
Attention à ces rumeurs exagérées de lapins "Frankenstein" qui sèment la panique sur les réseaux sociaux
- Publié le 21 août 2025 à 14:30
- Lecture : 5 min
- Par : Manon JACOB, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : Dounia MAHIEDDINE , AFP France
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Depuis début août, des habitants de Fort Collins, dans le Colorado, signalent la présence de lapins étranges. Leurs têtes sont en effet recouvertes d'excroissances noires, ressemblant à des "cornes" ou des "tentacules" sortant de leur bouche et de leur crâne. Diffusées sur les réseaux sociaux (1, 2), les images ont suscité de nombreuses réactions, certains internautes les comparent à des créatures de fiction, les surnommant "lapins zombies" ou "lapins Frankenstein".
"Dans le Colorado, des lapins sauvages ont été découverts avec des excroissances noires sur la tête, causées par une mystérieuse infection. Les autorités avertissent que la maladie peut se transmettre aux animaux de compagnie par contact. Franchement, que se passe-t-il en 2025 ?", écrit un internaute sur X le 13 août.
Dans un autre message, il ajoute : "les gens savent que c'est intentionnel", laissant entendre que le virus aurait été volontairement propagé pour pousser à la vaccination.

"Si ce truc-là mute et nous touche, c'est fini pour nous tous je pense", déclare un internaute dans une vidéo publiée le 14 août et vue plus de 600.000 fois sur TikTok.
Certaines publications vont jusqu'à suggérer d'abattre les animaux infectés rencontrés dans la nature : "Parfois je comprends pourquoi les Américains ont tous des gros flingues quand je vois les saloperies qu'ils ont chez eux…", écrit par exemple un internaute sur Reddit.
Mais des experts de la faune ont indiqué à l'AFP que, si les publications font bien référence à une maladie réelle, elles en exagèrent la gravité (lien archivé ici). Ce virus n'est pas nouveau et ne représente pas une menace sérieuse pour l'Homme ni pour les autres espèces animales.
Une maladie connue
Kara Van Hoose, responsable de communication pour la région nord-est du département des ressources naturelles de l'Etat du Colorado ("Colorado Parks and Wildlife"), a expliqué à l'AFP le 13 août que les photos montrent probablement une épidémie de papillomavirus du lapin de Shope dans la région de Fort Collins (lien archivés ici et ici).
"Nous avons commencé à recevoir davantage de signalements de lapins affectés dans le nord du Colorado depuis la diffusion des premières photos. Nous avons peut-être une douzaine de signalements, mais il est très probable qu'il s'agisse des mêmes animaux signalés plusieurs fois, et non d'une douzaine de lapins infectés", ajoute-t-elle.
Cette maladie est transmise par des insectes comme les puces et les tiques. Elle provoque des excroissances ressemblant à des verrues, le plus souvent sur le visage et le cou. Celles-ci peuvent parfois s'allonger et donner l'impression de cornes. Dans la majorité des cas, l'animal vit normalement avec ces lésions, qui peuvent disparaître spontanément. "Nous serions préoccupés uniquement si les excroissances atteignent les yeux ou empêchent le lapin de s'alimenter", a précisé Kara Van Hoose.
Elle a toutefois souligné qu'il n'était pas rare de voir des lapins infectés, surtout en été, lorsque les puces et les tiques, vecteurs du virus, sont les plus actives. Le virus peut se transmettre d'un lapin à l'autre, mais pas à d'autres espèces, y compris les humains et les animaux domestiques.
Le système immunitaire des lapins est capable de combattre le virus et, une fois qu'il le fait, les excroissances disparaissent, a-t-elle ajouté.
Des cas avancés ont déjà été documentés dans le passé. L'AFP a également pu identifier l'un des lapins apparaissant sur une photo relayée en ligne : il ne s'agissait pas d'un animal vivant, mais d'un spécimen conservé dans les collections du Musée d'histoire naturelle de l'Université du Kansas, dont l'arrière-plan correspond à une photo publiée en 2015 sur un blog spécialisé (lien archivé ici).

"Sur des spécimens historiques de l'Université du Kansas, nous avons pu identifier le virus sur un lapin de l'Est conservé depuis plus d'un siècle", a expliqué à l’AFP Robert Timm, professeur émérite de cette université. Selon lui, les signalements récents ne reflètent pas une nouvelle menace : "le virus est présent dans l'environnement depuis peut-être des dizaines de milliers d'années", a-t-il précisé le 14 août (lien archivé ici).
Selon lui, aucun cas de transmission de ce virus à l'Homme, que ce soit par les moustiques ou par les lapins, n'a jamais été documenté.
Découverte dans les années 30
En effet, les excroissances observées chez les lapins ne sont pas nouvelles : elles sont documentées aux Etats-Unis depuis plus d'un siècle. La maladie a été décrite pour la première fois en 1933 par le virologue américain Richard Shope, qui a donné son nom au virus (lien archivé ici).
Ce papillomavirus du lapin de Shope a marqué à la fois la culture populaire et la recherche scientifique. Il aurait inspiré le mythe nord-américain du "jackalope", une créature folklorique décrite comme un lapin doté de bois. L'étude de ce virus a également contribué à établir le lien entre certains virus et le développement de cancers, comme dans le cas du papillomavirus humain (HPV), responsable notamment du cancer du col de l'utérus (lien archivé ici).
Les autorités locales ont aussi confirmé que cette maladie ne touche que les lapins. "Les animaux domestiques ne doivent pas entrer en contact avec les lapins sauvages, mais il n'y a aucun risque pour l'Homme, les chiens ou les chats", a indiqué Kara Van Hoose, du Colorado Parks and Wildlife. Les lapins de compagnie peuvent toutefois être contaminés.
Karen Fox, médecin spécialiste de l'anatomie au laboratoire vétérinaire de l'Université d'Etat du Colorado, rappelle aussi que l'affection "est souvent plus sévère chez les lapins domestiques que chez les lapins sauvages". Elle recommande de les garder à l'intérieur, surtout en été et en automne, périodes où les insectes vecteurs sont les plus actifs (lien archivé ici).