement social, le faible niveau de scolarité, l'inactivité cognitive et la pollution de l'air". 

De nombreuses autres fausses informations circulent sur la maladie d'Alzheimer, l'AFP a déjà publié plusieurs articles de vérifications ici ou ici

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