Maxime Bernier, en 2017 sur la photo, a affirmé sur Twitter que CO2 n'est pas de la pollution (AFP / Geoff Robins)

Dioxyde de carbone: une sémantique trompeuse

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 25 octobre 2018 à 21:07
  • Lecture : 3 min
  • Par : Louis BAUDOIN-LAARMAN
Dans un message sur Twitter, le chef du parti populaire du Canada Maxime Bernier a affirmé que le dioxyde de carbone (CO2) n’était “pas de la pollution”. Si le CO2 n’est pas défini à proprement parler comme de la pollution, ce gaz figure toutefois sur la liste des substances toxiques du Canada, et ses effets négatifs sur l’environnement, à commencer par sa contribution majeure au changement climatique, sont reconnus par la quasi-totalité des institutions scientifiques du monde.

Dans un tweet largement relayé, l’ancien ministre des affaires étrangères conservateur Maxime Bernier a déclaré que “le CO2 n’est pas de la pollution”. Le tweet était une critique du plan de tarification du carbone du gouvernement de Justin Trudeau, qui a annoncé le 23 octobre vouloir imposer une taxe fédérale aux provinces n’ayant pas encore adopté d’imposition sur le carbone, à savoir l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, et le Nouveau-Brunswick.

Bien que le mot pollution soit relativement peu utilisé en sciences en raison de l’imprécision du concept qu’il évoque, sa définition laisse peu de doutes quant au caractère erroné de la déclaration de M Bernier.

Le Petit Robert définit la pollution comme la “dégradation d’un milieu par l’introduction d’un polluant”, ce dernier étant lui-même défini comme “un agent provoquant une dégradation dans un milieu donné.”

Or, le dioxyde de carbone est mondialement reconnu comme un agent provoquant une dégradation. Au Canada, ce gaz à effet de serre (GES), c’est-à-dire un gaz occasionnant une augmentation des températures au sein de l’atmosphère terrestre, est sur la liste des substances toxiques de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) depuis 2005.

Pour être ajoutée à cette liste, longue de 141 substances en octobre 2018, un produit doit:

“a) avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique;
b) mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie;
c) constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.”

Le CO2 n’est pourtant pas le GES le plus néfaste pour l’atmosphère. Selon le ministère canadien de l’Environnement et du changement climatique, il n’a un potentiel de réchauffement climatique de 1, comparé à 12,200 pour certains perfluorocarbures (PFC). Il représentait en revanche 94 pour cent des émissions de GES déclarées en 2016 au Canada, et 65% dans le monde selon le rapport 2014 du GIEC.

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Tableau du potentiel de réchauffement par gaz à effet de serre (Ministère de l'Environnement du Canada)
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Tableau des parts d'émissions au Canada par gaz à effet de serre (Ministère de l'Environnement du Canada)

Le Canada n’est pas le seul pays à reconnaître la toxicité du gaz à effet de serre en hautes quantités. Le rapport publié en octobre 2018 par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), recommande de réduire de 45 %les émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 2010. afin de ne pas dépasser le seuil de réchauffement des températures mondiales de 1,5 degré, sur lequel est basé l’Accord de Paris sur le climat. Le GIEC est un organisme intergouvernemental affilié à l’ONU.

À plus petite échelle, ce sont 17 Académies nationales des sciences, dont la Société Royale du Canada, qui appelaient, dès 2001, à “rapidement prendre des mesures afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre,” dont le CO2 est le plus abondant.

Interpellé par les internautes et par ses pairs du Parlement fédéral, Maxime Bernier a maintenu sa position en ajoutant lors d’un point de presse improvisé que “le CO2 c'est essentiel à la vie, le CO2, par définition, ce n'est pas de la pollution,” avant de concéder que “trop de CO2 peut être toxique, oui.”

Au delà des nuances sémantiques entre toxicité et pollution, Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, estime que “ce genre de propos banalise le principal problème planétaire actuellement, c’est une ligne de climatosceptique, c’est comme si quelqu’un remettait en question la toxicité de la cigarette, ça n’a pas de sens,” a-il affirmé à l’AFP par téléphone.

L’imposition d’un plan de tarification du carbone ne fait pas consensus, mais l’impact négatif des gaz à effet de serres produits par l’activité humaine, et donc du CO2, est reconnu par 90 à 100% des climatologues, selon une étude regroupant des milliers de recherches sur le climat.  

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