Non, l’hantavirus n’est pas un "nouveau virus" avec un risque d’épidémie mondiale
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- Publié le 01 avril 2020 à 09:00
- Mis à jour le 06 avril 2020 à 16:43
- Lecture : 7 min
- Par : AFP Australie, Monique NGO MAYAG
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"Ça c’est le deuxième virus (HANTAVIRUS) découvert en Chine et qui a déjà fait 3 morts", affirme l’auteur d’un post partagé plus de 1.700 fois depuis le 26 mars 2020. Une autre version, clamant que le "hanta virus ravages déjà" (sic), a enregistré plus de 8.700 partages.
"Encore le HANTAVIRUS en Chine, 3 décès et quelques 600 cas de contamination", lit-on sur plusieurs autres publications Facebook (1, 2, 3, 4) et Twitter.
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Ces publications, dont beaucoup sont souvent illustrées avec l'image d’une main ensanglantée constellée de petits trous en sang, viennent alimenter un climat d’angoisse généralisée en raison du nouveau coronavirus.
Plus de la moitié de l'humanité vit confinée pour tenter d'enrayer la pandémie qui a fait au moins 70.000 morts à travers le monde, dont près des trois-quarts en Europe, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles le 6 avril à 11h00 GMT.
Au moins 1,28 million de cas de contaminations ont été déclarés dans le monde.
Un virus détecté dans les années 1950
Ces nombreuses publications virales se sont basées sur l’annonce le 24 mars par le journal national chinois de langue anglaise, le Global Times, d’un décès survenu dans un bus en Chine, causé par l’hantavirus.
Même si dès le lendemain, le journal chinois a relativisé la portée de ce décès, la rumeur s’est rapidement propagée sur les réseaux sociaux: la pandémie du nouveau coronavirus n’est pas terminée qu’un "nouveau virus" est déjà "apparu" en Chine.
L’hantavirus n'est pourtant pas nouveau.
Les hantavirus sont une famille de virus -comme les coronavirus- qui a été détectée pour la première fois dans les années 1950.
Une étude américaine américaine de 2010 souligne que "la première irruption de la maladie a lieu pendant la guerre de Corée (de 1950 à 1953), au cours de laquelle plus de 3.000 soldats des Nations Unies ont été malades de la fièvre hémorragique coréenne, communément appelée fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR)."
Les hantavirus sont présents chez les rongeurs, et les humains peuvent être contaminés notamment par l’inhalation de poussières contenant des particules d’urine, de déjections ou de salive d’animaux infectés, lors d'activités en forêt à la campagne.
"Lorsqu’ils affectent l’être humain, les hantavirus peuvent être responsables d’infections, de gravité variable, parfois mortelles : en Europe et en Asie, de fièvres hémorragiques à syndrome rénal (FHSR) ; sur le continent américain, de syndrome cardio-pulmonaire à hantavirus (SCPH)", résume le site Santé Publique France.
Quatre espèces d’hantavirus circulent sur le continent européen: le virus Puumala (PUUV), le virus Séoul (SEOV), le virus Dobrava-Belgrade (DOBV), le virus Tula (TUV).
"Le PUUV est le virus responsable du plus grand nombre de cas de FHSR et circule en Europe du Nord et de l’Ouest avec un taux de létalité faible de l’ordre de 0.4%", détaille Santé Publique France.
D’autres espèces d’hantavirus circulent sur le continent américain, notamment en Amérique du Sud, et causent le SCPH, maladie plus dangereuse qui présente un taux de létalité "de l’ordre de 30 à 60%", selon l’Institut Pasteur.
Les symptômes de SCPH sont "des céphalées, des vertiges, des frissons, de la fièvre, des myalgies et des troubles digestifs, comme des nausées, des vomissements, des diarrhées, des douleurs abdominales, suivis de l’apparition brutale d’une détresse respiratoire et d’une hypotension", résume l’OMS.
Ces symptômes surviennent "de deux à quatre semaines après l’exposition initiale au virus mais ils peuvent apparaître au minimum une semaine et jusqu’à huit semaines après l’exposition".
Transmission interhumaine rare, aucun risque d’épidémie
A la différence du nouveau coronavirus, l’hantavirus se transmet presque exclusivement des rongeurs aux humains, et non d’humain à humain.
