Un renard orphelin, le 16 mai 2023, dans le Massachusetts (Etats-Unis). (AFP / LAUREN OWENS LAMBERT)

Les animaux sauvages ne tombent "jamais malades" ? C'est faux

Les animaux suscitent souvent de vifs débats sur les réseaux sociaux. Début août 2025, des internautes prétendent, sur X et Facebook, que les "animaux sauvages ne tombent jamais malades". Ils s'appuient, en guise de "source", sur une vidéo de Jean-Jacques Crèvecœur, dans laquelle le conférencier belge - dont d'autres propos trompeurs ou faux ont déjà été vérifiés par l'AFP - soutient que ces animaux seraient épargnés par la maladie parce qu'ils évoluent dans un monde non pollué et ont une meilleure gestion de leur stress que les animaux domestiques. Mais c'est faux : si le stress - d'origine naturelle ou humaine - peut favoriser l'émergence d'une maladie chez les animaux sauvages, ces derniers peuvent aussi tomber malades même sans lui, comme l'ont expliqué plusieurs experts vétérinaires à l'AFP. 

"Les animaux sauvages ne tombent jamais malades", soutiennent des internautes relayant une même vidéo virale sur X et sur Facebook début août 2025. 

Dans cette séquence d'un peu plus d'une minute, le conférencier belge Jean-Jacques Crèvecœur - dont des propos faux ou trompeurs ont déjà été vérifiés à plusieurs reprises par l'AFP ces dernières années - prétend expliciter cette affirmation surprenante.

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Capture d'écran réalisée sur X et croix rouge ajoutée par l'AFP le 12 août 2025.

"Une chose que le grand public ignore, c'est que les animaux sauvages ne sont jamais malades lorsqu'ils sont dans la nature non polluée", y avance celui qui mène une "véritable croisade contre la médecine conventionnelle", selon la Miviludes, l'organisme gouvernemental de lutte contre les dérives sectaires, auprès duquel il avait fait l'objet de huit signalements en 2021 (lien archivé ici). 

"La raison en est très simple : c'est que quand les animaux sont confrontés à une situation de stress, une situation où leur survie est en jeu, une situation où leurs besoins sont en jeu, ils vont adopter la réaction spontanée qui est inscrite dans leur conditionnement pour rétablir l'équilibre directement et évacuer le stress qui est présent dans cette situation", poursuit Jean-Jacques Crèvecœur, avant de comparer cette réaction à celle, opposée, des animaux domestiques et des "êtres humains [...] eux aussi domestiqués".

"En ne réagissant pas pour faire respecter nos besoins, nous n'évacuons pas le stress. Du coup, ce stress reste à l'intérieur de nous et à partir de là, nous risquons de développer différentes pathologies. C'est la raison pour laquelle les animaux sauvages ne sont jamais malades. Mais nous, nous tombons régulièrement malades", conclut-il dans cette séquence initialement mise en ligne sur son compte TikTok, sans étayer son affirmation de la moindre donnée scientifique.

Et pour cause : ses propos sont faux, comme l'ont pointé plusieurs experts à l'AFP. 

"Cette affirmation est un mensonge dilué avec un peu de réalité, ce qui donne l'illusion qu'il s'agit d'une vérité. [...] Les maladies ont toujours participé à l'équilibre des populations d'animaux sauvages", a notamment indiqué à l'AFP le 11 août 2025 Sylvain Larrat, vétérinaire spécialiste de la faune sauvage et aquatique reconnu par l'American College of Zoological Medicine et membre de l'association Vétérinaires Pour la Biodiversité (liens archivés ici et ici). 

Joint par l'AFP le 12 août 2025, l'Office français de la biodiversité (OFB) a également indiqué qu'il était inexact "d'affirmer que 'les animaux sauvages' ne tombent jamais malades."

C'est également ce qu'a confirmé à l'AFP le 14 août 2025 l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) : "Les animaux sauvages tombent malades pour de nombreuses raisons, telles que les agents pathogènes (virus, bactéries, champignons, parasites), les blessures, les toxines, la malnutrition et les événements climatiques extrêmes".

Un animal sauvage peut tomber malade, avec ou sans stress

"La thèse avancée dans la vidéo, c'est que les animaux ne tombent pas malades s'ils n'entrent pas en contact avec l'Homme ou la pollution causée par l'Homme. Or, on a trouvé des fossiles de dinosaures comportant des signes de maladie, ce qui prouve qu'elles existaient bien avant l'apparition de l'Homme sur Terre", pointe Sylvain Larrat (lien archivé ici). 

Sur une échelle de temps plus réduite, depuis mi-juillet 2025, en France, en Loire-Atlantique, des milliers d'oiseaux ont été retrouvés morts, victimes de botulisme aviaire (lien archivé ici). 

Quant au stress, il peut bien avoir un effet sur la santé des animaux.

"Le stress naturel peut, au même titre que le stress anthropique [d'origine humaine, NDLR], favoriser l'émergence d'une maladie chez un animal sauvage", confirme Sylvain Larrat, en indiquant que "les stress d'origine anthropique sont à l'origine d'une diminution de l'efficacité du système immunitaire chez un certain nombre d'animaux sauvages, ce qui peut favoriser la survenue de maladies", voire aggraver le déclin de populations déjà fragilisées.

Mais l'expert déplore la mauvaise compréhension du phénomène de stress par Jean-Jacques Crèvecœur et les déductions erronées qu'il en tire.

