Attention, ces images sont antérieures à l’épidémie en cours

Alors que le monde s’inquiète de la propagation d’un nouveau variant de l’épidémie du mpox, autrefois connue sous le nom de variole du singe, des images censées montrer  les symptômes de cette infection circulent sur les réseaux sociaux. Deux photos de personnes souffrant de sévères lésions cutanées circulent notamment depuis début août. Cependant, ces visuels sont bien antérieurs à l’épidémie en cours, dont l’organisation mondiale de la santé (OMS) a  dénombré, mi-août, 50.000 cas à travers le monde avec une forte recrudescence en Afrique. 

Le mpox, identifié dans les années 70 en République démocratique du Congo (RDC, ex Zaïre) et autrefois appelé variole du singe, se propage de l'animal à l'homme mais se transmet aussi entre humains, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

Le 14 août dernier, l’institution a lancé son plus haut niveau d’alerte pour endiguer l’épidémie (communiqué archivé ici). 

Cette affection virale resurgit en Afrique centrale et de l’ouest depuis mi-juillet. En août, la Suède et la Thaïlande ont déclaré  chacun un cas du nouveau variant. Il provoque de la fièvre, des douleurs musculaires et des lésions cutanées, entre autres manifestations sévères.

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Ces symptômes suscitent le déferlement sur les réseaux sociaux d’images censées alerter sur la gravité de la maladie.

C’est par exemple le cas d’une photo qui circule sur Facebook depuis mi-août et présente deux mains, visiblement brûlées par une éruption de pustules. En légende de  cette publication, l’auteur suggère qu’elle montre une personne récemment infectée par  le virus mpox (archivée ici). 

La variole, une maladie éradiquée

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Capture d’écran d’une publication sur Facebook, réalisée le 2 septembre 2024 et floutée par l'AFP

Pourtant, cette image remonte à plusieurs décennies et n’a pas de lien avec l’épidémie en cours. 

Pour retrouver ses toutes premières occurrences, nous avons procédé à une recherche d’image inversée avec l’outil Google Lens. Résultat: elle figure dans la banque d’images américaine Getty Images (lien archivé ici) et créditée "Collection Smith/Gado".  

La légende qui l’accompagne décrit un patient photographié en 1967 au Ghana, et présentant des lésions de variole (smallpox en anglais). Le site de l’OMS signale en effet une épidémie de variole à Bawku dans le nord du Ghana, entre mai et octobre 1967. Le bilan dressé à l’époque par le ministère ghanéen de la santé fait état de "huit épidémies de variole survenues au Ghana en 1967, avec un total de 112 cas et 17 décès" (lien du compte-rendu archivé ici). 

En 1980, l’OMS a déclaré la variole éradiquée – la seule maladie infectieuse à obtenir cette distinction (communiqué de la commémoration de l'éradication, archivé ici).  Il ne peut donc pas s'agir d'un patient atteint du mpox.

Ce cliché est donc très ancien et ne présente pas des lésions de variole du singe mais de variole. 

Dans son plus récent communiqué publié le 16 août 2024, le ministère ghanéen de la santé ne signale "aucun cas de mpox en 2024" même si le pays reste en alerte car, 120 cas ont précédemment été déclarés en 2022 et huit cas en 2023 (lien archivé ici).

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La deuxième photo, beaucoup plus virale auprès d’internautes anglophones (1,2), montre en gros plan le dos d’un homme blanc, taché de volumineux boutons noirâtres. 

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Capture d’écran d’une publication sur Facebook, réalisée le 2 septembre 2024 et floutée par l'AFP

Ce cliché est largement utilisé pour alerter sur les manifestations du mpox et son caractère "très contagieux". Dans ce billet de blog par exemple, elle montre prétendument un cas de variole du singe aux Etats-Unis (lien archivé ici).  

Cependant, l’image utilisée est antérieure à l’épidémie en cours et n’a aucun rapport avec la maladie . 

Sous le tweet viral associé à cette photo, plusieurs internautes partagent en commentaire des captures d’écran d’un article datant de novembre 2022 où elle illustre une victime des émeutes antigouvernementales en Iran, survenues en septembre 2022 (archivé ici).

Il s’agit d’une publication de Iran Human Rights Monitor-IHRM-, un regroupement qui dit dénoncer la violation des droits de l'Homme en Iran.

Cette année-là, de violentes protestations avaient éclaté à travers le pays à la suite du décès de Mahsa Amini, arrêtée par l’unité de police chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, dont le port obligatoire du foulard en public (dépêche AFP archivée ici). 

