Cette semoule traditionnelle ivoirienne ne sera pas interdite début 2026 en France

L’attiéké, célèbre semoule à base de manioc inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est au centre d’une rumeur virale qui circule depuis fin août sur les réseaux sociaux d’Afrique francophone. Selon de multiples internautes, ce plat emblématique de la gastronomie ivoirienne serait interdit d’exportation et de consommation en France à partir de janvier 2026. Ils prétendent que cette décision aurait été prise par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Mais c’est faux, dément le service presse du ministre, aucune interdiction ne vise cet aliment sur le territoire français.

"L’attiéké va être interdit en France dès 2026", annonce la voix off d'une vidéo publiée par le compte TikTok "Flashpoin1" le 26 août 2025, et depuis partagée plus de 20.000 fois (archivée ici).

Image
Capture d'écran d'une publication TikTok, prise le 11 septembre 2025 / Croix rouge rajoutée par la rédaction de l'AFP.

L’attiéké est un incontournable de la cuisine ivoirienne. Il s'agit d’une semoule de manioc, à la texture granuleuse et au goût légèrement acidulé, qui accompagne aussi bien les plats de poissons que de viandes. 

Exporté dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et au-delà du continent, cet ingrédient a acquis une notoriété internationale. Au point d'être inscrit par l'Unesco depuis le 4 décembre 2024 au patrimoine immatériel de l’humanité, consacrant ainsi son rayonnement (lien archivé ici).

Selon la voix off de la vidéo publiée par "Flashpoin1", le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau - depuis démissionnaire - aurait annoncé que "la vente de l’attieké, sa fabrication et même sa consommation pourrait être interdite sur le territoire français"

Il déplorerait "une africanisation croissance des produits alimentaires, qui selon lui, ferait perdre à la France, sa culture culinaire traditionnelle", affirme la vidéo, reprise ensuite sur Facebook (1,2,3) ou bien ailleurs sur TikTok, où des internautes commentent souvent face caméra cette prétendue annonce.

Un jeune homme affirme ainsi dans une séquence publiée le 29 août que toute personne qui sera "attrapée avec de l’attiéké" en France à partir de janvier 2026 "sera sanctionnée d’une grosse amende" (lien archivé ici). 

Image
Capture d'écran d'une publication TikTok, prise le 12 septembre 2025 / Croix rouge rajoutée par la rédaction de l'AFP.

Vu qu’ils veulent conserver la nourriture française pour ne pas que ça disparaisse (...) ils vont interdire certaines nourritures africaines qui vont plus rentrer en France”, affirme-t-il encore. 

Mais ces affirmations sont toutes fausses. Aucune interdiction de l'attiéké n'est prévue en France. 

Vidéo parodique et démenti officiel

AFP Factuel a contacté le cabinet du ministre de l’Intérieur français au sujet d'une potentielle interdiction de l'attiéké. “Nous démentons évidemment cette rumeur”, a déclaré son service presse dans sa réponse du 11 septembre.

Par ailleurs, l’AFP n’a trouvé aucune trace dans les médias fiables d’articles évoquant une éventuelle interdiction de la consommation, de la vente ou de la fabrication de l’attiéké en France.

En observant en détail le compte de "Flashpoin1", qui a publié la première occurrence de cette vidéo et depuis changé son nom en "Buzzmag_people", on constate qu'il s'agit en réalité d'un compte TikTok parodique (archivé ici). Avec plus de 146.000 abonnés, cette page publie régulièrement des montages vidéo parodiques sur des faits divers et des polémiques en France. 

Image
Capture d'écran du compte TikTok "Flashpoint" devenu "Buzzmag_people", prise le 22 septembre 2025 / Encadré rouge rajouté par la rédaction de l'AFP.

La fausse information contenue dans cette vidéo parodique, qui totalise près de 800.000 vues et 40.000 mentions “j’aime”, a ensuite été reprise sérieusement sur les réseaux sociaux d’Afrique francophone et vastement commentée. 

Identité culturelle ivoirienne

Le succès de cette infox s'explique car elle touche à un ingrédient important dans l'identité culturelle des Ivoiriens, dont la diaspora est très implantée en France (144.100 personnes d'origine ivoirienne vivaient en France en 2023, selon des données de l'Insee publiées en 2024 et reprises par l'Organisation Internationale pour les Migrations).   

Nombre d'internautes résidant en Côte d'Ivoire se sont déclarés "soulagés" par cette infox, persuadés à tort que le prix de l’attiéké pourrait ainsi baisser sur le marché local. "Dieu merci comme ça attieke 500 va redevenir 100 francs en Côte d’Ivoire" [sic], commente l’un d’eux.

Image
Capture d'écran de commentaires sous une vidéo TikTok annonçant à tort l'interdiction de l'attiéké en France, réalisée le 22 septembre 2025 /
Floutage des photos de profils et des noms réalisé par l'AFP.

A l'inverse, d'autres internautes se sont indignés de cette prétendue interdiction, pointant le "racisme" qui se cacherait selon eux derrière cette décision. Certains, vexés, proposaient de "boycotter les aliments venant de France", par "réciprocité". 

La cuisine traditionnelle revêt une importance affective particulière pour les diasporas à travers le monde, par le lien qu'elle représente avec le pays d'origine. Toute interdiction peut donc constituer un sujet inflammable. En septembre 2024, l'interdiction - elle bien réelle - de la pâte à tartiner algérienne El Mordjene Cebon dans l'Union européenne avait ainsi fait vivement réagir sur les réseaux sociaux français et algériens (1,2,3), où le produit faisait déjà l'objet d'un buzz.

Image
Une femme prépare de l'attieke à Affery, le 25 juin 2018 (AFP / SIA KAMBOU)

Les restaurants qui proposent de l’attiéké en France n’ont eux aucune inquiétude à avoir, ils pourront continuer à servir la fameuse semoule de tubercules de manioc fermenté et cuit à la vapeur. Comme le montre ce reportage de la télévision ivoirienne RTI (archivé ici), ils sont d’ailleurs nombreux à en servir, notamment sous la forme du célèbre garba, plat populaire de Côte d’Ivoire composé essentiellement d’attiéké, de thon frit et d’un mélange de piment, de tomate et d’oignon émincés.

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter