Non, l'importation de boeuf aux hormones, saumon transgénique ou poulet au chlore n'est pas autorisée en France
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- Publié le 22 février 2019 à 20:07
- Lecture : 5 min
- Par : Guillaume DAUDIN, Clément ZAMPA
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Le chef de file du Rassemblement national pour les élections européennes a affirmé le 9 février à Saint-Ebremond-de-Bonfossé (Manche), lors d'un meeting pour les élections européennes, ceci :
La déclaration a été reprise dans un tweet :
? « C’est au nom de cette libre circulation de tout et de n’importe quoi que l’on autorise l’importation en France de bœuf aux hormones, du saumon transgénique ou encore de poulets lavés au chlore... » #Manche #OnArrive pic.twitter.com/YZ3lFzA5jg
— Jordan Bardella (@J_Bardella) 9 février 2019
Que dit la législation européenne sur le sujet ?
La Commission européenne a déjà démenti à plusieurs reprises ces informations.
Le bœuf aux hormones, le poulet lavé au chlore ou le saumon transgénique sont tous interdits en Europe ?
— Commission européenne ?? (@UEFrance) 27 novembre 2018
Aucun accord commercial ne permet leur importation : tous les produits interdits en Europe le restent → https://t.co/i3PjlIROrT #DecodeursUE pic.twitter.com/8L8TuuRuQC
Voilà ce qu'il en est dans le détail :
- Sur le "boeuf aux hormones", depuis 1988, la réglementation européenne interdit l'utilisation d'hormones de croissance dans l'alimentation animale.
En représailles, et en accord avec une décision de l'OMC, les Etats-Unis avaient imposé en 1999 des sanctions douanières sur certains produits du terroir, provoquant notamment de vives protestations en France et le "démontage" d'un restaurant McDonald's à Millau, dans le sud-ouest.
Aux termes d'un compromis en 2009 (amendé en 2014), les Etats-Unis avaient finalement levé leurs sanctions et l'UE ouvert un quota d'importation de boeuf étranger "de haute qualité", incluant le boeuf américain, tout en maintenant son veto sur le boeuf aux hormones.
Mais ce quota a surtout été utilisé par d'autres pays producteurs de boeuf, comme l'Australie, l'Uruguay ou l'Argentine, ce qui a conduit fin 2016 l'administration Obama à menacer l'UE de rétablir les droits de douane de 1999.
Il n'y "aura jamais de boeuf aux hormones en France" a assuré Emmanuel Macron en février 2018.
L'Union européenne a annoncé mi-octobre qu'elle allait ouvrir des discussions avec les Etats-Unis pour régler définitivement cet ancien contentieux sur le boeuf aux hormones américain, tout en assurant aussitôt qu'il n'était pas question de revenir sur l'interdiction de ce boeuf.
- Concernant le "saumon transgénique", la Commission rappelle qu"'aucun organisme génétiquement modifié (OGM) ne peut être commercialisé en Europe sans autorisation préalable" et donc que "le saumon transgénique est interdit à la commercialisation en Europe".
C'est ce que l'on retrouve dans l'article 4.2 du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil européen du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés.
- S'agissant du poulet "lavé au chlore", seule l'"eau potable" ou "l'eau propre" peut servir à "éliminer la contamination de la surface des produits d'origine animale", ce qui élimine de fait la pratique de l'industrie américaine du poulet, qui a recours à un trempage des volailles déplumées dans une solution chimique antimicrobienne, contenant notamment du chlore, pour en éliminer les bactéries comme les salmonelles.
L'interdiction d'importation du poulet chloré en UE est en vigueur depuis 1997, et fait l'objet d'un contentieux devant l'Organisation mondiale du commerce depuis 2009.
"Dans des cas spécifiques comme celui du poulet lavé au chlore, la Commission européenne a maintes fois répété que la législation européenne sur la protection de vie humaine, de la santé et du bien-être animal ou des intérêts des consommateurs et de l'environnement, ne fera pas l'objet d'une négociation" expliquait encore la représentation française de la Commission européenne dans cet article de 2015.
Boeuf aux hormones, saumon transgénique et poulet lavé au chlore ne sont donc pas autorisés en Union européenne.
Ces produits entrent-ils tout de même sur le territoire de l'UE ?
Suite à son approbation par le Parlement européen début 2017, le CETA, l'accord commercial entre l'Europe et le Canada, est appliqué de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017.
Certains craignent que le CETA, en favorisant les échanges, permette l'arrivée de saumon transgénique dans les commerces européens. "CETA ou non, le saumon transgénique est interdit à la commercialisation en Europe", répond la Commission européenne.
Des ONG comme Foodwatch s'inquiètent que du saumon transgénique soit tout de même importé en UE car il ne nécessite au Canada "aucun étiquetage spécifique" puisque "aucune source de préoccupations en matière de santé et de sécurité n’a pu être appuyée par des fondements scientifiques" selon "les évaluations indépendantes d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), Santé Canada et de l’ACIA".
Dès lors, pour Foodwatch, "les contrôles à nos frontières risquent d’être assez difficiles, augmentant les risques de fraudes".
"Au vu de la multiplication des scandales sanitaires liés aux importations, on peut douter du fait que les autorités soient réellement capables de réaliser les contrôles suffisants pour être certaines que ce type de produit n’arrive pas sur le sol français et européen », précisait aussi au Monde Samuel Leré, responsable environnement et mondialisation au sein de la Fondation Nicolas Hulot. En fait, pour savoir s’il s’agit d’un saumon OGM ou non, les autorités devront pratiquer un test génétique qui d'après lui "coûte assez cher, entre 5 et 15 euros".
Le CETA prévoit aussi que le Canada peut exporter en UE 65.000 tonnes de boeuf par an, mais ce boeuf doit être sans hormones, et nécessite donc une filière spécifique et des contrôles.
Pour la Commission européenne, interrogée par l'AFP, "il est largement reconnu que l’UE applique les normes les plus strictes en termes de sécurité alimentaire. L'objectif est que le niveau de protection des consommateurs reste le même que ce soit pour des produits fabriqués en UE soit importés dans l'UE."
"Les contrôles sont de la compétence des Etats membres" précise à l'AFP la Commission.