
Cette vidéo ne montre pas l’arrestation de jihadistes au Mali
- Publié le 09 octobre 2024 à 15:44
- Mis à jour le 11 octobre 2024 à 14:14
- Lecture : 4 min
- Par : SUY Kahofi, Monique NGO MAYAG, AFP Côte d'Ivoire
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La courte vidéo partagée sur Facebook (1, 2), YouTube et TikTok (1, 2) cumule des milliers de vues depuis le 19 septembre 2024. Sur les images, des dizaines de personnes sont assises à même le sol, gardées par des hommes armés et en uniforme. "Très bonne nouvelle, Vive les FAMA (l'armée malienne, ndlr)", peut-on lire sur la vidéo. Selon les auteurs de ces publications, les hommes au sol sont des "terroristes" arrêtés par les forces maliennes à la suite des attaques du 17 septembre à Bamako.

Un contexte tumultueux
Ce jour-là, des jihadistes ont attaqué l'école de la gendarmerie et donné l'assaut à l'aéroport militaire proche. Si aucun bilan officiel n'a été donné, des sources sécuritaires ont fait état de plus de 75 morts et plus de 250 blessés.
Ces attaques et leur lourd bilan ont mis à mal la rhétorique de la junte au pouvoir depuis 2020, qui affirme que sa stratégie de rupture, ses nouveaux partenariats étrangers et un effort militaire accru ont permis d'inverser la tendance face aux jihadistes.
Alors que d'autres régions du pays sont en proie à des attaques quasi quotidiennes, Bamako n'avait pas connu une telle attaque depuis 2016.
Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) qui a revendiqué l'opération a assuré via ses canaux de communication que treize hommes ont participé aux attaques et que toutes les personnes arrêtées par les autorités - qui n'ont pas communiqué sur le sujet - étaient innocentes.
La vidéo qui circule n’a aucun lien avec le Mali
Après l’attaque revendiquée par le GSIM, plusieurs prétendues images et vidéos de cette opération jihadiste au cœur de Bamako ont inondé les réseaux sociaux. Parmi elles, la vidéo virale vérifiée, qui prétend montrer l'arrestation par les forces armées maliennes d'une dizaines d'assaillants moins de 48 heures après les attaques.
L'utilisation de l’outil InVID WeVerify permet cependant de retrouver la trace de la vidéo sur YouTube le 18 juillet 2024 (archivée ici) - soit deux mois avant les attaques à Bamako.

La légende de la vidéo fait mention du Malawi et est rédigée en langue Chewa, selon un correspondant de l'AFP dans le pays d'Afrique australe. Le chewa est l’une des deux langues officielles du Malawi.
Une recherche sur Google avec la même légende en langue Chewa permet de retrouver la même vidéo publiée le 18 juillet 2024 sur Facebook par le média malawite, Times 360 Malawi.
La séquence virale est donc antérieure aux attaques survenues le 17 septembre à Bamako.
Le correspondant de l'AFP au Malawi a traduit le texte publié par le media malawite sur Facebook : "Les forces de défense du Malawi (MDF) ont arrêté 237 immigrants illégaux dans le camp de réfugiés de Dzaleka à Dowa. Le commandant de l'armée, Valentino Phiri, explique que l'armée a mené une opération conjointe avec les services de police du Malawi pour renforcer la sécurité dans le camp. Il s'est toutefois plaint du fait qu'à la suite de ces arrestations, l'armée reçoit des instructions de différentes parties pour libérer les immigrés clandestins".
L'article est signé du nom de Rebecca Chimjeka.
AFP Factuel a contacté la journaliste le 30 septembre qui a confirmé être l'autrice de la vidéo virale. Elle se désole de voir ses images détournées.
Selon elle, la séquence n'a rien à voir avec le Mali et redirige AFP Factuel vers son article publié en anglais qui détaille les circonstances de cette interpellation massive au Malawi (archivé ici).
La vidéo montrant l’arrestation de plusieurs individus assis à même le sol a donc été prise au Malawi et non au Mali, pays en proie à des violences jihadistes et à une profonde crise depuis 2012.
Le Mali a été le théâtre de deux putschs, en août 2020 et mai 2021. Il est depuis, gouverné par une junte dirigée par le colonel Assimi Goïta.
Ce dernier a réuni le 23 septembre de hauts responsables militaires pour "ajuster la stratégie" et "donner de nouvelles orientations", six jours après les attaques jihadistes à Bamako (dépêche AFP archivée ici).
"Cette rencontre a permis de faire un examen exhaustif des dispositifs sécuritaires, de réévaluer la menace et de donner des orientations complémentaires", a indiqué la présidence malienne dans un communiqué, sans donner plus de détails.
Les attaques ont eu lieu le lendemain du premier anniversaire de la création de l'Alliance des Etats du Sahel qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, trois voisins confrontés à l'expansion jihadiste et plongés dans des crises profondes.
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