
Non, le gouvernement canadien n'envisage pas d'ouvrir l'Aide médicale à mourir aux mineurs
- Publié le 10 juin 2025 à 17:03
- Lecture : 6 min
- Par : Gwen Roley, AFP Canada
- Traduction et adaptation : Zoé MULTEAU , AFP France
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"Pire que les Nazis", peut-on lire dans une publication, postée le 2 juin 2025 sur X et depuis relayée par plus de 2000 comptes de la plateforme. Le message est accompagné de la capture d’écran de ce qui ressemble à un article titré : "Canada - Euthanasie pour les enfants souffrant de troubles mentaux sans le consentement des parents".

Ces publications gagnent en popularité au moment où des projets de loi autorisant l'aide à mourir sont en débat en France et au Royaume-Uni.
En mai 2025, d'autres internautes relayaient cette même allégation, sur X ou Instagram, avec à l'appui la photo d'une brochure présentée comme la preuve d'évolutions apportées à l’Aide Médicale à Mourir concernant les "mineurs matures". Dans la loi canadienne, le concept de "mineurs matures" permet à un adolescent ou un enfant de prendre seul certaines décisions s'il est en jugé apte d'en comprendre sa nature et ses conséquences (lien archivé ici).


Mais une recherche d’image inversée montre que la brochure partagée sur les réseaux sociaux a été diffusée en 2024 par l’Alliance Évangélique du Canada (EFC), dans le cadre d’une campagne visant à décourager l’élargissement de l’accès à la procédure. Elle ne provient donc pas du gouvernement canadien, comme le laissent entendre certaines publications. (archive ici)
L'aide à mourir au Canada
Le Canada a légalisé l’Aide médicale à mourir pour la première fois en 2016 pour les personnes atteintes d’un problème de santé grave et irréversible. Différentes formes d’euthanasie sont également légales dans d’autres pays. (liens archivés ici et ici)
A l’origine, le critère d’admissibilité était la "prévisibilité raisonnable de la mort naturelle" du patient, mais cela a été modifié en 2021 pour l'ouvrir aux personnes dont la mort n’était pas "raisonnablement prévisible" (archive ici).
En 2023, une commission parlementaire a proposé que les mineurs matures aient le droit de recourir à aide à mourir. Mais au 5 juin 2025, les personnes de moins de 18 ans ne sont toujours pas admissibles à cette procédure au Canada. "Les critères d'admissibilité énoncés dans le Code criminel exigent qu'une personne soit âgée d'au moins 18 ans et soit capable de prendre des décisions concernant sa santé", a déclaré Mark Johnson, porte-parole de Santé Canada. "Le gouvernement canadien n'envisage aucune modification législative de cette exigence interdisant aux mineurs d'être évalués [pour savoir s'ils seraient éligibles, NDLR] ou de recevoir l’Aide Médicale à Mourir", a-t-il précisé.
Des rapports et des recommandations, pas de changement législatif
En avril 2021, le Parlement a créé une commission spéciale sur l’aide médicale à mourir. Jusqu’en 2023, des particuliers, experts et associations ont présenté leurs points de vue sur les changements qui pourraient être apportés à l’aide médicale à mourir canadienne (lien archivé ici).
A la suite de ces témoignages, la commission a publié un rapport dans lequel elle recommande que les mineurs soient éligibles à l'Aide médicale à mourir mais en limitant l'accès uniquement à ceux dont "la mort naturelle est raisonnablement prévisible." (archive ici)
Le gouvernement a répondu à cette recommandation en exprimant ses inquiétudes quant à l’équilibre entre l’autonomie personnelle des mineurs et leur sécurité, et n’a inclus aucune disposition autorisant l’aide médicale à mourir pour les personnes de moins de 18 ans. (archive ici)
"Cela ne pourrait arriver que si une loi était présentée et adoptée pour modifier le Code criminel", a déclaré à l’AFP Alisha Hall, porte-parole de Dying With Dignity Canada, groupe qui milite pour que les mineurs matures aient le droit de choisir l’Aide médicale à mourir (lien archivé ici).
Dying With Dignity a rendu un rapport au comité en 2022, mais n’a pas présenté d’autre étude sur l’Aide médicale à mourir et les mineurs matures aux membres du gouvernement. (archive ici)
Les critères d'éligibilité
Si certaines publications sur les réseaux sociaux laissent aussi entendre que l’AMM pourrait être ouverte aux personnes dépressives, la loi canadienne requiert que l’individu soit atteint d’un "problème de santé grave et irréversible".
La personne doit également "faire une demande délibérée qui ne découle pas de pression externes" et donner "son consentement éclairé à recevoir l’Aide médicale à mourir", d’après le site officiel du gouvernement canadien. (archive ici)
Deux médecins ou infirmiers doivent vérifier que tous les critères d’admissibilité sont respectés. La personne doit aussi être avisée qu’elle peut "retirer sa demande à tout moment, de quelque manière que ce soit".
Le ministère précise que les personnes qui demandent cette procédure mais dont la mort naturelle n’est pas "raisonnablement prévisible" doivent être informées des autres options de traitement.
Le dernier rapport annuel sur l’Aide médicale à mourir indiquait que 95,9% des personnes ayant bénéficié de la procédure en 2023 étaient des personnes dont la mort était "raisonnablement prévisible", le cancer étant le problème de santé le plus courant. (archive ici)
Selon ce rapport, les personnes dont la mort n’était pas raisonnablement prévisible ont déclaré souffrir de problèmes tels que le diabète, l'infirmité, des maladies auto-immunes ou des douleurs chroniques.
Certains experts ont soulevé des inquiétudes quant au fait que des personnes demandaient à mourir non pas en raison de graves problèmes de santé, mais pour des raisons de précarité, de mal-logement et de solitude extrême (liens archivés ici, là, là et là).
Face à des demandes provenant de personnes en situation de handicap ou de précarité, certains praticiens se retrouvent confrontés à des dilemmes éthiques .
L’Aide médicale à mourir n’est pas encore ouverte aux personnes souffrant uniquement de troubles mentaux. Elle devait l'être en 2024, mais ce changement a été reporté au moins jusqu’en mars 2027 (lien archivé ici).
Sur les réseaux, la question de l'accès à l'euthanasie aux mineurs canadiens fait souvent l'objet d'affirmations fausses ou trompeuses. L'AFP en a déjà réfuté plusieurs comme dans cet article.