Non, cet ancien journaliste de RFI n'a pas été déchu de la nationalité française

Le militant radical panafricain Kemi Seba a perdu sa nationalité française le 8 juillet 2024 après une procédure extrêmement rare engagée par le ministère de l'Intérieur français. Dans la foulée, plusieurs publications sur les réseaux sociaux soutiennent que l'ancien présentateur de Radio France Internationale (RFI) Alain Foka a également été déchu de la nationalité française. Mais c'est faux, le journaliste d'origine camerounaise qui jouit d'une très grande popularité en Afrique de l'Ouest a démenti, et aucune trace d'un décret faisant état de la perte de sa qualité de Français n'a été publié récemment dans le Journal officiel de la République française. 

"Le gouvernement français vient de retirer au journaliste éditorialiste Alain Foka sa nationalité française ce jeudi 11 juillet", soutient l'auteur d'une publication partagée des dizaines de fois sur Facebook depuis le 11 juillet 2024. 

Dans les commentaires, nombreux déplorent cette soi-disant procédure engagée par la France à l'encontre du journaliste d'origine camerounaise. D’autres, au contraire, semblent s'en réjouir. 

Image
Capture d'écran Facebook effectuée le 24/07/2024
Image
Capture d'écran Facebook effectuée le 24/07/2024

Plusieurs autres pages et comptes Facebook ont partagé cette même affirmation depuis le 11 juillet (1, 2, 3, 4). 

Image
Capture d'écran Facebook effectuée le 24/07/2024

Durant trente ans, Alain Foka a été l'une des voix emblématiques de la radio publique française RFI sur le continent africain. Arrivé sur la chaîne  en 1994, il a produit et animé de nombreux magazines comme Archives d'Afrique, Afrique Plus et Le débat Africain. 

Le 17 octobre 2023, il annonce son départ de la radio dans une vidéo intitulée "Mes adieux à RFI" sur sa chaîne Youtube AFO MEDIA où il continue de proposer au public africain un grand nombre de contenus sur le continent. 

"L'histoire de la chasse doit cesser d'être racontée du seul point de vue du chasseur, l'Afrique a plus que besoin de son outil de soft power pour faire entendre sa lecture, et sa vision du monde", lance-t-il face caméra. 

C'est plusieurs mois après son départ de RFI que les publications soutenant que le gouvernement aurait engagé une procédure pour le déchoir de la nationalité française sont apparues sur les réseaux sociaux. Mais qu'en est-il ? 

Dès le 12 juillet, Alain Foka, à travers un montage vidéo partagé sur les réseaux sociaux, indique que cette assertion était un "fake" (archivé ici).

Contacté par l’AFP, Alain Foka a réaffirmé qu’il "s’agissait d’un fake des réseaux sociaux. Personne n’a entamé une telle démarche".

Sur le site de l'administration française service-public.fr, les conditions de perte de la nationalité pour un citoyen français sont détaillées: 

"Vous pouvez perdre la nationalité française si les 3 conditions suivantes sont remplies :
- Vous avez la nationalité d'un autre État
- Vous vous comportez comme le citoyen de cet État
- Vous avez commis des actes contraires aux intérêts de la France

Les motifs justifiant la perte de votre nationalité française vous sont notifiés. Vous avez alors 1 mois pour faire connaître vos observations. La décision est prise par décret après avis conforme du Conseil d'État", peut-on ainsi lire.

En France, les lois, ordonnances, décrets et arrêtés sont publiés au Journal officiel de la République française. 

Nous avons donc cherché à vérifier si un tel décret avait été publié récemment sur le site Legifrance. En vain. 

Aucun décret récent ne mentionne Alain Foka sur le site.

Une autre recherche par mot-clé via Google (Alain Foka + nationalité française) nous a aussi permis de constater qu’aucune communication officielle sur cette soi-disant perte de nationalité n’a été faite par le gouvernement français.

Contacté par l'AFP le 18 juillet, le ministère de l'Intérieur n'avait pas réagi. 

Les publications erronées ont été publiées deux jours après la publication dans le Journal officiel d'un décret pris le 8 juillet 2024 annonçant la perte de la nationalité française du militant radical panafricaniste Kemi Seba  (archivé ici). 

Stellio Gilles Robert Capo Chichi - son vrai nom -, 42 ans, "est déclaré avoir perdu la nationalité française", indique ce décret. 

Image
Le militant radical panafricaniste Kemi Seba le 26 juin 2020 (AFP)

En mars dernier, la préfecture du département de l'Essonne avait tenté d'interdire une conférence de ce militant, alors déjà visé par une procédure de déchéance de nationalité, décision suspendue par le tribunal administratif, selon cette dépêche de l'AFP  (archivé ici).

Dans la foulée, Kemi Seba, qui possède également la nationalité béninoise, avait publié en ligne une vidéo où il brûlait un document qu'il désignait comme étant son passeport français.

L'ancien leader de la Tribu Ka, groupuscule qui revendiquait son antisémitisme et prônait la séparation entre Noirs et Blancs avant d'être dissout par le gouvernement français en 2006, a été condamné plusieurs fois en France pour incitation à la haine raciale.

Il est aujourd'hui à la tête du groupe Urgences panafricanistes et dispose d'une certaine aura sur les réseaux sociaux.

Ces dernières années, Kemi Seba a organisé ou participé à plusieurs manifestations hostiles au franc CFA en Afrique, où il a été régulièrement interpellé, expulsé ou refoulé, notamment de Côte d'Ivoire, du Sénégal et de Guinée.

En France, il a été accusé l'an dernier par le député Renaissance Thomas Gassilloud, alors président de la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, d'être un "relais de la propagande russe" et de servir "une puissance étrangère qui alimente le sentiment antifrançais".

Selon le quotidien français Le Monde, qui cite un professeur de droit public, "c'est la première fois depuis les années 60 que le gouvernement recourt à l'article 23-7 du code civil" . 

En ce qui concerne Alain Foka, aucune démarche visant à le déchoir de la nationalité française n’a été lancée. AFP Factuel a souhaité savoir si le journaliste avait effectivement la nationalité française. M. Foka n’a pas répondu à cette question.

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter