Benjamin Griveaux à Charleville-Mézières, le 7 novembre 2018 (AFP / Ludovic Marin)

Si, un hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre dont Pétain était bien initialement prévu

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a affirmé mercredi soir sur Facebook qu'"aucun hommage ne sera rendu à Pétain samedi" et qu'il "n'en a jamais été question". Un hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre, dont Philippe Pétain, a pourtant bien été évoqué à plusieurs reprises, y compris par Emmanuel Macron mercredi 7 novembre.

Après une journée de polémique sur l'hommage prévu le samedi aux Invalides aux huit maréchaux de la Grande Guerre dont Pétain, M. Griveaux a tenté d'éteindre la polémique via une publication sur Facebook mercredi vers 21 heures.

"Aucun hommage ne sera rendu à Pétain samedi. Il n’en a jamais été question. Nous avions annoncé que nous honorerions les maréchaux de la Grande Guerre. Certains en ont déduit que Pétain en faisait partie ; ce n’est pas le cas. S’il y a eu confusion, c’est que nous n’avions pas été suffisamment clairs sur ce point" explique notamment M. Griveaux.

Il a pourtant été bien question d'un hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre incluant Philippe Pétain.

Le 18 septembre :  le dossier de presse de la Mission du centenaire

C'est la Mission du centenaire de la Première guerre mondiale qui l'a d'abord évoqué le 18 septembre dans son "dossier de presse" à l'occasion du "lancement du programme national commémoratif 2018" à Clermont-Ferrand. Ce lancement avait été fait par la secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées Geneviève Darrieussecq et par le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer.

L'AFP, présente ce jour-là à la conférence de presse, avait obtenu ce dossier dans sa version papier. Le voici :

Ce dossier de presse avait aussi été publié par le site de la préfecture du Puy-de-Dôme, et l'information sur une cérémonie sous ce format-là avait aussi été publiée en texte sur la page du ministère de l'Education nationale. 

L'AFP a toutefois constaté jeudi 8 novembre que la mention de cette cérémonie sous cette forme a disparu du site de la Mission du centenaire, centenaire.org, du site de la Préfecture du Puy-de-Dôme et de la page de l'Education nationale.

Google garde encore toutefois retrouver trace de la première, comme le montre la capture d'écran de la recherche ci-dessous.

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Capture d'écran d'une recherche Google réalisée le 8 novembre 2018 (AFP)

Le site d'archivage d'Internet Wayback Machine permet de retrouver une version du 19 septembre de la page du site de l'Education nationale sur laquelle figure encore cette mention d'une cérémonie d'hommage aux huit maréchaux.

Nos confrères de Mediapart ont aussi publié le dossier de presse complet.

Une nouvelle version du dossier de presse existe désormais, sans mention de cette cérémonie aux Invalides, comme on peut le voir aux pages 20 et 21 de ce document : 

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dp-lancement_1809_centenaire.pdf

Le 18 octobre : l'Elysée annonce l'absence de Macron à la cérémonie

Le 18 octobre, l'Elysée annonce que le président n'assistera pas à cette cérémonie, tout en concédant l'importance pour les militaires de célébrer des "victoires" et des "chefs parfaitement dignes".

"Il n'y a pas un président de la République de la Vème République qui n'a pas su éviter, contourner les problèmes posés par cette mémoire particulière et ce sera encore le cas à cette occasion", constate alors le conseiller mémoire de l'Elysée, Bruno Roger-Petit.

Le 6 novembre : la cérémonie aux "chefs militaires"

Le 6 novembre, l'état-major des armées précise à l'AFP que la cérémonie, devenue un hommage aux "chefs militaires" de 1914-18, dont les huit maréchaux de Joseph Joffre au chef du régime de Vichy Philippe Pétain, aura lieu le samedi 10 novembre, en présence du chef d'état-major particulier du président, l'amiral Bernard Rogel.

"C'est une cérémonie en hommage aux chefs militaires, du caporal au général", déclare le colonel Patrick Steiger, porte-parole du chef d'état-major des armées, sans citer Pétain.

Cinq des huit maréchaux recevront un hommage spécial : ils seront "nommément honorés" par un dépôt de gerbe, ceux qui ont leur tombeau aux Invalides, ajoute-t-il. Pétain n'est donc pas inclus dans cette partie de la cérémonie : frappé d'indignité nationale pour son rôle dans le régime de Vichy, il est inhumé à l'île d'Yeu. 

