Une capture d'écran du site cnpnews, en mars 2018 (DR / AFP)

Non, l'Université Al-Azhar n'estime pas que le voile n'est pas une obligation islamique

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"L'Université d'Al-Azhar a enfin statué: le voile n'est pas une obligation islamique" affirment ces dernières années divers sites internet. Cette information, largement reprise, est pourtant fausse: la grande institution de l'islam sunnite basée au Caire considère le port du voile comme une obligation.

Un article de cnpnews.net de juillet 2017, rediffusé sur Facebook ces jours-ci, reprend cette supposée information: "la prestigieuse université d’Alazhar vient de statuer sur le débat autour du port du voile suite à une thèse de doctorat défendue par Cheikh Mustafa Mohamed Rached, un éminent professeur de la charia et du droit islamique connu pour ses innombrables travaux et publications."

Or comme l'explique Samer Al-Atrush, chef adjoint du bureau de l'AFP au Caire, ce qui est considéré comme la plus haute institution sunnite avait déjà démenti cette information en 2012, dans un texte publié notamment par l'agence Mena: "Azhar a rejeté les affirmations selon lesquelles sa branche chargée de la charia à Damanhour aurait accepté un doctorat venant d'un chercheur affirmant que le hijab n'est pas une obligation... et elle le poursuivra pour avoir occasionné de la confusion dans l'esprit de certaines personnes".

Pour notre journaliste, affirmer que le voile est une "tradition" serait absurde venant d'une institution sunnite "conservatrice" comme Al-Azhar, pour qui le voile est une "obligation".

Samer Al-Atrush rappelle toutefois les propos de l'ancien cheikh d'Al-Azhar, Mohammed Sayyed Tantaoui, décédé en 2010, qui avait dit fin 2003 que les femmes devaient dans les pays où c'est le cas se conformer aux lois interdisant le voile même si celui-ci est une obligation.

S'exprimant alors sur le projet de loi interdisant les signes religieux "ostensibles" à l'école publique en France, il avait estimé que les responsables français avaient "le droit" de promulguer une telle loi.

"Le voile est une obligation divine, pour la femme musulmane (...) Aucun musulman, qu'il soit gouvernant ou gouverné, ne peut s'y opposer", avait affirmé cheikh Tantaoui dans un discours de bienvenue lors d'une visite de Nicolas Sarkozy, alors ministre français de l'Intérieur.

Mais, avait-il poursuivi, cette obligation est valable "si la femme vit dans un pays musulman. Si elle vit dans un pays non musulman, comme la France, dont les responsables veulent adopter des lois opposées au voile, c'est leur droit".

"Je répète: c'est leur droit et je ne peux pas m'y opposer", avait-il insisté, affirmant versets coraniques à l'appui qu'une musulmane qui se conforme à la loi d'un pays non musulman n'a pas à craindre le châtiment divin.

La France applique la "laïcité et celui qui conteste cette politique doit quitter le pays", avait-il ensuite déclaré dans un entretien début 2004 au quotidien Al-Charq al-Awsat. "Ils (les Français) sont laïques, ils n'acceptent pas l'intervention de la religion dans leurs affaires. Il s'agit d'une affaire interne", avait-il ajouté, en réaffirmant que le port du voile restait une "obligation" religieuse pour les musulmanes.

Cette position avait suscité de nombreuses critiques à l'époque. "Pour beaucoup d'oulémas musulmans, si vous êtes dans un pays qui n'autorise pas à pratiquer l'Islam en suivant ses préceptes, vous devez partir. Et vous devez éviter d'émigrer dans un pays qui n'autorise pas à pratiquer l'Islam en suivant ses préceptes", rappelle Samer Al-Atrush.

L'imam Tantaoui avait aussi déclenché une vive polémique fin 2009 en Egypte en affirmant que "le niqab n'est qu'une tradition" qui n'a "pas de lien avec la religion". Cette position-là est toujours celle d'al-Azhar.