Une petite fille syrienne souriant à la demande d'un photographe ? L'histoire d'un cliché devenu viral
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- Publié le 26 décembre 2019 à 11:00
- Mis à jour le 26 décembre 2019 à 11:01
- Lecture : 4 min
- Par : AFP Brésil, AFP Mexique
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"Un journaliste a demandé à une fille syrienne de sourire pour un clic… Elle a souri avec toute la douleur dans ses yeux…". Partagée avec des commentaires dans plusieurs langues, à la fois en français, en anglais, en espagnol et en portugais, la photo de la fillette a suscité sur les réseaux sociaux de nombreuses réactions d'indignation contre l'attitude supposée du journaliste.
Alors que d'autres publications utilisant la même photo affirment qu'il s'agit d'une petite fille palestinienne, plusieurs sources concordantes nous confirment qu'elle est en fait irakienne.
L'exode causé par la bataille de Mossoul
En effectuant une recherche d'images inversée sur Google, nous avons retrouvé une trace de la photo sur le site communautaire Reddit, où l'un des utilisateurs cite comme source l'agence de presse Reuters.
Sur le site de cette dernière, la photo de la fille en pleurs est publiée dans une sélection consacrée à "l'exode de Mossoul". "Une enfant irakienne déplacée, qui a fui sa maison, en pleurs durant une bataille opposant les forces irakiennes aux combattants du groupe Etat islamique, près de Badouch [nord de l'Irak]", renseigne Reuters en légende.
En poursuivant via une recherche d'images inversée sur le moteur de recherche russe, Yandex, nous avons retrouvé le nom du photographe, Ali al-Fahdawi.
Un sourire spontané ?
Contacté par l'AFP via son compte sur Instagram, Ali al-Fahdawi affirme que la photo a été prise le 16 mars 2017. "J'étais avec l'armée en plein combat sur la ligne de front et cette fille accompagnée de sa famille fuyait les bombardements, elle se dirigeait vers nous en pleurs. Quand elle m'a vu, je lui ai souri un peu. Sur son visage, elle affichait un sourire et beaucoup de tristesse. C’était le moment décisif pour prendre la photo", raconte-t-il à l’AFP.
A ce moment-là, plus de 150.000 personnes fuyaient les combats à l'ouest de Mossoul (nord de l'Irak) et dans ses alentours, après le lancement de l'offensive des forces irakiennes pour reprendre la ville à l'EI. Plus de 98.000 personnes ont trouvé refuge dans les camps établis près de Mossoul.
La page Facebook "Women of Mosul" a également partagé la même photo en mai 2017 corroborant les dires du photographe et précisant le contexte du cliché.
"La fille de Mossoul ou la +Mona Lisa de Mossoul+ est un cliché du photographe de guerre irakien Ali al-Fahdawi. Cette petite fille et sa famille ont échappé aux forces du groupe Etat islamique en empruntant une route sinueuse et boueuse entre les collines sous un mauvais temps et de fortes pluies. Elle a marché pieds nus 40 kilomètres pendant deux jours. Lorsque le photographe a pointé l'appareil photo vers elle, son visage laissait transparaître un mélange d'émotions, de tristesse et de peur, et un sourire en voyant l'objectif pointé vers elle", explique la publication de la page.
Ali al-Fahdawi affirme avoir recherché la fillette durant trois ans après ce cliché. Le 4 septembre dernier, il a raconté sur sa page Facebook l'avoir finalement retrouvée après son retour d'exil à Mossoul, où la maison de la jeune fille avait été partiellement détruite par les bombardements.
Selon le récit de l'auteur de cette image, la fille au portrait viral sur les réseaux sociaux est irakienne et non syrienne, et il ne lui a pas été demandé de sourire puisqu'il n'y a pas eu d'échange entre elle et le photographe lors de leur première rencontre en 2017.
Ancien fief du groupe Etat islamique, la ville de Mossoul, prise en juin 2014, a été libérée par les forces irakiennes et leurs alliés en juillet 2017 après neuf mois d'intenses combats ayant causé un important exode de la population et des destructions considérables.
Quant au conflit en Syrie voisine, il a fait plus de 370.000 morts ainsi que des millions de déplacés et de réfugiés depuis le début de la guerre en 2011, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources dans le pays.
Traduit de l’espagnol par Salsabil Chellali.