Le général François Lecointre, chef d'état-major des armées, a proposé cet hommage qui a "été validé par l'Élysée", souligne alors son porte-parole.

Le 7 novembre au matin : les propos d'Emmanuel Macron

La polémique tient son détonateur lorsqu'Emmanuel Macron, mercredi 7 novembre, juge "légitime" de rendre "hommage (samedi) aux maréchaux qui ont conduit l'armée à la victoire", y compris Pétain.

Les propos du chef de l'Etat, prononcés juste avant un Conseil des ministres délocalisé à Charleville-Mézière, ont été diffusés dans leur intégralité par ce compte Twitter de l'Elysée.

Voici le verbatim de l'échange avec Jean-Rémi Baudot, journaliste d'Europe 1 :

Journaliste : "- Faut-il rendre hommage au maréchal Pétain ?​"
Emmanuel Macron : "- Non mais je l'ai dit, comme chaque année il y aura un hommage qui sera fait aux maréchaux et après il y a l'histoire dans sa complexité mais les maréchaux (...). Cette histoire est connue parfaitement (...). Sur ce sujet, je vais être très clair : on connaît le rôle que Pétain a eu pendant la Première Guerre mondiale en tant que maréchal, on connaît ensuite son rôle dans l'Histoire, et ceci la vie politique française et les historiens l'ont jugé, mais je considère qu'il est tout à fait légitime que nous rendions hommage aux maréchaux qui ont conduit aussi l'armée à la victoire et que cet hommage soit rendu comme il l'est d'ailleurs chaque année par l'armée française. Mon chef d'état-major particulier sera présent à cette cérémonie et je ne fais aucun raccourci mais je n'occulte aucune page de l'histoire. Le Maréchal Pétain a été pendant la Première Guerre mondiale aussi un grand soldat, voilà, c'est une réalité de notre pays, c'est aussi ce qui fait que la vie politique comme l'humaine nature sont parfois plus complexes que ce qu'on voudrait croire. On peut avoir été un grand soldat à la Première Guerre mondiale et avoir conduit à des choix funestes durant la Deuxième".
Journaliste : "- Vous comprenez que ça choque ?"
Emmanuel Macron : "- Mais mon rôle n'est pas de comprendre que ça choque ou de commenter les gens, mon rôle est d'essayer d'expliquer et de porter des convictions. J'ai toujours regardé l'Histoire de notre pays en face. Je me suis toujours opposé aux idées... au défaitisme français lorsqu'il a pu exister, à la complaisance avec toute idéologie... Vous ne pouvez pas reprocher à moi d'avoir été ambigü sur ce point. J'ai toujours été absolu dans ce combat. Mais je reconnais aussi la part que les maréchaux ont joué, que notre armée a joué dans la victoire française. Nous sommes en train de célébrer le centenaire de la victoire... et de la paix. La victoire d'une nation combattante. C'est pour ça que j'ai voulu que les Poilus et ceux de 14 rentrent au Panthéon, et c'est aussi la victoire d'une armée française et de ses maréchaux, et donc il est normal de les célébrer et de permettre à l'Armée française de le faire."

Le 7 novembre au soir : l'hommage à huit maréchaux devient hommage à cinq

Dans la soirée de mercredi, l'état-major des armées publie un communiqué sur le "déroulement de la cérémonie du 10 novembre", sans plus mentionner l'hommage à tous "les chefs militaires".

"Comme tous les ans, le 10 novembre, le Président de la République, chef des armées, fera fleurir la tombe du maréchal Foch, sous le dôme des Invalides", note-t-il.

"Au cours de cette cérémonie militaire, le chef d'état-major des armées rendra également hommage aux quatre autres maréchaux enterrés aux Invalides (Lyautey, Maunoury, Fayolle et Franchet d’Espèrey)", ajoute le communiqué.

Exit donc Pétain mais aussi Joffre et Gallieni.

EDIT 08/11 : paragraphe de la citation de Bruno Roger-Petit édité.
EDIT 09/11 : verbatim des déclarations de Macron du 07/11 complété
ajout de Nicole Deshayes comme co-auteure de l'article

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