Non, les violences n'ont pas baissé au Mali depuis 2022

Alors que des experts font état d'une dégradation de la situation sécuritaire au Mali depuis 2012, une cartographie utilisée sur les réseaux sociaux prétend qu'elle se serait nettement améliorée. Le message relayé par les internautes affirme que d’ici 2024, le "terrorisme aura disparu" dans ce pays où la junte malienne est résolue à rétablir la souveraineté de l’Etat dans la région du nord, contrôlée par des groupes jihadistes. Mais le message qui circule est faux : en réalité, la situation sécuritaire du Mali a empiré selon des experts contactés par l’AFP.

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Capture d'écran d'un post publié sur X (anciennement appelé Twitter) réalisée le 26 octobre 2023

"Voilà la situation sécuritaire du Mali de 2012 à 2023", affirme l'auteur d'un post (archivé ici) relayé sur X (anciennement appelé Twitter). Une cartographie censée montrer l’embellie sécuritaire du Mali au fil des ans, est associée à cette publication reprise sur Facebook (posts archivés ici et ici). "D'ici 2024 on ne parlera plus de terrorisme au Mali. Vive l'armée malienne !", s’exclame l’auteur de ce message publié le 21 octobre.

Il circule quelques semaines après le départ d’un convoi des forces armées maliennes (FaMa) vers la ville insoumise de Kidal, contrôlée par des groupes séparatistes (dépêche archivée ici). Le régime du colonel Assimi Goïta, président de la transition, s’est fixé pour objectif de rétablir la souveraineté de l’Etat central sur la totalité du territoire.

Mais selon des spécialistes contactés par l’AFP, la prétendue cartographie sur l’embellie sécuritaire qui circule sur les réseaux sociaux, ne reflète pas la situation actuelle au Mali.

Selon Kalilou Sidibé, analyste sécurité et coordonnateur au Mali, de l’Ong African Security Sector Network, cette carte est "un montage des multiples cellules propagandistes au Mali sous l’œil protecteur des réseaux russes".

Par ailleurs, la carte censée dater de 2022 fait l’objet d'une interprétation trompeuse. C'est la même carte que cellepubliée en août 2023 par l’ambassade de France au Mali. Elle montre précisément que le ministère français des Affaires étrangères a inscrit la totalité du Mali dans la zone rouge; entendue comme territoire formellement déconseillé "en raison des menaces terroristes prévalant dans la zone sahélienne".

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Capture d'écran d'une cartographie sécuritaire publiée en août 2023 sur ml.ambafrance.org

La carte de l’ambassade publiée en août 2023 est ainsi détournée pour montrer prétendument qu’en 2022, le Mali était intégralement sous le contrôle de groupes jihadistes "après 9 ans de collaboration-militaire, Ndlr- avec la France."

Ce que dément un consultant de l’organisation indépendante International Crisis Group contacté par l’AFP pour qui cette interprétation procéderait d’une stratégie "fomentée par des officines ou des individus ayant fait de cela leur principale activité."

Il affirme qu’"il n’y a jamais eu d’occupation de +groupes terroristes+ sur l’ensemble du territoire malien... En revanche, on peut parler de présence et d’activisme de groupes terroristes dans certaines localités qu’ils contrôlent."

M. Sidibé constate lui aussi une dégradation de la situation sécuritaire au Mali qu’il estime "pire qu’avant le coup d'État en 2020”. Il observe que “jusqu’en 2020, les régions du sud étaient relativement hors du champ d’attaques des groupes jihadistes”. Mais qu’en 2023, “aucune région n’est épargnée par des incursions et attaques jihadistes." Kalilou Sidibé dit déplorer le fait qu’après 8 ans de cessez-le-feu et d’absence d’affrontements, les combats aient repris entre les signataires de l’accord d’Alger.

Il s’agit d’un accord de paix signé en juin 2015 entre le gouvernement malien et des groupes armés ayant combattu les forces maliennes dans le nord du pays au début des années 2010.

"La violence visant les civils a augmenté"

Une récente étude (archivée ici) de l’Ong américaine ACLED, spécialisée dans l’analyse des crises politiques et conflits armés, soutient que "la violence visant les civils a augmenté de 38% au Mali depuis le début de cette année" 2023. Selon cette étude publiée en septembre, les principaux auteurs des attaques sont: l’organisation militaire et jihadiste appelé JNIM "(plus de 180 événements, 33 %), les forces de l'État malien et/ou le Groupe Wagner (près de 160 événements, 29 %) et l'Etat ismalique-EI-Sahel (près de 90 événements, 15 %)."

Contacté le 23 octobre 2023, le porte -parole de ACLED réitère que "la violence est actuellement en hausse au Mali et dans l’ensemble de la région, et non en déclin."

"Nos données indiquent que les incidents ont déjà augmenté d’environ 10 % entre le mois dernier et ce mois d’octobre, même si le mois d’octobre n’est pas encore terminé", précise à l’AFP, Sam Jones, chef du département communication de cette Ong.

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Le Mali est donc toujours en proie à d'intenses violences sécuritaires.

La mission de l’ONU quitte le Mali

Les groupes séparatistes à dominante touareg ont repris les hostilités contre l'Etat central, et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, a multiplié les attaques contre les positions militaires (dépêche archivée ici).

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Rassemblement lors des célébrations de la Journée de l’indépendance du Mali et d’une marche contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) sur la place de l’indépendance à Bamako le 22 septembre 2022. ( AFP / OUSMANE MAKAVELI)

Après dix années de présence au Mali pour tenter de stabiliser le pays en proie au jihadisme et à une crise multidimensionnelle profonde, la mission de l’ONU (Minusma) est poussée vers la sortie. La junte aux commandes depuis 2020 a réclamé son retrait en juin, proclamant son "échec". Elle l’accuse d'être instrumentalisée et politisée au détriment des droits humains.

Le retrait des quelque 11.600 soldats et 1.500 policiers - de dizaines de nationalités - qui étaient présents au Mali doit s'échelonner jusqu'au 31 décembre.

La Minusma a quitté son camp de Tessalit le 21 octobre. Avant celui de Tessalit, elle avait déjà transféré quatre camps aux autorités maliennes depuis le mois d'août.

Il reste encore notamment l'évacuation du camp de Kidal, ville bastion des séparatistes, qui s'annonce périlleux.

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