Attaque contre un commissariat à Val-de-Reuil, ce que l'on sait

Un "incident limité" pour la mairie, un "assaut d'une violence inouïe" pour le syndicat de police Alliance, voire un acte "islamiste" pour certains politiques... L'attaque du commissariat de Val-de-Reuil (Eure) dans la nuit du 27 au 28 juin, qui n'a pas fait de blessé, a suscité une vive polémique. A ce stade, c'est la piste d'une "vengeance" consécutive à l'expulsion de jeunes d'une piscine par la police, qui est étudiée par les enquêteurs, selon des sources concordantes interrogées par l'AFP.

C'est le syndicat de police Alliance qui a dénoncé l'attaque dès le lendemain des faits, décrivant dans un communiqué les "assauts" répétés et l'"agression d'une violence inouïe" menée par une trentaine d'"individus masqués et cagoulés".

Le 29 juin, la mairie relativise les faits dans un communiqué parlant d"un incident limité". Selon elle,  il s'agit de l'action d'un groupe initialement composé de sept jeunes, qui, après avoir vu un match de foot dans un café de la ville, aurait "décid(é) de jeter, à une distance d’une vingtaine de mètres, des pétards et des mortiers d’artifice"

Toujours selon la mairie, cinq policiers présents à l'intérieur ont alors dispersé le groupe, qui est ensuite revenu vers "2h30 du matin plus nombreux (environ une quinzaine) âgés de 12 à 18 ans (...) pour reprendre jets de pierre et pétards". 

"Le bilan de l’incident est d’une vitre cassée (...) L’affaire est close", a insisté la mairie dans ce communiqué. 

Pas pour le syndicat Alliance qui a refusé cette version des faits: "non, monsieur le Maire, les assaillants ne se comptent pas sur les doigts des mains, ils étaient bien une trentaine", réagit Alliance dans un nouveau communiqué, affirmant aussi que "les assaillants ne détenaient pas de vulgaires pétards mais bien des pierres, des blocs de béton et des mortiers d’artifices".

"Il ne s’agissait pas d’un jeu, les assaillants scandaient +on va vous crever, on va vous cramer, Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand", NDLR), assure encore le syndicat.

La passe d'armes prend une tournure politique. L'article du Figaro, intitulé "Un commissariat de l’Eure attaqué par des jeunes aux cris d’Allah Akbar", est massivement relayé notamment par des élus à l'instar de Marine Le Pen ou Eric Ciotti, qui reprochent au ministre de l'Intérieur Christophe Castaner de ne pas "réagir" et s'opposer à "l'islamisme". 

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Capture d'écran montrant une partie des partages des interactions suscitées par l'article du Figaro, analysées par l'outil Crowdtangle

Au 2 juillet en fin de journée, le ministre n'a pas réagi à cette attaque. Du côté du ministère de l'Intérieur, pas plus de précisions sur le déroulé des faits. "Toute attaque contre un commissariat, quelle que soit l'ampleur, est inacceptable", a déclaré le 2 juillet le ministère de l'Intérieur.

Que s'est-il passé ce soir-là ? 

Selon la procureure d'Evreux, Dominique Puechmaille, contactée par l'AFP le 1er juillet, cette attaque n'a pas fait de blessés, trois fenêtres ont été endommagées et une voiture banalisée a subi un impact.

"Trois séquences d'affrontements", ont eu lieu devant ce commissariat, dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 juin, selon la procureure. Les affrontements, étalés "sur une période de 40 minutes au total", ont duré chacun "quelques minutes".  

"Il y a eu un attroupement d'une trentaine de personnes mais tous n'ont pas participé", a-t-elle précisé, confirmant "des jets de pierre" et de "fusées d'artifice", pour au total une centaine de projectiles retrouvés, comme l'avaient indiqué nos confrères de Paris Normandie

Une enquête ouverte pour des faits de droit commun

Dominique Puechmaille a confirmé le 1er juillet à l'AFP l'ouverture d'une enquête en flagrance pour "dégradations sur un bien d'utilité publique, violences volontaires en réunion sur agent de la force publique et violences avec armes". Aucune incrimnation terroriste n'a été retenue à ce stade. 

Concernant les mots "Allah Akbar", "il y en a qui l'ont entendu, il y en a qui ne l'ont pas entendu", explique la procureure.  

Selon deux sources proches du dossier, contactée les 1er et 2 juillet par l'AFP, les mots "Allah Akbar" ont été entendus à plusieurs reprises par des fonctionnaires de police sur place. 

Selon des sources proches de l'enquête, la piste de "violences urbaines consécutives à l'expulsion d'un groupe de jeunes d'un équipement municipal" est étudiée. Plus tôt dans la journée, une trentaine de jeunes avaient été délogés d'une piscine par la police municipale. 

Interrogé le 1er juillet par nos confrères du Paris-Normandie, le maire de Val-de-Reuil a également évoqué des "palmiers" brûlés "la veille" par le même groupe. 

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Capture d'écran d'un article du Paris-Normandie réalisée le 02/07/2019

 Y'a-t-il eu des interpellations ?

A ce stade, non.

"Pour l'instant on n'a pas encore d'identification. On a des individus qui sont cagoulés, on a des images vidéos qui ne sont pas très bonnes. L'enquête est en cours", a affirmé la procureure Dominique Puechmaille à l'AFP. 

La mairie & le syndicat se rejoignent sur les conditions de travail 

Dans son communiqué vendredi, le syndicat Aliance dénonçait la situation de "policiers à bout, au bord de la rupture" et la  "souffrance" de ce commissariat de l'Eure en manque d'effectifs et de moyens.

La mairie, dirigée par Marc-Antoine Jamet (PS), a estimé que l'incident avait été "amplifié et utilisé pour témoigner de la grande misère de la police d’une des quatre grandes villes de l’Eure". 

Il y a bien un problème de "sous-effectif global du commissariat de Val-de-Reuil", confirme la procureure d'Evreux mais sans "impact sur le nombre de personnes qui assurent le service de nuit".

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