"Taxe foncière multipliée par 7" : un visuel erroné
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- Publié le 17 février 2020 à 15:30
- Mis à jour le 18 février 2020 à 09:44
- Lecture : 4 min
- Par : François D'ASTIER
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La publication, diffusée lundi 10 février 2020 sur le groupe Facebook "Compteur officiel de gilets jaunes", relaye un édito économique de BFMTV qui a donné lieu à plusieurs articles (1,2,3) affirmant que "la taxe foncière (allait) exploser".
Dans son édito du 10 février, le journaliste Emmanuel Lechypre explique que "ce sont principalement les propriétaires de logements anciens (...) qui vont subir les augmentations les plus fortes avec des taxes foncières multipliées par 4,5,6, voir 7 par rapport à aujourd'hui".
L'intervention du journaliste de BFMTV est plus nuancée que le visuel trompeur diffusé sur Facebook. Il précise d'abord que ces changements n'interviendront pas avant 2026, mais également que les "hausses de cette ampleur resteront exceptionnelles" et que "certains (propriétaires) verront même baisser leur taxe foncière". Qu'en est-il ?
Qu'est-ce que la taxe foncière ?
Il s'agit d'un impôt local, payé par les propriétaires de biens immobiliers, dont les recettes reviennent actuellement aux collectivités locales.
Son montant sur l'avis d'impôt s'appuie sur la valeur locative cadastrale (VLC) du bien imposé, c'est-à-dire "le loyer annuel théorique que le propriétaire pourrait (en tirer) s'il était loué", explique Bercy sur son site.
On applique à cette valeur un abattement de 50% pour prendre en compte un certain nombre de charges fiscales (frais de gestion, d'assurance, d'amortissement, d'entretien et de réparation).
Un taux, voté par les collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements), est ensuite appliqué à ce montant.
Pourquoi la taxe foncière est susceptible d'évoluer ?
La valeur locative cadastrale (VLC) repose aujourd'hui sur une valeur donnée aux logements en fonction de leur degré de confort (surface, exposition, nombre de toilettes, de fenêtres, de douche, présence d'un vide-ordures, par exemple). Mais les critères d'appréciation de ce confort, qui datent de 1970, ont souvent été critiqués pour leur obsolescence.
"Dans les années 1970, le top du confort, c'était les barres HLM et les quartiers pavillonnaires. Leurs bases locatives étaient donc supérieures à celles de centre-villes dégradés et pas forcément entretenus", a expliqué à l'AFP Olivier Landel délégué général de France urbaine, l'association des grandes villes.
Actuellement, des logements très anciens de centres-villes sont ainsi beaucoup moins fiscalisés que des logements plus récents, alors que les normes d'habitat ont évolué. "On est dans un paradoxe, les populations les plus fragiles vivent dans les endroits où la taxe d'habitation (impôt qui repose également sur la VLC, ndlr) et la taxe foncière sont parfois les plus élevées", a estimé M. Landel.
Cela est amené à changer. "On a acté dans le projet de loi de finances 2020 (PLF) le lancement du processus de révision des valeurs locatives des locaux d'habitation", a dit à l'AFP Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, joint le 12 février.
L'article 146 du PLF établit en effet que "la valeur locative de chaque propriété (...) est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2023", contre 1970 auparavant.
"Cette révision porte sur 48 millions de locaux d'habitations et concerne 35 millions de propriétaires", a détaillé M. Dussopt. Mais comme l'indique le PLF, les résultats de cette révision ne seront "pris en compte" qu'à partir de l'année 2026 pour le calcul de la taxe foncière.
Peut-on parler d'un montant multiplié "par 7" pour les propriétaires ?
Non, a assuré le secrétaire d'Etat: "certains logements verront leur valeur locative revue à la hausse et d'autres à la baisse". La taxe foncière est donc susceptible d'augmenter pour certains propriétaires, mais également de diminuer pour d'autres.
"Tout l'enjeu, c'est de garantir une neutralité globale pour les propriétaires", a jugé Emma Chenillat, chargée des finances locales à l'association des petites villes de France (APVF).
"Des mécanismes de neutralisation sont prévus pour lisser les fortes hausses ou fortes baisses potentielles", relève-t-elle. Ils sont identiques à ceux utilisés dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, entrée en vigueur en 2017.
"Si la nouvelle valeur locative du logement se traduit par une variation forte de votre imposition, cette variation est plafonnée dans un sens comme dans l'autre à 5% par an", a résumé Olivier Dussopt, "et ce pendant 10 ans".
À l'heure actuelle, il est impossible de connaître précisément l'impact de cette réforme sur la fiche d'imposition de 2026.
"La révision des valeurs locatives à partir de 2023 permettra de récolter des données et d'estimer plus précisément son impact sur la taxe foncière des propriétaires. Il y aura des rapports intermédiaires avant sa mise en oeuvre en 2026", a expliqué M. Dussopt.
"L'objectif, c'est de restaurer de la justice fiscale sans augmenter les prélèvements obligatoires", a-t-il affirmé.