Attention, cette vidéo montre en réalité 103 enfants transportés par l'association "l'Arche de Zoé" en 2007
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- Publié le 17 janvier 2020 à 16:40
- Mis à jour le 26 novembre 2020 à 14:22
- Lecture : 4 min
- Par : Monique NGO MAYAG
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"PLUS 2000 ENFANTS TROUVÉS DANS UN AVION SAISI AU TCHAD. DES ENFANTS VOLÉS AU BURKINA CÔTE D’IVOIRE MALI SÉNÉGAL GUINÉE". Une seule phrase, alarmiste, introduit la vidéo de 3 minutes et 30 secondes, visionnée plus de 780 000 fois selon le compteur de Facebook.
Elle comptabilise plus de 58 000 partages sur ce réseau social depuis sa publication le 8 décembre dernier.
On y voit notamment une délégation conduite par le président du Tchad, Idriss Déby, scruter un avion stationné sur le tarmac d’un aéroport, puis rendre visite à des enfants installés dans un local. Dans un brouhaha de cris et de pleurs, des membres d’ONG s’occupent de ces très nombreux bambins.
Cette vidéo a été publiée sur Facebook le 8 décembre 2019, par une page malienne appelée "RadioSalam Bko Mali". Elle a notamment été relayée sur un post du site "Benin Times" qui compte aujourd’hui 16 000 partages, sur une autre page Facebook ivoirienne ainsi que sur Youtube.
Dans les commentaires, ces images suscitent l’indignation.
Certains internautes croient y trouver l’explication de "récentes disparitions d’enfants" en Afrique de l’Ouest. D’autres se souviennent que cette vidéo est liée à une ancienne affaire qui avait fait scandale jusqu’en France en 2007: l’affaire de "l'arche de Zoé".
Une vidéo réelle mais hors contexte
Cette vidéo est bien réelle, mais elle est diffusée sans élément de contexte et le titre qui lui est associé est faux. Le logo AP qui apparaît sur les images est celui de l’agence de presse américaine Associated Press. On retrouve facilement la vidéo devenue virale sur le compte Youtube des archives de l’agence.
Elle y a été publiée le 21 juillet 2015 accompagnée d’un lien qui permet de la retrouver ensuite sur le site web des archives de AP.
Un document joint détaille les date et lieu du reportage et décrit précisément chaque plan et interview.
On y lit que ces images ont été tournées en octobre 2007 à Abeche. "Idriss Deby promet de punir le groupe ayant planifié d’emmener par avion des enfants vers la France", écrit AP en résumé du reportage.
En effet, en octobre 2007, l'association française "L’Arche de Zoé" avait tenté d'exfiltrer du Tchad vers la France 103 enfants prétendument orphelins réfugiés de la province du Darfour, située au Soudan voisin.
L'association, qui était enregistrée sous le nom de "Children Rescue" (un nom marqué sur les chasubles à 2’03” dans la vidéo) avait tenté d’évacuer des enfants, affublés de faux pansements.
L'évacuation de ces enfants avait été stoppée net le 25 octobre 2007 lorsque les bénévoles de l'association avaient été arrêtés en route vers l'aéroport d'Abéché, dans l'est du Tchad, où ils devaient les faire embarquer à bord d'un avion. Destination la France où les attendaient des familles d'accueil.
Au Tchad, L'Arche de Zoé avait caché aux autorités, pour des raisons de sécurité selon Breteau, le but ultime de l'opération.
Rama Yade , alors secrétaire d’État française aux Affaires étrangères et aux droits de l'Homme, avait estimé cette opération d'"illégale et irresponsable".
L’affaire s’était achevée avec la condamnation par la justice tchadienne de six Français, ensuite rapatriés en France, avant une grâce du président Deby, comme le rappelle une dépêche chronologique de l’AFP.
Le président de L'Arche de Zoé Eric Breteau et sa compagne Emilie Lelouch avaient été condamnés le 14 février 2014 par la cour d'appel de Paris à deux ans de prison avec sursis pour escroquerie, au préjudice de familles qui comptaient accueillir les enfants en France, et exercice illicite de l'activité d'intermédiaire à l'adoption.
Contacté le 9 octobre 2020 par le correspondant de l’AFP au Tchad, le ministre tchadien de la Justice, Djimet Arabi, a indiqué que tous les enfants, "essentiellement des réfugiés de Darfour", avaient été remis à leurs parents à Abeche. Douze ans après, les victimes attendent toujours une indemnisation, selon le ministre.