Sur le chômage et la pauvreté en France, les chiffres très exagérés de Marine Le Pen
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- Publié le 04 juin 2018 à 16:20
- Mis à jour le 04 juin 2018 à 16:25
- Lecture : 3 min
- Par : Jean-Gabriel FERNANDEZ
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“Ce que je crois, c’est qu’il y a trop de pauvres dans notre pays, qu’il y a trop de chômeurs”, a soutenu Marine Le Pen, présidente du nouvellement renommé Rassemblement National, au micro du Grand jury de RTL. Elle avance des chiffres : “Moi je crois que quand il y a 9 millions de chômeurs et 15 millions de pauvres, on s’attache à rendre du pouvoir d’achat aux Français (…) Je partage l’idée qu’il faut faire des économies. Je suis tout à fait en désaccord avec le gouvernement sur les domaines dans lesquels il faut faire des économies.”
Les personnes pauvres en France
Les "15 millions de pauvres" cités par Marine Le Pen semblent s'approcher du nombre de personnes vivant en France métropolitaine avec moins de 70% du revenu médian (soit 1.184€ par mois en 2015): cela représentait 14,34 millions de personnes en 2015.
Mais pour 2015, l’Insee estime (tableau 3) qu’il y avait 8,88 millions de personnes pauvres, soit 14,2% de la population totale et presque moitié moins par rapport aux 15 millions avancés par Marine Le Pen.
En effet, comme l’explique le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, la France définit le taux de pauvreté à 60% du revenu médian, même si elle “publie aussi des taux de pauvreté selon d’autres seuils (40 %, 50 % ou 70 %)”. En 2015 est donc considéré comme pauvre un individu disposant de moins de 1.015€ par mois.
L'Union européenne a elle aussi des statistiques sur le "taux de risque de pauvreté": cela correspond aussi aux personnes dont le revenu disponible est de 60% du revenu médian national. D'après ces statistiques, 13,6% de la population française "risquait la pauvreté" en 2016, une proportion qui est donc très comparable à celle avancée par l'Insee.
Ces chiffres n'empêchent pas de noter que toujours selon l'institut de statistiques, la proportion de personnes pauvres en France a augmenté de près d'un point entre 2006 et 2015, passant de 13,1% de la population à 14,2%.
Les chiffres du chômage
Marine Le Pen a aussi affirmé dimanche qu'il y avait "neuf millions de chômeurs" en France.
Selon Pôle Emploi, pourtant, il y avait en France entière au premier trimestre 2018 5,93 millions de personnes inscrites en recherche d’emploi en catégories A, B et C, les catégories A étant les seuls chômeurs n'ayant absolument aucun emploi.
Même en y ajoutant les catégories D et E (personnes en formation, ayant déjà un emploi, etc.), le nombre total d’inscrits à Pôle Emploi atteignait au maximum 6,56 millions au 1er trimestre 2018.
L’Insee, qui compte différemment via un sondage très large, estime lui sur la même période qu'un peu plus de quatre millions de personnes étaient en recherche d’emploi en France métropolitaine. 2,59 millions de Français (8,9% de la population active) sont comptabilisés comme chômeurs au sens du Bureau International du Travail et 1,5 million de personnes est recensé comme “souhaitant un emploi sans être considérés au chômage”.
Aucune estimation n’atteint donc les 9 millions de chômeurs évoqués Marine Le Pen. Un article du Parisien fin 2012 évoquait bien le chiffre de "près de neuf millions" de chômeurs, mais il comptabilisait "les sans-emploi +fantômes+ et les victimes de temps partiels subis qui souhaiteraient travailler plus sans pouvoir le faire". Le chiffre, donné sans source précise, semblait provenir d'associations de chômeurs. Depuis, le taux de chômage a de toute façon décru en France, d'après l'Insee.
Ce n’est pas la première fois que des chiffres erronés sur la pauvreté et le chômage sont cités pour justifier une position politique. En mars 2017, Jean Lassalle, alors candidat à la présidentielle, parlait de “8 millions et demi de pauvres, presque 10 millions de chômeurs” sur LCI. En avril 2017, Marine Le Pen elle-même évoquait “7 millions de chômeurs et 9 millions de pauvres”, bien en-deçà des chiffres qu’elle a donnés hier.