"Aucune transmission interhumaine n’a été décrite à ce jour, excepté pour l’hantavirus sud-américain Andes", souligne Santé Publique France.
Dernièrement, l’OMS a en effet recensé 29 cas de SPH (confirmés en laboratoire), avec onze décès, à Epuyen, dans le sud de l’Argentine entre le 28 octobre 2018 et le 20 janvier 2019.
Six cas ont également été enregistrés en Guyane Française, dont quatre ont été mortels, souligne l’Institut Pasteur.
Du fait de sa transmission rare d’humain à humain, l’hantavirus cause bien moins de morts que le nouveau coronavirus.
Dans un rapport publié en 2017, la CDC, l’autorité sanitaire américaine, faisait état de 728 cas de maladies à hantavirus signalées -et confirmées en laboratoire- depuis qu'elle a lancé la surveillance de ces virus aux États-Unis en 1993.
L’Agence de la santé publique du Canada a, elle, enregistré 109 cas confirmés d'infections et 27 décès entre 1989 et 2015.
"Le hantavirus n’est en rien comparable au nouveau coronavirus", rassurent les autorités française sur la page d'information sur le nouveau coronavirus du site du gouvernement. Il n’y a "pas de risque de diffusion massive", et donc "pas de risque d’épidémie mondiale au hantavirus".
Il n'existe actuellement aucun vaccin spécifique contre les hantavirus, et le traitement des maladies qu’ils causent se fait par le traitement des symptômes (avec paracetamol, repos…).
"La prévention de l’infection consiste essentiellement à limiter les contacts avec les rongeurs, leurs sécrétions et excrétions", souligne Santé Publique France.
Une photo d’un maquillage d’épouvante
Une photo d’une main constellée de trous ensanglantés accompagne souvent les publications sur l’hantavirus, sous-entendant qu’ils s’agit des effets causés sur le corps humain.
Comme évoqué précédemment, les hantavirus causent une détresse respiratoire et cardiaque. Les symptômes n’ont donc rien à voir avec des blessures cutanées et ne touchent pas les mains et avant-bras.
Cette photo n’a donc aucun lien avec ces virus.
Une recherche d’image inversée avec le moteur Google images nous mène à un article évoquant le buzz autour d’"incroyables -mais fausses- photos de trypophobie", la phobie associée à la vision de petits trous (tels les nids d'abeille, la mousse de shampoing...).
Plusieurs photos d’une main percée de trous, similaires à celles reproduites sur les publications Facebook que nous vérifions, y apparaissent.
L’auteur de l’article renvoie au compte officiel Facebook d’une artiste spécialisée dans les effets spéciaux d’épouvante, Bridgette Trevino. On ne retrouve toutefois pas précisément l’image qui nous intéresse sur ce compte.
Mais on la retrouve sur les publications d’un autre compte de Bridgette Trevino, parmi toute une série de clichés de la main aux trous ensanglantés (1, 2, 3) prise sous divers angles et publiée le 31 août 2017.
Dans la légende de cette publication, Brigitte Trevino, qui se présente comme autodidacte dans le maquillage gore, explique et met en garde.
"Voici ce sur quoi je travaillais plus tôt. Ceci est en fait inspiré par la trypophobie. TOUT (est) FAUX PAS RÉEL. TOUS LES EFFETS SPÉCIAUX MAQUILLAGE. VEUILLEZ NE PAS SIGNALER MON ART. CACHEZ SIMPLEMENT DE VOTRE FIL D'ACTUALITÉ", écrit-elle en anglais.
Contactée le 1er avril par l’AFP, Bridgette Trevino a confirmé qu’elle était bien l’auteure de ces images et de ce travail.
"Ce post (évoquant l’hantavirus avec ses photos, ndlr) n'est tout simplement pas vrai. J'ai créé cet effet en utilisant un type de cire et de faux sang", a-t-elle expliqué à l’AFP.
"La personne qui porte cet effet sur sa main est ma sœur", conclut-elle.
Une vidéo sur Youtube dévoile d’ailleurs le trucage, en montrant comment il est retiré de la main et de l’avant-bras (à la 35e seconde).
Traduit et adapté de l'anglais par Monique Ngo Mayag.