
Non, l’ONU n'a pas affirmé qu'il y a 5,6 milliards de femmes et 2,2 milliards d’hommes dans le monde
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 02 octobre 2020 à 16:50
- Lecture : 5 min
- Par : AFP Kenya, Mary KULUNDU
- Traduction et adaptation : Sadia MANDJO , Marin LEFEVRE
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"Pénurie d’hommes dans le monde", alerte en majuscules et en gras une publication Facebook partagée plus de 200 fois depuis le 28 septembre. On y lit que "la planète terre est peuplée par 7,8 milliards de personnes” (sic) dont "5,6 milliards" de femmes et "2,2 milliards" d’hommes.
Ces chiffres proviendraient d'un rapport démographique datant du premier trimestre 2019 et publié par les Nations Unies (Onu), comme semble confirmer un logo de l’organisation, en haut à gauche de la photo qui accompagne la publication.

Le texte apposé à cette photo insiste sur la seconde partie du fameux rapport, qui établirait que "2 à 3 milliards (de femmes) seraient sans maris, donc des femmes célibataires" et que "1 milliard (d'hommes) sont déjà mariés".
Selon l'internaute qui diffuse ces allégations, la "légalisation de la polygamie dans le monde" pourrait donc être la "solution pour donner une chance à certaines filles célibataires".
La source qui aurait relayé cette information est le site www.independent.ng, un journal nigérian qui se présente comme "le journal le plus lu par les élites économiques et politiques". L'adresse de ce site est indiquée sous la phrase annonçant la publication du rapport.
Ces chiffres circulent depuis au moins juin 2019 sur les réseaux sociaux anglophones (1, 2) comme l’avait noté le blog anglophone de vérification de l'AFP.
Selon l'outil de mesure d'audience sur les réseaux sociaux CrowdTangle, des publications identiques circulent également en français depuis cette date (1, 2, 3).

Contacté par l’AFP en juin 2019 au sujet de ces chiffres, Fredrick Okwayo, conseiller technique sur les questions démographiques au Fonds des Nations Unies pour la population avait démenti ces chiffres.
"L’ONU ne publie pas de données démographiques sur une base trimestrielle", avait-il déclaré. "L’ONU publie des rapports démographiques tous les 3-4 ans et le rapport le plus récent sur l’évolution de la population mondiale a été publié le 17 juin 2019".
Selon ces derniers chiffres, la population mondiale s’élevait à 7,713 milliards d'êtres humains, dont 3,824 milliards de femmes et 3,889 milliards d'hommes.
En réalité, lorsqu'on se penche sur chacun d'entre eux, chaque chiffre relayé par cette publication est erroné.
Femmes célibataires
Il n'y a pas "2 à 3 milliards" de femmes célibataires dans le monde comme l'affirme la publication.
Selon un sondage de l'entreprise américaine Gallup publié en mars 2020, 29% des femmes ne seraient pas mariées dans le monde. Parmi elles, 16% n'auraient pas d'enfants.
Si l'on applique cette proportion aux dernières données démographiques de l'Onu (3.824 milliards de femmes dans le monde en 2019), on arriverait ainsi à environ 1,1 milliard de femmes non mariées, loin des proportions évoquées dans la publication.
Quant aux hommes mariés, l'AFP n'a pas été en mesure de trouver un chiffre pour l'ensemble des hommes dans le monde.
La proportion du nombre d'hommes mariés par pays et par classe d'âge est néanmoins disponible sur le site des Nations Unies.
Prison et maladie mentale
L'internaute qui partage cette capture d'écran ne partage pas uniquement des chiffres erronés en ce qui concerne les femmes et les hommes. Il affirme également que "130 millions (d'hommes) sont en prison et 70 millions sont atteints de maladie mentale".
Selon la dernière édition de la World Prison Population List élaoborée par l'Institute for Crime & Justice Policy Research, un organe de l'université de Londres, et mise à jour pour la dernière fois en septembre 2018, "plus de 10,74 millions de personnes seraient détenues dans le monde".
Si ce rapport ne précise pas le genre des personnes incarcérées, leur nombre total est de toute façon bien inférieur aux allégations (130 millions) de la publication.
Quant aux hommes qui présenteraient une maladie mentale, selon l'étude "Global Burden of Disease Survey" (GBD) disponible sur la base de données en ligne GHDx et produite par l'Université de Washington, ils seraient un peu plus de 467 millions en 2017. Soit presque sept fois plus que ce que la publication virale prétend.

Au total, toujours selon cette base de données, près d'un milliard de personnes souffriraient de maladies mentales dans le monde.

Les chercheurs et chercheuses à l'origine de ces chiffres précisent dans la revue médicale américaine The Lancet, qui a publié ces résultats, que les données pour l'année 2017 pour l'ensemble de l'étude GBD ont été obtenues en croisant "un total de 68.781 sources".
Ces sources incluent, entre autres, des enquêtes faites auprès des populations, la consultation des demandes d'indemnisation faites auprès de services d'assurance maladie et l'analyse de dossiers de patients hospitalisés.
Par ailleurs, l'étude GBD note que l'évolution depuis les premières mesures (en 1990) est plus favorable pour les femmes en ce qui concerne les maladies mentales que pour les hommes.
