Le directeur de la communication du FN David Rachline, le 26 avril 2017 à Paris lors d'une cofnérence de presse / AFP / Thomas SAMSON (AFP / Thomas Samson)

Rachline (FN) ne connaissait pas la revue radicale à laquelle il a donné un entretien ? Peu crédible

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 22 novembre 2017 à 13:00
  • Mis à jour le 23 novembre 2017 à 10:05
  • Lecture : 5 min
  • Par : Guillaume DAUDIN
Depuis dimanche, le FN et David Rachline affirment que celui-ci ne connaissait pas le trimestriel radical d'extrême droite, Réfléchir & Agir, une revue aux accents parfois complotistes, négationnistes ou antisémites, auquel il a accordé un entretien. Une information peu crédible, au vu du parcours politique du dircom du FN et des éléments recueillis par l'AFP.

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Photo de l'interview de David Rachline à Réfléchir et Agir (DR)

Dans le numéro d'automne 2017 de cette revue, le maire de Fréjus (Var) affirme que "oui", le FN peut un jour accéder au pouvoir. "Le chantier de la souveraineté déterminera tout le reste", d'après lui, et "passe par la maîtrise de nos frontières, de notre économie, de notre monnaie et bien évidemment de notre identité". Au détour des quatre pages, M. Rachline revient sur son expérience en tant que maire de Fréjus ou retrace son parcours politique. 

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Un extrait du numéro 57 du trimestriel Réfléchir et Agir (DR)

Problème: son entretien voisine avec des passages à connotation conspirationniste, antisémite, négationniste ou homophobe. Dans ce numéro 57, la Shoah y est ainsi qualifiée de "religion", de "thèse" ou de "croyance", "partie de rumeurs dès 1943 claironnées par le Congrès juif mondial complétées après guerre par des récits invraisemblables et souvent contradictoires entre eux".

L'écrivain Edouard Louis est lui désigné comme une "tafiole", on évoque la "pourriture LGBT", on demande à "un islamiste" d'"écraser la rédaction" du magazine Les Inrocks "au grand complet".

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Un extrait de la revue trimestrielle Réfléchir et Agir n°57 (DR)

Elle affiche une photo de 2008 de la chancelière allemande Angela Merkel en compagnie de Reinold Simon, ancien patron du B'nai Brith, la plus ancienne association juive humanitaire mondiale, sous le titre "Une démocratie sous contrôle".

Le sénateur Stéphane Ravier et deux conseillers régionaux d'Occitanie du parti de Marine Le Pen y donnent aussi un entretien dans ce même numéro consacré justement au FN.

Marine Le Pen a pris sa défense, dimanche au Grand Jury-RTL-LCI-Le Figaro (vers 50'): "Je suis pas au courant de cette affaire mais s'il a donné cette interview, je pense qu'il ne savait pas la nature de ce journal" affirme-t-elle.

L'intéressé lui-même s'est défendu à trois reprises: "C'est une interview que j'avais réalisée par mail, sans savoir précisément de qui il s'agissait", explique-t-il lundi sur RMC (vers 17'). Interrogé sur des connotations "nazies" de la revue, le maire de Fréjus répond: "La revue en question n'est pas je crois, n'a pas ces affinités-là et encore heureux, moi je suis pas en phase avec ces idées politiques, je pense que vous vous en doutez".

Mardi matin, sur Sud Radio (vers 3'), il indique qu'il ne connaissait pas "les excès" de Réfléchir et Agir. "Je ne l'aurais pas fait si j'avais su tout ça" ajoute-t-il.

Enfin, mardi en début de soirée sur Cnews (vers 8'30), il redit qu'il n'était pas au courant du pedigree du trimestriel: "En période de campagne électorale, on répond à énormément de journalistes au téléphone, on sait pas à quelle revue on s'adresse."

"Il faut lire ce que j'ai indiqué dedans, ce que j'ai dit, mon propos est intéressant, dans mon propos vous ne verrez rien de répréhensible", souligne-t-il aussi.

Trois justifications qui sont venues un mois après un premier tweet sur le sujet, où il ne disait pas ne pas connaître la publication.

David Rachline ne connaissait pas cette revue ? Rien ne vient le contredire catégoriquement. Mais de nombreux éléments permettent d'en douter.

Pour le politologue Jean-Yves Camus, interrogé par l'AFP, "si vous êtes issu du milieu nationaliste, vous savez à qui vous parlez": appelant dans de précédentes Unes à "buter la République" ou affichant un Palais de la République surmonté d'un drapeau tricolore orné d'une étoile de David avec le qualificatif "abjection", la revue est issue de la mouvance nationaliste-révolutionnaire de l'extrême droite, farouchement antisioniste, anti-globalisation, anti-libéralisme et anti-système.

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L'essayiste d'extrême droite Alain Soral, le 12 mars 2015 à Paris - AFP / Loïc Venance (AFP / Loic Venance)

David Rachline était proche de cette mouvance dans les années 2000. En 2015, dans un portrait AFP, il a reconnu avoir été à la fin des années 2000 membre d'Egalité et Réconciliation, le mouvement d'Alain Soral, l'une des figures de la mouvance. Sur ses blogs de l'époque, désactivés mais que l'on peut retrouver via l'outil Web Archive, on retrouve nombre de traces de ces affinités.

M. Rachline annonce ainsi la venue "exceptionnelle", le 23 mai 2008, de "l'intellectuel français dissident" Alain Soral à Fréjus. Il en publie un album photo, des vidéos, et surtout un texte préalable, le 5 mai 2008, intitulé "Pour le droit au blasphème".

M. Soral, qui s'en prend à la "judéomanie délirante", y commence ainsi :  " Monsieur Le Pen a tort, la chambre à Gaz n'est pas un détail. Monsieur Le Pen a profondément tort, la chambre à gaz est tout sauf un point de détail, c'est même aujourd'hui, plus qu'hier encore, la religion, le dogme autour duquel tourne toute l'époque contemporaine. Dans l'ordre du sacrifice fondateur, la chambre à gaz a remplacé la croix du christ".

M. Rachline publie aussi plusieurs articles de Christian Bouchet, ex-cadre et candidat FN, figure de la mouvance nationaliste-révolutionnaire, qui écrit encore dans le numéro 57 de Réfléchir et Agir.

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Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et David Rachline, en septembre 2014 à Fréjus (AFP / Valery Hache)

Pour un autre frontiste du Sud, "David Rachline il sait très bien ce qu'il fait. C'est quand même un signe politique qu'il envoie, très fort. Réfléchir et Agir, ça n'a rien à voir avec Minute", hebdomadaire d'extrême droite, "c'est beaucoup plus lourd de sens. C'est antisémite et néonazi."

Un salarié d'un élu FN tempère: certes, David Rachline ne "vient pas du Modem... Après c'est possible que ça lui soit sorti de la tête… Je ne vois pas son interet à déclencher volontairement une polémique à son sujet non plus..." Cette source se dit "affligée par au mieux, l'amateurisme, si c'est par inadvertance, au pire la stupidité si c'est volontaire".

Contactée, la rédaction de Réfléchir et Agir n'avait pas répondu mercredi en début de soirée, pas plus que le sénateur FN Stéphane Ravier. M. Rachline a lui déclaré à l'AFP avoir "déjà tout dit" à ce sujet.

Billet édité jeudi 23 novembre avec un paragraphe présent en double retiré.

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