La photo actuellement virale est utilisée par IHRM pour dénoncer les violences des forces de l’ordre sur des civils.

Dans une réponse du 22 août 2024 à L’AFP, cette organisation a souligné qu’ils ne sont pas les auteurs de cette photo. 

Ils affirment qu’elle a circulé sur Internet pendant les manifestations qui ont embrasé l’Iran en septembre 2022 et qu’elle aurait été utilisée sur les réseaux sociaux par l’un des manifestants."La photo est devenue virale à ce moment-là, et nous l’avons obtenue sur internet, mais nous n’avons aucun lien avec le manifestant qui a partagé cette photo”, déclare à l’AFP, le porte-parole de l’IHRM.

Nous n’avons pas pu trouver cette photo dans des posts relatifs aux émeutes de 2022 en Iran. En revanche, on la retrouve dans un tweet (archivé ici) d’octobre 2022 (un mois avant l'article de IHRM) de Dr José Hiram Jeronimo, un infectiologue mexicain, cité dans un article d’un média de vérification (archivé ici). 

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Capture d’écran d’une publication sur Twitter, réalisée le 2 septembre 2024 et floutée par l'AFP

"Un cas sévère de VS avec plus de 250 lésions et surinfection", affirme Dr Hiram Jerónimo dans son tweet largement partagé. Il explique dans la section commentaires que l’acronyme "VS" désigne la "Variole du singe". "Oui,Oui, il est immunodéprimé", répond-il à un autre commentaire d’internaute sous son post, parlant du sujet en photo. 

Dans un commentaire publié le 17 août 2024 sous son ancien post, Dr José Hiram Jeronimo souligne que cette image n’est pas récente et qu’elle date plutôt "de l'épidémie de 2022" et montre "un cas particulier".  Il affirme que l’apparence du patient sur la photo n’est pas celle de la majorité des patients qui souffrent de la même infection. 

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Capture d’écran d’un commentaire sur X (ex Twitter), réalisée le 29 août 2024

"Il est fort probable que le patient en image ne souffre pas du nouveau variant du mpox identifé par l'OMS", a-t-il réitéré à l'AFP le 31 août 2024.

En outre, sous son ancien tweet, il dit se désoler que ce cliché soit abondamment utilisé par des "négationnistes" à des fins de “désinformation”. 

Dans un ancien rapport rédigé en espagnol, l’OMS indique que début mai 2022, des cas de variole du singe ont effectivement été signalés dans des pays où la maladie n'est pas endémique, notamment en Europe et Amérique du Nord, dont fait partie le Mexique (lien archivé ici). L’institution constatait que la maladie n’avait pas touché l’Afrique de l’Ouest ou centrale, "où le virus de la variole du singe est endémique." 

Cette nouvelle vague fait beaucoup plus de dégâts dans ces régions d’Afrique. 

Recrudescence 

Selon l'OMS, 5.281 cas de mpox ont été confirmés au 25 août sur le continent pour l'année 2024, et 60% des cas suspects se sont révélés positifs après avoir été testés (dépêche de l’AFP archivée ici).

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Une femme infectée par le virus de la mpox pose pour une photographie au centre de traitement de l’hôpital universitaire de Kamenge à Bujumbura, au Burundi, le 22 août 2024. (AFP / TCHANDROU NITANGA)

La recrudescence du mpox en Afrique, qui touche la République démocratique du Congo (RDC) et douze autres pays du continent, notamment le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l'Ouganda, et l'apparition d'un nouveau variant (1b) ont poussé l'OMS à déclencher le 14 août son plus haut degré d'alerte mondiale.

Près d'un million de doses de vaccin contre le mpox sont attendues en Afrique, épicentre d'une résurgence de ce virus, a déclaré le 28 août le directeur du Africa CDC (Centre africain de contrôle et de prévention des maladies) qui demande un transfert de technologie.

Le mpox est causé par différentes familles de virus, dits clades, et on peine à déterminer leurs différences intrinsèques en matière de dangerosité et de transmission.

Les morts recensés en RDC - plus de 500 sur un peu plus de 15.000 cas enregistrés - sont essentiellement des enfants.

Par contraste, les décès beaucoup plus rares de l'épidémie de 2022-2023  - quelque 200 sur environ 100.000 cas - concernaient en grande majorité des adultes au système immunitaire affecté par une infection au VIH.

Plusieurs pays, dont l'Espagne (500.000 doses), la France et l'Allemagne (100.000 doses) ont déjà promis d'envoyer des vaccins pour les pays africains, en première ligne de l'épidémie.

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