"Le stress, c'est une réaction du métabolisme à un changement extérieur, avec pour objectif de rétablir les équilibres métaboliques. Le stress augmente le risque de maladie mais il n'y a pas besoin de stress pour développer une maladie, même chez l'animal sauvage, et même si celui-ci n'est pas exposé à la pollution", explique Sylvain Larrat.

Ainsi, si l'espèce humaine provoque bien des stress chez les animaux sauvages avec la pollution, par exemple, ce type de stress a le même impact sur leur système immunitaire que des stress d'origine naturelle tels qu'une "période de disette, un événement climatique" ou encore "la prédation".

Au Canada, les bélugas du golfe de Saint-Laurent sont ainsi en voie de disparition, en partie à cause "de la dégradation et de la destruction de [leur] habitat par l'activité humaine, notamment la navigation, la pêche commerciale ou encore l'exploitation minière, pétrolière et gazière, sans oublier la pollution sonore", comme le rapporte le National Geographic (lien archivé ici).

Et l'OMSA de préciser que si "les réponses au stress peuvent influencer la susceptibilité aux maladies, il [est faux] de dire que la faune ne tombe jamais malade parce qu'elle 'évacue le stress' ; c'est l'interaction entre de nombreux facteurs environnementaux, biologiques et anthropiques qui détermine l'impact éventuel sur la santé".

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Un jeune loup à la recherche de nourriture, dans l'est de la Finlande, en juillet 2023. (AFP / OLIVIER MORIN)

Des animaux sensibles aux virus

En outre, "chaque espèce animale est sensible à un grand nombre d'agents pathogènes", rappelle Sylvain Larrat. Certains sont bénins et d'autres parfois mortels, ce qui fait que certains animaux y résistent quand d'autres y succombent.

"On ne les connaît pas tous, et il en existe vraisemblablement plusieurs dizaines par espèce, qui ne sont pas forcément partagés avec les autres", pointe le spécialiste.

C'est également ce que détaille l'OFB : "Les animaux sauvages sont parfois plus tolérants ou moins sensibles à la présence de certains pathogènes et parasites. Ainsi, il est normal chez un animal sauvage de trouver des parasites digestifs sans signe de maladie associée, mais quand la charge parasitaire est trop importante ou en cas d'infestation par certains parasites très pathogènes (comme l'Haemonchus contortus chez les ruminants) les animaux sauvages vont développer des signes cliniques et donc être 'malades'. D'autres facteurs, comme la co-infection par plusieurs pathogènes ou des stress environnementaux, peuvent expliquer l'apparition de signes cliniques".

Pour Sylvain Larrat, le renard, qui partage certains virus ou parasites avec le chien et le loup, est un bon exemple. 

"Sans aucune interaction avec l'humain, le renard arctique est exposé au virus de la rage. En revanche, le renard roux, en France, ne risque pas d'attraper la rage car les humains ont éradiqué la rage à l'aide de campagnes de vaccination des renards" (lien archivé ici), explique l'expert, pour qui ce cas concret illustre comment "une maladie naturellement présente chez un animal sauvage a été exterminée grâce à une interaction humaine contrôlée".

Etant donné qu'il appartient à la même espèce que le loup, le chien partage quant à lui la même liste d'agents pathogènes. Mais la fréquence à laquelle ils se manifestent chez l'un et chez l'autre varie car le suivi vétérinaire dont bénéficie un chien domestique lui permet généralement de développer moins de maladies infectieuses que le loup - sans pour autant échapper à d'autres maladies, liées notamment à l'âge.

"Il est important de noter que le flux de maladies ne se fait pas dans un seul sens : les animaux sauvages peuvent également attraper des maladies provenant des animaux domestiques et même des humains, un processus connu sous le nom de zoonose inversée", rappelle pour sa part l'OMSA, tout en pointant le fait qu'il est souvent plus difficile d'observer les animaux sauvages car ils sont susceptibles de mourir rapidement ou d'être dévorés par un prédateur, ce qui rend leurs maladies "moins visibles mais pas moins signifiantes pour autant".

L'être humain, une espèce comme une autre 

Sylvain Larrat résume : "L'humain est une espèce comme les autres, avec sa liste d'agents pathogènes partagés ou non avec d'autres espèces. Notre interaction avec l'environnement influe sur le nombre, la fréquence et la sévérité des maladies des animaux sauvages, sans que cela soit forcément prévisible". 

"Certaines maladies des animaux sauvages peuvent augmenter alors que d'autres peuvent diminuer sous l'influence humaine. C'est un ensemble d'équilibres diversifié et très complexe", ajoute-t-il. 

L'Office français de la biodiversité rappelle par exemple qu'entre octobre 2024 et juin 2025, dans les terres australes et antarctiques françaises, "plus de 2.000 manchots royaux et 600 éléphants de mer austraux sont morts, en plus des mortalités recensées sur plus d'une vingtaine d'espèces", à cause d'une "épizootie d'influenza aviaire hautement pathogène de sous-type H5N1". 

"Même si les animaux sauvages sont parfois plus tolérants aux pathogènes et parasites, notamment lorsqu'ils ont co-évolué, les 'maladies' dans les populations sauvages ne sont pas rares et surviennent du fait de plusieurs facteurs, pouvant entraîner des baisses de populations voire des extinctions locales d'espèces dans les cas les plus graves", conclut l'organisme. 

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